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François Hollande s’est-il réconcilié avec le monde de l’entreprise?

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Aujourd’hui, notre pays a plus que jamais besoin de ses entreprises et paradoxalement, on a l’impression qu’il ne les aime pas. L’entreprise doit être un instrument pour sortir de la crise. C’est une occasion unique pour la gauche française de se guérir enfin. La gauche et l’entreprise peuvent-elles enfin s’entendre ? Eléments de réponse avec Olivier Mathiot, cofondateur de PriceMinister et auteur de La gauche a mal à son entreprise (Plon – septembre 2013).

JOL Press : Qu’est-ce qui vous a amené à écrire ce livre ?

Olivier Mathiot : Je suis entrepreneur en tant que cofondateur de PriceMinister. Depuis la revente de cette entreprise, je suis en poste chez Rakuten, le plus grand site de commerce en ligne du Japon, et également business angel, accompagnant une douzaine de start-up innovantes. Enfin, dans l’affaire des « Pigeons », j’ai été l’un des deux porte-parole du mouvement. À partir de là, j’ai commencé à assister aux assises de l’entreprenariat, à collaborer avec Fleur Pellerin et à écrire quelques tribunes dans Le Monde, le Journal du Net ou Libération. Mais je voulais aller jusqu’au bout de ma démarche, j’ai donc écris un livre.

JOL Press : Que retenez-vous principalement du mouvement des « Pigeons ». Une victoire ou un coup d’épée dans l’eau ?

Olivier Mathiot : Le mouvement a vraiment permis des avancées. Il y avait eu un malentendu autour de la loi de finances de l’année dernière qui avait été faite, à mon avis, trop vite, sans consultation, ni concertation. Cette colère des « Pigeons » était nécessaire car les entrepreneurs ne sont pas bien représentés dans le monde politique. À l’Assemblée nationale et au gouvernement, il n’y a aucun entrepreneur. Il fallait donc leur faire connaître l’entreprise et ils nous ont écoutés puisqu’il y a eu des Assises de l’entrepreneuriat à Bercy et un an après, la nouvelle loi de finances a de nombreux côtés positifs : la compréhension sur l’imposition des plus-values, par exemple, est beaucoup plus en phase avec la réalité de l’Union européenne et de la vie des entreprises.

JOL Press : Comment qualifieriez-vous la politique de François Hollande vis-à-vis des entreprises depuis un an et demi ?

Olivier Mathiot : Dans le fond, François Hollande comprend que la création des richesses vient des entreprises au départ, que ces entreprises créent de l’emploi et qu’on ne peut pas déléguer la création de l’emploi uniquement aux collectivités locales. Ma grand-mère disait : « Pour partager, il faut produire. » Je suis moi-même un électeur de gauche, je crois au partage et à l’Etat providence; mais on ne peut s’offrir cette solidarité que lorsqu’il n’y a pas trop de chômeurs, sinon on creuse encore le déficit public. La solution ne peut venir que des entreprises. La création de valeur et de PIB, elle, ne se fait pas dans les collectivités locales.

[image:2,s]Nous avons donc invité François Hollande à réviser son manuel de la petite entreprise. Si les gens ne créent plus d’entreprises en France, si les Français ne veulent plus investir, on va dans le mur. En fait, le chef de l’Etat le savait, puisqu’il a fait HEC, comme moi, il a une vraie culture économique, en revanche il est toujours coincé dans ses prises de position par la gauche plurielle, les conditions électoralistes, le fait de vouloir faire plaisir à tout le monde et notamment à sa gauche. Je pense que la plupart des décisions qu’il prend et des décisions qu’il prononce, ne viennent pas de sa conviction intime mais du fait que la politique est, hélas, trop souvent faite de communication.

JOL Press : Avez-vous des exemples de réformes du gouvernement Ayrault vraiment favorables à l’entreprise ?

