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Lampedusa, porte d’entrée vers l’Europe et vers la mort

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Une nouvelle tragédie s’est abattue hier sur l’île de Lampedusa, à 150 kilomètres des côtes italiennes. Chaque année, les autorités siciliennes dressent un bilan des désastres humains causés par la migration clandestine. Et chaque année, le nombre de morts augmente.

Cette fois, c’est plus d’une centaine de migrants africains originaires de la Corne de l’Afrique qui ont trouvé la mort après le naufrage d’une embarcation qui transportait près de 500 personnes, dont des femmes et des enfants. Un triste record qui alerte une fois de plus les autorités internationales sur la difficile gestion de ces drames humanitaires.

Feux de détresse

« C’est une horreur, une horreur ; ils n’arrêtent pas d’apporter des corps », a répété, en larmes, la maire de Lampedusa, Giusi Nicolini, à l’agence italienne Ansa. « Il faut que les caméras de télévision viennent ici, montrent les cadavres, sinon c’est comme si ces tragédies n’existaient pas », a-t-elle ajouté, précisant que des enfants en bas âge faisaient partie des victimes. Jeudi soir, le bilan faisait état de 133 morts, dont une femme enceinte et quatre enfants, mais les autorités craignaient la disparition de plus de 300 personnes. On a dénombré quelque 150 rescapés.

Les passagers venaient principalement d’Afrique subsaharienne, surtout de l’Érythrée et de la Somalie, deux pays situés dans la Corne de l’Afrique. Sur le bateau, probablement parti des côtes libyennes, se trouvait un homme identifié comme un passeur tunisien, rescapé du naufrage et arrêté par la police.

Selon les premiers témoignages, des migrants auraient mis le feu à une couverture après que le bateau a fait naufrage près des côtes siciliennes, pour alerter un navire de pêcheurs qui passait à proximité mais qui ne serait pas intervenu. Le feu aurait ensuite gagné toute l’embarcation en raison d’une fuite de carburant.<!–jolstore–>

Honte, choc et tragédie

Le drame a provoqué une nouvelle onde de choc en Italie, quelques jours seulement après que 13 immigrés se sont noyés près de Raguse, au sud-est de la Sicile. Ils avaient sauté ou été jetés par-dessus bord par des passeurs alors qu’ils naviguaient sur une embarcation transportant environ 200 âmes, migrants ou réfugiés clandestins.

Le pape François, qui s’était d’ailleurs rendu à Lampedusa pour son premier voyage papal hors de Rome au début du mois de juillet, fustigeant alors la « mondialisation de l’indifférence »a parlé cette fois de « honte » face aux nombreuses victimes de ce nouveau naufrage. « Prions pour ces hommes, ces femmes et ces enfants qui sont morts et pour les familles des réfugiés. Unissons nos efforts pour qu’une telle tragédie ne se répète pas », a-t-il déclaré, appelant également sur Twitter à « prier Dieu pour les victimes du tragique naufrage au large de Lampedusa. »

Antonio Guterres, chef du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR), a également exprimé sa tristesse, se disant « choqué par ce drame » et « bouleversé par la montée du phénomène des migrants et des personnes fuyant les conflits et périssant en mer. »

Quant à Enrico Letta, chef du gouvernement italien qui vient tout juste de remporter un vote de confiance au Parlement après une semaine politique troublée par la démission de cinq ministres, il a qualifié le drame « d’immense tragédie. » Son vice-Premier ministre, Angelino Alfano, s’est rendu sur place, interrompant les activités politiques prévues après le vote de confiance.

Le drame – européen – de trop

La tragédie vient une fois de plus poser la question de la responsabilité et de la prise en charge des migrants. Le président italien, Giorgio Napolitano, a ainsi lancé un appel au secours à l’Union européenne : « Nous nous trouvons maintenant face à une succession de véritables massacres d’innocents, jusqu’à celui, encore plus choquant, qui s’est déroulé ce matin à Lampedusa », a-t-il déclaré jeudi.

« On ne peut plus contourner la nécessité absolue de décisions et d’actions de la communauté internationale et de l’Union européenne en premier lieu. » De son côté, Angelino Alfano a apporté son soutien au président. « Nous espérons que l’Union européenne est consciente que ce n’est pas un drame italien, mais européen », a-t-il déclaré. Bruxelles avait déjà exprimé sa « tristesse » devant cette « véritable tragédie.»

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Dernier voyage

Depuis le début de l’année 2013, plus de 22 000 migrants ont été débarqués sur les côtes du sud de l’Italie, soit près de trois fois plus que l’année précédente. Au premier semestre 2013, ils étaient près de 8 000 clandestins à atteindre les côtes de Lampedusa. Et depuis 25 ans, 20 000 migrants ont trouvé la mort au cours de leur voyage vers « l’Eldorado » européen.

En provenance des côtes libyennes ou tunisiennes situées entre 150 et 300 kilomètres de Lampedusa, les petites embarcations de fortune, la plupart du temps surpeuplées, parviennent souvent difficilement jusqu’à la « Porte de l’Europe ». L’île de Lampedusa, qui vit essentiellement du tourisme et de la pêche, constitue un point de passage pour les migrants qui espèrent continuer leur voyage jusqu’au continent européen.

Ceux qui ont la chance d’arriver sains et saufs se heurtent généralement aux autorités italiennes qui combattent avec fermeté cette immigration clandestine et malheureusement souvent meurtrière. L’Italie, qui a des accords avec ses voisins d’Afrique du Nord, a même fourni aux garde-côtes tunisiens et libyens des navettes pour reconduire les clandestins à la frontière.

Mais les deux années de troubles politiques dans les pays arabes et les conflits qui continuent d’ébranler le Moyen-Orient ont rendu extrêmement complexe la prise en charge de ces migrants, les pays se renvoyant la balle de chaque côté de la Méditerranée.

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