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Le gaz de schiste, une aubaine pour la France en crise?

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JOL Press : Dans quel cadre institutionnel et politique, vous et M. Bataille, êtes-vous allés en Pennsylvanie, aux Etats-Unis, cet été, afin de mesurer les impacts du gaz et du pétrole de schiste ?
 

Jean-Claude Lenoir : Dans le cadre du rapport que nous faisons à la demande de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), Christian Bataille en tant que député de la majorité, et moi-même en tant que sénateur de l’opposition, travaillons depuis le début de l’année, sur les techniques alternatives d’exploitation des hydrocarbures non conventionnels qui permettent de récupérer les huiles et les gaz situés relativement en profondeur.

Nous nous sommes ainsi rendus dans le bassin parisien ainsi que dans ceux du Nord et de la Lorraine. Nous avons effectué deux déplacements à l’étranger. Un premier durant la troisième semaine du mois de juillet, aux Etats-Unis en Pennsylvanie et au Texas, et un autre en Pologne, la semaine dernière. Aux Etats-Unis, avec l’aide de l’ambassade de France à Washington, nous avons rencontré un certain nombre d’autorités des administrations de l’Etat fédéral et des cabinets en charge de l’environnement, ainsi que des représentants de sociétés qui travaillent dans le secteur, y compris Total. Nous avons donc pu visiter des puits, et assister à des fracturations hydrauliques, sur les sites d’Utica dans l’Ohio, et de l’entreprise multinationale Halliburton, à Houston. Nous nous sommes également rendus à l’université du Texas dans la ville d’Austin, où il y a un grand département de recherche sur les techniques alternatives de fracturation hydraulique.

En juin 2013, nous avions déposé un rapport d’étape, en attendant le rapport définitif, prévu pour le mois de novembre. Nous avions décidé de rendre ce rapport intermédiaire parce que nous voulions apporter une contribution dans le cadre du débat sur la transition énergétique. Si nous avions en effet attendu le rapport définitif en novembre, nous serions arrivés un peu tard.

JOL Press : Quelles sont les conclusions que vous avez tirées de ce déplacement ?
 

Jean-Claude Lenoir : Aux Etats-Unis, la fracturation hydraulique est très développée. Cette technique très éprouvée, s’est largement améliorée depuis qu’elle a commencé à être utilisée, et notamment par rapport à un certain nombre d’inconvénients qui ont été par ailleurs très justement soulevés. Aujourd’hui, plusieurs entreprises du monde entier se sont implantées dans ce secteur de production, notamment les sociétés françaises Vallourec et Veolia.

Il y a une forte mobilisation avec des retombés indéniables sur le plan économique. Des régions qui étaient ainsi peu développées au départ, jouissent aujourd’hui de l’activité soutenue de ces compagnies installées sur leur territoire.

Bien sûr tout n’est pas transposable en France, du fait à la fois des territoires et des populations. Mais dans l’absolu, l’embellie économique spectaculaire des Etats-Unis, qui maitrisent cette technologie, justifie l’intérêt majeur pour la fracturation hydraulique.  Christian Bataille et moi-même souhaitons par le biais de ce rapport, qui sera remis en novembre 2013, faire au moins avancer la recherche sur le sujet, et ainsi permettre à la France de saisir les opportunités qui se présenteraient à elle.

JOL Press : Que répondez-vous à ceux qui excluent totalement l’exploitation des gaz de schiste du fait de ses conséquences environnementales ?  
 

Jean-Claude Lenoir : Tout d’abord, il faut savoir que la fracturation hydraulique n’a pas été inventée au cours des dernières années. Elle existe depuis 1947 et est notamment utilisée pour exploiter les ressources en eau, ainsi que pour la géothermie. Aujourd’hui, quels sont les principaux inconvénients qui lui sont reprochés ?

Premièrement, la fracturation hydraulique demande beaucoup d’eau. Et c’est d’ailleurs là où réside notre mission, à savoir chercher de nouvelles techniques qui ne nécessiteraient pas l’injection d’eau. On connait des alternatives, mais qui ne sont pas encore totalement éprouvées. De plus, on consomme beaucoup moins d’eau qu’auparavant, et on arrive à maitriser le stockage d’eau à proximité de la fracturation pour éviter qu’elle ne soit transportée. Deuxièmement, les additifs chimiques. Hier j’étais en commission au Sénat avec le ministre de l’Ecologie, Philippe Martin, et lui-même a reconnu que ce n’est plus un argument aujourd’hui. Les additifs rentrent en effet dans la composition alimentaire humaine pour l’essentiel. Et contrairement à ce que l’on raconte, il n’y a pas de produits cancérigènes.

Ensuite, les techniques de forage sont vivement critiquées du fait de la contamination des nappes phréatiques. Or, il ne s’agit pas d’un sujet nouveau puisque depuis des années, des tuyaux les traversent. Il existe aujourd’hui un savoir-faire éprouvé qui nous permet d’isoler le tuyau qui pompe le pétrole ou le gaz. Le quatrième argument que l’on nous oppose généralement concerne les mouvements sismiques qui peuvent causer des accidents. Les failles imprégnées de l’eau « gélifiée », injectée pour fracturer la roche, peuvent en effet entrainer des glissements de roches. Néanmoins, ces mouvements sismiques ont été observés, non pas par les populations, mais par des instruments de mesure.

JOL Press : Comment analysez-vous la position économique et législative de la France sur le sujet actuellement ?
 

Jean-Claude Lenoir : Aujourd’hui, la France achète son pétrole aux pays du Golfe, et ça lui coûte cher. II serait préférable que la France profite de ses propres réserves, situées sous ses pieds.

Avec la Bulgarie, la France est le seul pays à avoir adopté une loi qui interdit totalement la fracturation hydraulique, votée avec précipitation en 2011, [à l’initiative du chef du groupe UMP à l’Assemblée Nationale, Christian Jacob]. Il s’agit là d’une situation plutôt originale.

Nous attendons bien sûr avec impatience le verdict du Conseil Constitutionnel, qui devrait être rendu le 11 octobre prochain, sur la conformité de la loi de 2011 à la Constitution. Si cette Question Prioritaire de Constitutionnalité entrainait l’annulation de certaines dispositions de la loi, alors il est évident qu’un nouveau travail parlementaire serait engagé.

Propos recueillis par Carole Sauvage pour Jol Press

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