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Manifeste des «343 salauds»: une travailleuse du sexe répond

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Une pétition, signée par 343 hommes rebaptisés les « 343 salauds », sera publiée dans le prochain numéro du magazine mensuel Causeur.

« Touche pas à ma pute ! »

Intitulée « Touche pas à ma pute ! », la tribune entend protester contre une proposition de loi de la députée PS Maud Olivier, déposée le 14 octobre dernier par le groupe socialiste à l’Assemblée, et qui doit être débattue fin novembre.

Parmi les différentes mesures de cette proposition, la création d’une amende allant jusqu’à 1500 euros pour une personne ayant recours à une prostituée a retenu l’attention de certains clients, habitués ou non et plus ou moins connus. Parmi les 343 signataires, on trouve ainsi Frédéric Beigbeder, qui vient de prendre la tête du magazine Lui et aurait selon Libération glissé l’idée de ce manifeste à Élisabeth Lévy, directrice de la rédaction de Causeur.

Mais également les journalistes du Figaro Eric Zemmour et Ivan Rioufol, ainsi que Nicolas Bedos, Richard Malka (avocat de Dominique Strauss-Kahn) et le mari de Frigide Barjot, Basile de Koch. Selon la directrice de Causeur, le manifeste répond d’abord « à l’envie d’emmerder les féministes d’aujourd’hui » et entend défendre « le droit à la différence », le « droit de jouir » et « la cause des hommes » indique-t-elle à Libération.

Un manifeste « totalement déplacé »

Pour Morgane Merteuil, escort girl et représentante du Syndicat des travailleurs du sexe (Strass), ce manifeste est « totalement déplacé ». « Je ne sais même pas quoi répondre tellement je suis dépitée », explique-t-elle à JOL Press.

« C’est complètement déplacé de faire référence au Manifeste des 343 [écrit par Simone de Beauvoir et publié en 1971 dans le Nouvel Observateur, ndlr]. Ces femmes [rebaptisées Les 343 salopes par le Canard Enchaîné, ndlr] avaient lutté pour le droit à l’avortement et assumaient toutes leur choix », rappelle la porte-parole du Strass.

« Aujourd’hui, on est face à 343 connards qui disent « Je vais aux putes ». Mais cela n’a rien à voir avec les 343 salopes ! », s’indigne-t-elle. À la différence des « 343 salopes », certains des « 343 salauds » ont préféré précisé qu’ils n’avaient pas recours aux services des prostituées, mais qu’ils souhaitaient tout de même montrer leur désaccord de principe avec la pénalisation des clients.

« Élisabeth Lévy était au départ pour un texte plus radical et plus assumé », peut-on encore lire sur Libération, « mais certains auraient alors renoncé à signer. « Peut-être ont-ils eu peur de se faire engueuler chez eux ? » » a avancé l’éditorialiste au quotidien.

« On n’est la pute de personne »

« On n’est la pute de personne », lance Morgane Merteuil. « On demande juste aux clients de nous donner de l’argent, c’est tout ». L’escort girl condamne la qualité du débat sur la question qui atteint « un tel niveau de médiocrité ». Pour elle, ce manifeste n’est qu’un exemple de plus de cette « compétition rhétorique » à laquelle se livrent les partisans et opposants à la proposition de loi.

« Il faut arrêter de penser que l’État va empêcher ces signataires « d’aller aux putes ». Ce n’est absolument pas le cas. On sait que les premiers clients pénalisés ne seront pas ces clients blancs, français et bien intégrés, mais plutôt les clients immigrés ou sans-papiers », estime-t-elle.

« Ces 343 signataires ne sont en rien subversifs en disant « touche pas à ma pute ! ». On sait très bien que la plupart d’entre eux font appel à des escorts, et auront toujours leurs réseaux. Ce ne sont pas les signataires de ce manifeste qui seront les plus touchés, loin de là », répète-t-elle.

« Ils sont convaincus que les « méchantes » féministes veulent les castrer et les empêcher de disposer de leur corps. Cela fait le buzz, évidemment, mais le pire, c’est que ces 343 hommes ne cherchent pas juste à faire le buzz, ils sont vraiment convaincus de ce qu’ils écrivent… », conclut Morgane Merteuil.

Si ceux-ci refusent « que des députés édictent des normes sur [leurs] désirs et [leurs] plaisirs », ils tiennent néanmoins à rappeler qu’ils condamnent le sexe « sans consentement », « la violence » et « le trafic des êtres humains ».

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