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Le shutdown impossible en France, c’est bien dommage…

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Depuis bientôt 48 heures, la classe politique française observe avec curiosité le spectacle d’une Amérique paralysée par le « shutdown », le blocage de la machine administrative de l’État. Cette même classe politique se félicite qu’une telle mésaventure ne puisse pas arriver en France. Mais certains encore minoritaire, se disent que c’est bien dommage parce que ça permettrait aux hommes politiques de gérer avec plus de sérieux les finances publiques.

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Ce « shutdown » se traduit par  la mise au chômage de plus de 800.000 fonctionnaires de l’État fédéral liée au blocage des finances publiques. La Maison Blanche accuse le Congrès d’avoir pris le pays en otage. Ce dernier n’a fait qu’appliquer la Constitution qui interdit au gouvernement fédéral de dépenser plus qu’il ne gagne. On peut s’endetter un peu, beaucoup même, mais quand les bornes sont dépassées, c’est fini. Pour en sortir, il va falloir que le Président consentent à réduire ses dépenses publiques et notamment ses dépenses sociales ou bien drainer plus de recettes fiscales, ce qui est compliqué dans la conjoncture actuelle.

Le chantage du Tea Party

Le dossier est très difficile à résoudre dans la mesure où le tea-party, très influent chez les Républicains, exigent un démantèlement total de la loi de sécurité médicale qui était au centre du programme de Barack Obama. En 1995, Bill Clinton confronté au même blocage n’avait pas cédé sur les dépenses sociales. Ce sont les Républicains et les premiers tea-party qui ont accepté des compromis sur d’autres dépenses. En attendant, les économistes  essaient d’évaluer l’impact économique d’un tel blocage s’il devait se prolonger longtemps. Les créateurs de richesse et d’emplois sont assez désemparés et ne manquent pas, en général, de faire pression sur les représentants politiques. En 1995, ce qui s’était passé est très simple : les extrémistes populaires avaient reculé devant les risques de ralentissement économique et l’administration Clinton avait amendé ses choix politiques.

Réduire les dépenses au nom du principe de précaution

La France, aujourd’hui en pleine discussion budgétaire, qui ne réussit pas à réduire ses dépenses publiques et à gérer sa dette, considère comme une bénédiction de ne pas avoir les mêmes contraintes. Et c’est vrai. Le « shutdown » est à priori impossible en France. Pour des raisons juridiques d’abord parce que la Constitution ne le prévoit pas. Donc les députés sont libres. L’application  « du principe de précaution » pourrait à la limite servir à limiter les dépenses publiques. Mais tous ceux qui manient le principe de précaution ne l’ont jamais sorti pour tirer le signal d’alarme en cas de dépassement budgétaire. Et pourtant, les risques sont énormes. La seule organisation qui surveille un peu l’évolution des services publiques et qui possède le pouvoir de retoquer un budget c’est désormais la Commission de Bruxelles. Bizarrement, les écolos n’aiment pas. Tout comme l’extrême droite qui crie à la perte de souveraineté.

Pour des raisons politiques, on voit mal un gouvernement accepter la fermeture des agences d’État, 20% des fonctionnaires au chômage, de fermer écoles et hôpitaux. C’est le blocage garanti et l’assurance d’une belle révolution comme on n’en connait une tous les 50 ans. Dans un pays comme la France où 30% de la population active est fonctionnaire, 55 % vivent de revenus de redistribution, le « shutdown » reviendrait à détruire le modèle français.

Un impact pédagogique certain

Beaucoup d’adeptes du « too big, to fail », trop gros pour tomber, n’osent même pas imaginer une telle « catastrophe ». Certes, les mêmes en 2008 pensaient que la faillite d’une banque n’était pas possible. On a vu… Ils ont sans doute raison d’être optimiste sur notre capacité infinie de crédit. C’est dommage. Dommage parce que l’impact pédagogique serait évident. On saurait au moins, UMP, socialistes, UDI ou extrême gauche, que l’on ne peut plus dépenser de l’argent sauf à faire des choix politiques différents. Si l’administration française était bloquée, on serait bien obligé de la faire repartir. Et pour qu’elle reparte il faudrait faire des arbitrages de dépenses différents.

La France a un incroyable talent pour amortir les crises, pousser les problèmes devant nous et cacher les projets de réformes sous le tapis du salon. Dommage. L’Amérique ne peut, ni repousser les problèmes, ni dissimuler les réformes à venir. Quand elle n’a plus d’argent, elle ferme la boutique et va chercher des nouveaux actionnaires. Les hommes politiques sont bien obligés de prendre leur responsabilité. En France, les hommes politiques ne font pas de politique. Ils préparent leur prochaine élection, la menace d’un shutdown changerait tout.

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