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Il est le seul à avoir prédit le Printemps arabe

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Les bouleversements géopolitiques du XXIe siècle et plus spécifiquement ceux intervenus au Grand Moyen-Orient, désignés par les uns par l’expression de printemps arabe et par d’autres d’hiver islamiste, menacent l’équilibre précaire existant entre le monde occidental et cette région du monde.

Dans son livre « Du Printemps arabe… à l’automne islamiste ? », sorti le 10 octobre dernier, Walid Pharès appréhende dans leur globalité les révolutions arabes, mais aussi leur impact en Iran et en Turquie, maillons d’une même chaîne, et analyse les causes des bouleversements survenus dans les pays clés du monde islamique depuis les années 90 : de l’Afghanistan à l’Irak, du Liban à la Syrie, de l’Iran au Soudan, du Maghreb à l’Egypte et à la Péninsule arabique, et les retombées terroristes au Sahel et dans les pays occidentaux.

Cet éclairage sur les racines historiques des mouvements, à la fois islamistes et laïques, leur évolution, et les perspectives que réservent cette région du monde, invite à une prise de conscience collective et internationale, visant à mettre en garde la communauté internationale contre les dangers qui guettent ce vaste ensemble régional, dont le basculement peut affecter à plus ou moins long terme l’équilibre global de notre planète.

Le Grand Moyen-Orient est la proie d’une course acharnée entre islamistes et réformateurs, et dont l’issue va redéfinir l’avenir de la région et des relations internationales pour les décennies prochaines.

Extrait de Du Printemps arabe… à l’automne islamiste ? de Walid Pharès

Lorsque j’apportai la touche finale au manuscrit The Coming Revolution le 4 juillet 2010, je ne me doutais pas que seulement six mois plus tard, l’élan révolutionnaire allait emporter dans sa fougue une capitale arabe après l’autre, provoquant la chute de régimes autoritaires vieux de multiples décennies, puis la montée en force des islamistes face aux forces laïques. Mon ouvrage avait été le seul à prévoir la prochaine éruption des sociétés civiles de la région et le rassemblement des forces du changement – les majorités numérales et les minorités ethniques et religieuses – ainsi que la disposition des islamistes dont les Frères musulmans et le régime iranien à tirer la couverture à eux. Mes lecteurs avaient pu bénéficier avant l’heure d’un avant-goût des événements qui allaient toucher la région.

Seul auteur apparemment à avoir pressenti cette « perturbation saisonnière » qui sera baptisée « Printemps arabe », je me retrouvais dans une position particulière face aux réactions suscitées par mes thèses. Entre la période de publication de mon livre et celui du début des révoltes tunisiennes et égyptiennes, j’analysais minutieusement l’évolution des critiques et des commentaires publics. J’étais un spectateur averti car j’avais vu venir les événements, j’avais été convaincu de leur occurrence et j’avais rédigé un livre sur leur caractère inéluctable. Cela constitua l’une des expériences intellectuelles les plus marquantes de ma vie. Un changement que j’avais annoncé avait frappé subitement et m’avait permis, alors qu’il bouleversait la donne régionale, de présager de la suite au vu d’un grand nombre de développements majeurs. Un autre livre ne suffirait pas à décrire cette expérience unique de l’Histoire. L’une des certitudes que j’en tirais toutefois, c’était que l’Ouest avait été incapable de voir venir ce moment.

Après la rédaction de mon manuscrit au début de l’été 2010, vint la question entre mon éditeur, mon agent et moi-même, du titre que porterait l’œuvre. Celui que j’avais choisi, The Coming Revolution, ou « La révolution arrive », le laissa sceptique et il voulut sonder ma certitude. J’expliquais que les révolutions étaient en train de fermenter, sans nul doute, et qu’elles avaient déjà commencé à se manifester dans certains points de la région, me référant à la révolution du Cèdre et à la révolution Verte. J’ajoutai qu’elles avaient déjà envahi le Net, notamment YouTube et Facebook, et que nos gouvernements ne les voyaient pas venir car leurs experts étaient occupés à regarder ailleurs. Le titre fut adopté et l’éditeur me quitta ce jour-là avec un sourire aux lèvres : « Espérons que vous ne vous trompez pas, le titre va à l’impression. »

Je réfléchis à notre discussion durant la nuit, mais au matin, ma conviction n’avait pas faibli, le vent du changement, j’en étais certain, allait souffler sur la région. Je suivais les débats en ligne, traquant les appels au changement sur YouTube et Facebook. La tendance présageait sans erreur possible les développements futurs dans la région : comme à Beyrouth et en Iran, les masses étaient mûres pour la rébellion. Les jeunes n’avaient eu de cesse de débattre de la nécessité d’avancer, de manifester et de réformer. Il n’apparaissait pas clairement néanmoins, même pour les révolutionnaires en herbe, si leur mouvement allait prendre l’ampleur d’un changement de régime ou s’il se contenterait de revendiquer des réformes importantes. Mais les forces régionales de la société civiles se plurent à tester leur chance.

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Comme je l’avais souligné dans mon ouvrage de 2010, le Moyen-Orient avait laissé réchapper de nombreuses opportunités historiques d’introduire la liberté et la démocratie. De l’ère postcoloniale bâclée à l’échec de la décennie post-guerre froide, à l’opportunité ratée de l’après-septembre 2011, les peuples de la région étaient restés captifs de leurs nations par des élites idéologiques réprimant les libertés. La légitimité de ces dictatures était sur le point d’être remise en question puis réfutée par la marée montante des contestataires de la société civile. Mais les autres autoritaristes, notamment les mouvements islamistes, rongeaient leur frein tout en se préparant.

Dans la région, le tour des événements demeurait assez complexe, aussi évident semblait-il – du moins à mes yeux – que le séisme était imminent. Ce n’était qu’une question de temps et de circonstances, mais tout semblait indiquer, au moment où je travaillais à mon ouvrage, qu’à tout instant la situation dans le monde arabe pouvait basculer. Tout en guettant les indices, mon instinct me soufflait que cela ne prendrait pas plus d’une année, et je priais pour que mon titre voie le jour avant de perdre de sa pertinence. Il s’en sera fallu de peu. Mon ouvrage paraîtra en novembre, un mois avant les prémices du Printemps arabe.

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