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L’Occident a une part de responsabilité dans le travail des enfants dans le monde

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L’Organisation mondiale du travail a annoncé que le nombre d’enfants travaillant dans le monde avait diminué d’un tiers, passant de 246 millions à 168 millions. Comment expliquez-vous cette diminution ? Assiste-t-on à une prise de conscience mondiale des droits des enfants ?

Olivier Soret : Il faut lier cette diminution à la réduction de la pauvreté dans le monde. Travail des enfants et pauvreté sont indissociables.

Les enfants travaillent bien souvent pour survivre ou permettre à leur famille de survivre. Réduire le travail des enfants, c’est aussi créer des alternatives, des emplois pour les femmes, par exemple, pour que les parents puissent subvenir aux besoins de leurs enfants par eux-mêmes. Si les familles ont un revenu suffisant pour s’occuper de leurs enfants et leur assurer une éducation, ceux-ci vont à l’école et non au travail.

Par ailleurs, la diminution de la pauvreté est une conséquence heureuse du développement économique et industriel des pays en voie de développement. Il ne faut pas non plus négliger le travail des gouvernements de certains pays, ainsi que les efforts de la société civile, des organisations internationales et des ONGs. Par exemple, la création de Bolsa Familia en 2004 a permis aux familles pauvres du Brésil de recevoir un soutien financier de la part de l’Etat, ce qui a permis à beaucoup d’enfants de continuer leur scolarité sans devoir travailler. Des exemples similaires existent également ailleurs.

S’agit-il d’une prise de conscience des droits des enfants dans leur ensemble ? Pas nécessairement. L’OIT et les gouvernements mettent en place des programmes spécifiques, mais cela ne concerne pas l’ensemble des droits de l’enfant. Le droit à l’eau et à l’alimentation ne sont par exemple pas concernés par ces programmes.<!–jolstore–>

Ces progrès vous paraissent-ils satisfaisants ?

Olivier Soret : C’est une victoire. Ces chiffres signifient que des millions d’enfants ne sont pas forcés de travailler, soit par nécessité – pour contribuer au budget familial -, soit parce qu’ils sont forcés à le faire. Mais ce n’est pas l’objectif ultime : il reste encore un long chemin à parcourir avant que tous les enfants manipulent un crayon, au lieu d’une arme, d’une faux, d’un balai ou de produits chimiques. Satisfaisant ? Non. Encourageant ? Oui.

Dans quels pays les enfants travaillent-ils le plus et dans quels secteurs sont-ils « recrutés » ?

Olivier Soret : Les pays d’Asie-Pacifique et d’Afrique subsaharienne comptabilisent le plus d’enfants travailleurs. 

Le travail des enfants constitue également une problématique européenne. Selon une étude récente de l’OIT, plus de 50 000 enfants albanais sont contraints de travailler, dont plus de 35 000 effectuant des travaux dangereux. Et ce fléau dépasse les frontières nationales : selon un rapport récent de l’UNICEF, des enfants des Balkans migrent vers l’Europe occidentale dans le but de travailler, souvent dans des conditions très inquiétantes.

Les secteurs où les enfants sont utilisés sont multiples : cela va de l’agriculture aux groupes armés en passant par la prostitution et les usines. Le domaine employant le plus d’enfants est celui de l’agriculture, suivi par celui des services et de l’industrie.

Par quels moyens, selon vous, les pays employant des enfants peuvent-ils être raisonnés ?

Olivier Soret : La volonté politique n’est pas forcément suffisante. Parfois, il vaut mieux qu’un enfant de 14 ans travaille pour aider sa famille à se nourrir plutôt que d’être interdit de travailler et que sa famille succombe à la malnutrition et aux maladies. Il faut comprendre le contexte et les causes du travail de ces enfants.

Une sensibilisation, un dialogue avec les familles, un renforcement de l’éducation sont des éléments cruciaux pour réduire le travail des enfants.

L’éducation est un investissement pour l’avenir d’un pays. L’OCDE confirme qu’un euro investi dans l’enseignement en rapporte deux aux gouvernements grâce à la création de richesse et aux taxes qu’ils prélèveront. Ils peuvent donc faire un calcul économique à long terme pour se raisonner.

L’Occident a-t-il une part de responsabilité dans le travail des enfants dans le monde ? Consommons-nous encore des produits qui ont nécessité le travail d’un enfant durant son processus de fabrication ?
 

Olivier Soret : Bien entendu. Prenons l’exemple de nos T-shirts. Beaucoup d’enfants, notamment en Asie, fabriquent les vêtements que nous achetons et y appliquent les teintures, qui contiennent parfois des éléments chimiques toxiques. En tant que consommateurs, nous pouvons faire un choix et exiger des garanties dans nos achats.

Sur place, il est parfois difficile de réaliser des contrôles, de sous-traitants en sous-traitants, ou encore lorsque le travail est réalisé à domicile… C’est ainsi que l’on se retrouve avec des ballons de football fabriqués par des enfants au Pakistan.

Qu’attendez-vous de la Conférence mondiale sur le travail des enfants de Brasilia ?

Olivier Soret : De la lucidité et de la réactivité. Nous espérons aussi que les différents acteurs présents pourront établir un compte rendu des avancements qui ont été réalisés depuis la dernière conférence à La Haye en 2010 et identifier clairement les efforts qu’il reste à faire. Ce sera l’occasion de réfléchir sur les moyens à mettre en place en vue d’accélérer ce processus.

A ce titre, nous souhaitons que la diminution de la pauvreté soit à l’ordre du jour, comme impératif à toute avancée au regard du travail des enfants. Lorsque l’on veut, comme notre association, répondre de manière efficace à une violation des droits de l’enfant, il faut s’attaquer aux causes qui engendrent les conséquences et agir globalement.

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