Olivier Mathiot : 44 réformes ont été proposées par les Assises de l’entrepreneuriat et 15 qui ont été annoncées lors de la clôture des Assises de l’entrepreneuriat, le 29 avril, par François Hollande. On y trouve, par exemple, un nouveau régime de l’imposition sur les plus-values pour les investisseurs qui mettent leur argent dans les PME. Si on investit dans une PME, on pourra bénéficier d’un régime incitatif par rapport au régime général. Dans le régime de droit commun, il y a une grille d’imposition qui correspond à l’impôt sur le revenu et si vous avez des plus-values générées par des investissements dans une PME, vous pourrez bénéficier d’un abattement. Cette mesure favorise l’investissement alors que la loi de 2013 était décourageante.

Je peux vous citer aussi la création d’un PEA/PME. C’est une proposition qui serait intéressante à suivre de près. Il ne suffit pas de l’annoncer, il faut aussi voir son application. Le PEA (Plan d’épargne en actions) était jusqu’alors principalement consacré à l’investissement des particuliers dans la bourse. Le PEA/PME pourrait être une enveloppe supplémentaire réservée à l’investissement des particuliers dans les PME. C’est une bonne mesure.

On pourrait parler aussi d’une disposition qui viendrait favoriser l’arrivée de talents entrepreneuriaux venant de l’étranger et simplifier leurs démarches administratives pour qu’ils puissent créer leur entreprise en France.

JOL Press : Dans votre livre, vous dénoncez l’égalitarisme comme un handicap de la France. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

Olivier Mathiot : Dans l’entreprise et en général dans la société, il faudrait revisiter la notion d’égalité. Il existe une belle idée de l’égalité qui est l’égalité des droits, mais à force de galvauder le concept d’égalitarisme on finit par imaginer que nous sommes tous égaux. Mais tout le monde ne peut pas avoir les mêmes droits, car tout le monde n’a pas les mêmes capacités. Ce n’est pas très politiquement correct de le dire, mais je pense que le fait d’être à gauche ne doit rien changer à cela. Le déséquilibre fait partie de la vie économique. Qui dit concurrence dit déséquilibre.

C’est vrai aussi à l’intérieur d’une entreprise. Certains ont plus de talents que d’autres, il faut pouvoir les garder et les rémunérer davantage. L’égalitarisme économique et financier n’a aucun sens. L’entreprise permet l’ascenseur social et l’ascenseur social n’est pas égalitariste, par définition. C’est cela que je dénonce.

JOL Press : Comment expliquer la méfiance de la gauche vis-à-vis de l’entreprise ?

Olivier Mathiot : Le problème de la gauche, c’est qu’elle caricature la vision de l’entreprise en la résumant aux patrons, or un patron d’industrie au XIXe siècle et un patron de start-up aujourd’hui n’ont plus rien à voir. Les écarts salariaux dans une start-up sont beaucoup plus faibles que dans les entreprises du CAC 40, par exemple. La gauche est restée sur des définitions de l’entreprise et du capitalisme très anciennes, comme si rien n’avait évolué. Et il faut que cela change.

JOL Press : Si vous deviez donner un seul conseil à François Hollande pour soutenir les entreprises, quel serait-il ?

Olivier Mathiot : Ce qui me paraît être le plus urgent, c’est de favoriser pas tant la création que le financement des entreprises. Nous avons en France beaucoup de créations d’entreprises, mais un grand nombre d’entre elles n’arrivent pas à grossir. Nous avons très peu d’entreprises récentes qui sont devenues de grands champions. Il faut vraiment chercher à attirer les capitaux et inciter à investir dans les entreprises à tous les échelons. François Hollande ne doit pas avoir peur de l’investissement des capitaux étrangers et doit tout faire pour attirer les talents étrangers.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Olivier Mathiot est co-fondateur de PriceMinister, désormais filiale française du groupe japonais Rakuten, et un des porte-parole du mouvement des « Pigeons ». Il est également un business angel et co-rédacteur du Manifeste des entrepreneurs pour un appel à concertation immédiate  qui a recueilli plus de 3 000 signatures adressées à François Hollande.

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