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La situation sociale s’améliore-t-elle vraiment en Espagne?

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JOL Press : Plusieurs chiffres encourageants en matière de croissance et d’emploi ont été présentés par le gouvernement dernièrement. Constatez-vous une réelle amélioration de la situation sociale dans le pays ?
 

Miguel Angel Ferris : Non pas du tout. Les citoyens, y compris les adhérents du parti au pouvoir, ne font plus confiance au gouvernement. Je pense que même le gouvernement ne croit pas en leurs chiffres et en ce qu’ils disent. C’est juste pour créer un espoir concernant la croissance économique et le chômage, mais cela ne correspond pas aux analyses des entreprises internationales qui ont indiqué que le reprise économique n’était pas encore venue et qu’il n’était pas non plus assuré que ce soit le cas l’année prochaine.

Les citoyens ne croient pas aux chiffres qui sont avancés par le gouvernement chaque année avant de faire le budget. Après deux années où ce qui a été promis, notamment durant la campagne, n’a pas été fait – et le gouvernement le reconnaît d’ailleurs – les gens ne croient plus que les annonces positives vont se réaliser, du moins à court terme.

JOL Press : Qu’en est-il des tensions sociales, et des contestations des mesures d’austérité ?
 

Miguel Angel Ferris : Cela dépend vraiment des régions. Par exemple aux îles Baléares, il y a eu une grande mobilisation sociale concernant l’identité nationale et le système éducatif public. En Catalogne, la recentralisation du gouvernement a provoqué de grandes manifestations, avec une immense chaîne humaine notamment.

Le pays basque, qui est dans une situation différente du reste de l’Espagne, avec un taux de chômage plus faible, est également concerné. Il y a dans cette région un refus d’appliquer les mesures d’austérité du gouvernement central. Dans d’autres régions, on attend le début de l’automne car c’est le moment où commencent les mobilisations.

Concernant ma région en particulier, à Valence, avec les « routes du gaspillage et de la corruption », on met en place des « campagnes » pour montrer par exemple l’abandon du patrimoine culturel – les bâtiments qui ont été construits mais qui ne servent à rien -, ce qui participe bien sûr au gaspillage de l’argent public. Il y a beaucoup de mouvements en Espagne qui commencent et qui montrent aux citoyens que l’on ne peut pas supporter cette situation.

Le problème, c’est également qu’il n’y a pas d’alternative politique. Les gens veulent se mobiliser mais peuvent être dans l’attente de la « rénovation » du parti de gauche. C’est aussi pour cela qu’il n’y a pas d’explosion, car il n’existe pas d’alternative politique.

JOL Press : Observe-t-on une montée des extrêmes dans le pays ?
 

Miguel Angel Ferris : L’Espagne représente vraiment un cas particulier. Le parti populaire est l’unique parti de droite allant du centre libéral à l’extrême droite. Il réunit toutes les tendances de la droite, comme sous la dictature de Franco. Il a en son sein les éléments de l’extrême droite. S’il n’a pas laissé de parti d’extrême droite indépendant, c’est parce qu’il sait que cela pourrait compromettre son maintien au pouvoir.

Il faut également prendre en compte qu’avec la crise, une nouvelle forme de solidarité s’est mise en place entre tous les Espagnols, y compris avec les immigrés. Les familles tentent aussi de protéger les chômeurs. Cette nouvelle forme de solidarité au sein de la population a contribué à éviter le développement de la démagogie ou du populisme, et la montée de l’extrême droite. L’Espagne est un pays d’échanges, où différentes cultures communiquent. On accepte beaucoup plus la différence que dans d’autres pays.

JOL Press : Quels vision de leur avenir ont les jeunes en Espagne aujourd’hui ?
 

Miguel Angel Ferris : Leur situation est vraiment difficile. Avec notre taux de chômage, beaucoup, et en particulier ceux qui n’ont pas de diplôme, considèrent qu’ils n’auront pas la possibilité de trouver un emploi dans les prochaines années. Ils vont alors souvent vers d’autres pays comme l’Allemagne ou l’Angleterre, et acceptent des postes que personne d’autre ne veut ou qui ne correspondent pas à leur niveau d’étude. Des jeunes Espagnols, parfois avec des masters, se retrouvent à faire le nettoyage dans des entreprises à l’étranger ou encore à travailler dans la restauration. A Valence par exemple, le nombre de personnes partant pour l’étranger a été multiplié par quatre avec la crise.

Mais cette situation difficile ne concerne pas que les jeunes. Dans certains quartiers, le taux de chômage peut atteindre 60%. Ce qui peut parfois donner lieu à des situations explosives.

Propos recueillis par Rémy Brisson pour JOL Press

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