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Le lobbying encadré à l’Assemblée Nationale

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La transparence est en vogue au Palais Bourbon. Deux semaines après l’adoption définitive de la loi sur la moralisation de la vie publique, un nouveau règlement encadrant les relations entre les députés et les lobbies est entré en effet en vigueur, ce mardi 1er octobre – jour de l’ouverture de la session ordinaire. Ces nouvelles règles sont directement inspirées du rapport sur le travail des lobbyistes, rendu par le député PS de Saône-et-Loire, Christophe Sirugue, en mars dernier.

Concrètement, les représentants d’intérêt n’ont plus accès à la salle des Quatre-Colonnes et à la salle des Pas-Perdus, par où passent les députés, depuis mardi dernier. Auparavant, les représentants d’intérêt détenaient un badge qui leur permettaient d’arpenter tous les couloirs de l’Assemblée Nationale, et cela sans justification.

Plus de transparence au Palais Bourbon

Dans les prochains mois, un nouveau registre va également être mis en place où les lobbies devront indiquer les sociétés qu’ils représentent, leur liste de clients, les objectifs poursuivis, et la part du chiffre d’affaires consacré au lobbying auprès du Parlement. Il s’agit d’une petite révolution puisque jusqu’à présent, ils s’inscrivaient sur la base du volontariat et se contentaient de préciser leur identité et celle de leur société. Christophe Sirugue, explique à l’AFP qu’il s’agit « du même imprimé que pour les lobbyistes au Parlement européen ».

Interrogée par Jol Press, Myriam Savy, responsable du plaidoyer chez Transparency International France, indique également que les députés devront indiquer de manière « claire et systématique » la liste des personnes auditionnées. « Si jamais, aucune personne n’est auditionnée, ce qui peut arriver, le rapport devra explicitement l’indiquer ». En 2011, Transparency International avait conduit une étude prouvant que dans 62 % des cas, les rapports de textes de lois ne mentionnaient pas la liste des personnes auditionnées ou rencontrées, « un chiffre qui ne reflète pas la réalité » selon Mme Savy.

Par ailleurs, les représentants d’intérêt ne pourront plus monnayer une prise de parole lors des colloques organisés au sein de l’Assemblée Nationale. 

Un dispositif incomplet

Myriam Savy considère toutefois « qu’on aurait pu aller plus loin ». Transparency International regrette notamment le fait que le dispositif soit uniquement propre à l’Assemblée Nationale, et ne crée pas de nouvelles règles de transparence régissant les relations entre les décideurs publics et les lobbies, dans les autres lieux de la décision publique. « Or, lorsqu’un lobby rencontre un député, il peut également dialoguer avec un  sénateur et, en amont, avec des membres de cabinets ministériels ou d’administrations centrales » ajoute-t-elle. 

Myriam Savy déplore également le fait que le dispositif n’ait pas été renforcé concernant les règles applicables aux députés. Sur ce sujet, Transparency International avait d’ailleurs suggéré que les députés soient obligés de publier leurs agendas, et notamment leurs rencontres avec des lobbies afin que les citoyens, journalistes et associations soient avertis des intérêts défendus par leurs représentants. Cette mesure n’a toutefois pas été retenue au sein du dispositif final.

Le lobbying, une activité inhérente au fonctionnement de la vie publique

« Transparency International n’a pas pour objectif l’interdiction du lobbying. Selon nous, il est tout à fait normal que des groupes d’intérêts fassent valoir leur position auprès des législateurs », nuance Myriam Savy. La véritable question est de savoir si les parlementaires et les membres des cabinets ministériels ont entendu l’ensemble des intérêts concernés par un seul et même débat – « c’est que nous appelons l’équité d’accès » -, et si leur décision est réellement dictée par l’intérêt général.

Le  député socialiste Christophe Sirugue reconnait aussi que « personne n’est naïf », le lobbying peut bien évidemment s’exercer aux abords de l’Assemblée Nationale. Interrogé par le journal Le Monde.fr, le lobbyiste Thierry Coste, « connu comme le loup blanc » dans les couloirs du Palais Bourbon, selon sa propre expression, a ironisé sur cette nouvelle réforme en expliquant qu’il se rendrait beaucoup plus souvent au restaurant Tante Marguerite et Le Bourbon à proximité de l’Assemblée : « On devrait contrôler cela aussi, car c’est là que l’on traite les meilleures affaires ».

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