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Maurice Allais ou l’économie pure d’un «libéral socialiste»

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De Sylvain Fontan, via www.leconomiste.eu

Né à Paris en 1911 et mort en 2010, Maurice ALLAIS est le seul prix Nobel d’économie français qu’il reçoit en 1988. Il sort major de sa promotion à l’Ecole Polytechnique et est considéré comme un des plus brillants économistes de l’histoire. Ses champs de recherche sont aussi variés que la monnaie, l’équilibre des marchés, les probabilités, le capital, etc. Il laisse une œuvre considérable avec plus d’une centaine de papiers et une quarantaine d’ouvrages publiés, souvent fondamentaux. Son ouvrage principal est probablement le « Traité d’économie pure » et son œuvre ambitionnait d’avoir une vision d’ensemble des problématiques économiques.

Eléments de contexte

Il déclare « C’est le krach de 1929 qui m’a poussé à étudier l’économie. J’étais aux Etats-Unis en 1933, à ce moment-là c’était un cimetière d’usines, c’est une question que j’ai essayé d’approfondir et de comprendre ». Il a commencé à écrire et à publier son immense œuvre durant la seconde guerre mondiale. Du fait de l’isolement de la France à cette époque il n’est pas ou peu lu, et il n’a pas non plus accès aux publications de cette période, ce qui rend ses travaux d’autant plus remarquables. Un autre prix Nobel d’économie parmi les plus influents, Paul Samuelson, déclara à son sujet « si les premiers écrits de Maurice Allais avaient été en anglais, une génération entière de science économique aurait pris un cours différent ».

Sur la fin de sa vie, il se déclara être un « libéral socialiste ». Cette déclaration a de quoi surprendre, voire décontenancer, tant son parcours intellectuel et ses écrits sont marqués par la pensée libérale. En effet, il côtoie des économistes libéraux tels que Friedrich Hayek, Milton Friedman, ou encore Ludwig Von Mises, avec lesquels il fonde un des think thank parmi les plus influents après la seconde guerre mondiale : la Société du Mont Pèlerin. Le think thank prône notamment le libre-échange, s’oppose à l’étatisme et vante les propriétés du marché.

Il est connu pour ses cours magistraux brillants durant lesquels il enseigne à des personnes qui deviendront très influentes. A ce titre, il convient de citer Gérard Debreux, qui s’installa aux Etats-Unis, puis obtint la nationalité américaine et reçu le prix Nobel d’économie en 1980; ainsi que Marcel Debreux qui fût le patron d’EDF et qui introduisit l’idée d’ALLAIS concernant la tarification de l’électricité aux coûts marginaux de production.

Le traité d’économie pure, où la théorie de l’équilibre général

Bien que l’ouvrage fondateur d’ALLAIS soit très complet et aborde un nombre important de sujets, il convient d’identifier deux idées principales.

Les premiers chapitres de l’ouvrage permettent de distinguer les calculs et les ajustements effectués par les agents économiques individuels face à des prix et à un environnement qui s’imposent à eux. L’équilibre général qui résulte de ces calculs et qui détermine les choix des agents, réalise la coïncidence des équilibres individuels. Autrement dit, les agents effectuent leur choix de façon individuelle, et la combinaison de ces choix aboutit à la réalisation d’un équilibre général sur un marché.

Les derniers chapitres effectuent l’analyse de l’équilibre général sur un ensemble de marchés, c’est la « Dynamique de l’équilibre ». Il démontre qu’il existe un système de prix réalisant simultanément l’équilibre sur un ensemble de marchés. L’apport essentiel de l’analyse en terme d’équilibre général est de bien montrer que ce sont toutes les conditions économiques qui fixent la valeur des biens, et en particulier les préférences individuelles.

Exemples d’avancées économiques permises par ALLAIS

Les études d’ALLAIS ont abouti à un certain nombre de résultats qui ont donné lieu à des théorèmes tels que (1) l’équilibre général entre l’offre et la demande, (2) la « règle d’or » de la croissance économique, et (3) la prise de décision au sein d’un environnement risqué.

(1) Il démontre qu’un équilibre concurrentiel est une situation d’efficacité maximale. Il développe cela à d’autres secteurs et démontre qu’une seule grande entreprise produit plus efficacement que plusieurs petites.

(2) Il développe un des grands principes de la théorie néoclassique de la croissance économique avec notamment sa « règle d’or » qui stipule en substance que le taux d’intérêt de long terme doit être égale au taux d’augmentation de la population, car à ce niveau l’effort d’investissement se situe alors au niveau optimal qui maximise la consommation.

(3) Auparavant, la science économique supposait que les agents économiques (ménages, entreprises, banques, Etat) décidaient d’une action risquée en évaluant leurs espérance de gain à partir des probabilités liées au risque. ALLAIS démontre que cela est moins vrai lorsque la certitude est proche, autrement dit, quand le gain est presque assuré, alors les agents économiques refusent le risque. Les implications de ce principe sont fortes notamment dans les salles de marché financiers.

Citation

Sylvain Fontan, “L’économiste de la semaine : Maurice ALLAIS”, décryptage publié sur «leconomiste.eu» le 08/07/2013

> D’autres décryptages de Sylvain Fontan sur le site [image:2,s]
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