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L’euro grimpe face au dollar, qu’est-ce que ça change?

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Le billet vert a naturellement été pénalisé par la crise qui secoue les Etats-Unis suite à l’incapacité du Congrès à voter un budget pour l’Etat fédéral. L’euro a atteint son plus haut historique depuis huit mois, à 1,3607 dollar.  

Principales explications : l’annonce de la BCE et la résolution de la crise en Italie

Les déclarations de Mario Draghi indiquant que la reprise dans la zone euro restait « fragile » laissaient à penser que la Banque centrale européenne pouvait se prononcer dans le sens d’un nouvel abaissement de ses taux. Et cela d’autant plus que l’inflation est actuellement à un niveau extrêmement bas dans les pays de la zone euro.

Pourtant, comme vient de l’annoncer Mario Draghi lors d’une conférence de presse, il n’en sera rien, du moins à court terme. Le statut quo a été décidé et la BCE maintient son principal taux directeur à 0,5 %. Si le patron de la BCE a bien déclaré l’institution « prête à envisager tous les instruments à sa disposition »  pour assurer la reprise de la croissance en Europe, aucune mesure supplémentaire de relance n’a été directement évoquée. Il a également indiqué anticiper une inflation nettement inférieure à 2 % et une poursuite de la reprise dans le zone euro. L’euro s’est donc directement renforcé face au dollar, la « crainte » d’une baisse des taux directeurs ayant été écartée.

La deuxième explication de cette hausse de l’euro, qui a atteint au passage son niveau le plus élevé depuis février, nous vient d’Italie. La bonne nouvelle est venue du résultat favorable du vote de confiance organisé mercredi au Sénat. Contre toute attente, Silvio Berlusconi, dont la stratégie du « chaos politique » devenait de plus en plus impopulaire, a décidé d’apporter son soutien à Enrico Letta.

A ces deux explications de la hausse de l’euro face au dollar s’ajoute la situation aux Etats-Unis. D’une part les services publics ont été partiellement fermés par le « shutdown » et d’autre part les chiffres des créations d’emplois dans le secteur privé qui viennent d’être publiés ont été moins bons que prévus. 

Dans la théorie, quel est l’impact d’une hausse de l’euro ?

La hausse de l’euro n’est ni une bonne ni une mauvaise nouvelle en soi. Elle a un impact différent pour chaque entreprise et influe sur les échanges avec l’extérieur. Ce qui est certain, c’est qu’elle pénalise les entreprises européennes qui exportent hors zone euro. Quand l’euro monte et qu’un pays de la zone euro exporte hors zone euro, cela coûte plus cher au pays qui achète. Il doit « donner » plus de monnaie nationale pour obtenir la quantité d’euros nécessaire à l’achat. Par conséquent, les pays de la zone euro perdent en compétitivité prix avec ce mécanisme. 

Cette perte de compétitivité prix a un impact négatif plus ou moins prononcé selon la nature des produits vendus. Si ses prix constituent le principal argument d’une entreprise, cette dernière sera particulièrement touchée par la hausse de l’euro. Pour maintenir ses ventes, l’entreprise pourra être contrainte de réduire ses marges et de baisser le prix de vente. Si, en revanche, c’est par la qualité de son produit, par sa compétitivité hors prix, que l’entreprise se distingue, elle sera moins affectée.

Une hausse de l’euro touche aussi les entreprises qui n’exportent pas mais qui sont en concurrence avec des produits pouvant être importés hors zone euro. Il coûte moins cher, pour les entreprises de la zone, d’acheter des produits libellés dans d’autres devises. L’esprit patriotique ne tient pas longtemps s’il est possible d’acheter pour beaucoup moins cher un produit hors zone euro. A noter que si le coût des produits achetés hors zone euro diminue, cela signifie également que le coût de l’énergie diminue. Un renforcement de l’euro face au dollar peut donc provoquer une réduction de la facture énergétique pour les entreprises européennes.

Les effets positifs l’emportent-ils sur les effets négatifs dans le cas de la France ?

La hausse de l’euro est une mauvaise nouvelle pour la France, qui souffre d’une compétitivité hors prix insuffisante. En France, les exportations dépendent largement du taux de change, l’impact négatif de la perte de compétitivité-prix engendrée par une hausse de l’euro étant substantiel.

L’Allemagne a, au contraire, tout intérêt à ce que l’euro reste fort. Beaucoup de grandes entreprises du pays, avec en premier lieu les constructeurs automobiles comme BMW ou Mercedes, ne font pas de leurs prix un argument de vente.

En l’absence d’une position commune au sein de la zone euro sur la question du taux de change et d’une politique de change, l’Europe est cantonnée au statut de « ventre mou » monétaire. In fine, dans l’état actuel des choses, notre monnaie « subit » les décisions de la Fed mais aussi des banques centrales chinoises et japonaises. La BCE se montre plus active sur la question, mais reste impuissante devant les divergences entre pays européens.

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