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Mexique: une enquête sur l’espionnage de la NSA, et après?

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Les relations entre le Mexique et les Etats-Unis sont sur la corde raide depuis que l’hebdomadaire allemand Der Spiegel a révélé, dimanche 20 octobre, que l’Agence nationale de sécurité américaine, la NSA, avait espionné les mails de l’ancien président Felipe Calderon alors qu’il était encore en fonction.

Enquête élargie des autorités mexicaines

Mardi 22 octobre, c’est le ministre des Affaires étrangères mexicain qui a expressément demandé à ce que l’enquête actuellement en cours concernant l’espionnage des citoyens mexicains par les Etats-Unis soit élargie au cas du président Calderon.

« Nous souhaitons que l’enquête soit étendue aux allégations les plus récentes selon lesquelles non seulement des citoyens mais également la présidence aient pu être espionnés », a déclaré le ministre des Affaires étrangères, José Antonio Meade devant la presse.

L’ambassadeur américain au Mexique sera également convoqué par l’actuel président, Enrique Pena Nieto, bien décidé à tirer cette affaire au clair.

« Nous allons attendre la réponse avant de décider si des dispositions supplémentaires sont requises », a encore indiqué le ministre des Affaires étrangères.

Barack Obama ne savait pas ?

Selon l’hebdomadaire allemand, ce sont les documents révélés par Edward Snowden, ancien agent de la NSA et actuellement réfugié en Russie, qui auraient indiqué que les services de renseignements américains étaient parvenus à s’introduire illégalement dans le serveur informatique de la présidence mexicaine.

« L’enquête devra déterminer s’il existe des preuves », a indiqué le ministre mexicain de l’Intérieur, Miguel Angel Osorio Chong qui a également annoncé que les autorités mexicaines avaient « examiné et renforcé les mécanismes de sécurité des communications vocales et de données, ainsi que les réseaux, les logiciels et les systèmes d’encodage et de cryptage utilisés par le président, et de tous les services de sécurité du gouvernement », et ce depuis l’arrivée au pouvoir du nouveau président Enrique Pena Nieto en décembre 2012.

Pour sa part, le président américain a affirmé ne jamais avoir donné d’ordre pour espionner le Mexique. C’est en tout cas ce qu’a expliqué le ministre mexicain des Affaires étrangères. « Le président Obama a donné sa parole lors d’une conversation avec Pena Nieto qu’il y aurait une enquête sur cette question. Il a précisé ne pas avoir donné son autorisation à un espionnage du Mexique. »

L’espionnage fait partie des relations internationales

L’enquête devrait donc déterminer si, oui ou non, les Etats-Unis ont espionné le Mexique. Serait-ce cependant une surprise ? Depuis les premières révélations des documents d’Edward Snowden, l’ennemi numéro 1 des autorités américaines, de nombreux pays se sont découverts dans la ligne de mire du continent américain. Personne ne semble y avoir échappé, pas même les citoyens français, ce qui a valu à l’ambassadeur des Etats-Unis en France une convocation du ministre français des Affaires étrangères, et à Barack Obama un appel de François Hollande.

Chaque nouvelle révélation semble surprendre et pourtant… L’espionnage entre pays est un phénomène historique, tel que l’expliquait Alain Rodier, directeur de recherche du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), à JOL Press en juillet dernier, alors même que l’affaire Snowden éclatait.

« Aujourd’hui, on semble redécouvrir le fil à couper le beurre […] pourtant, nous avons, dans l’histoire, de nombreux exemples qui illustrent ces méthodes », expliquait-il alors.

« C’est une grande naïveté que de croire que ce type d’espionnage est nouveau ou inédit », estimait encore Eric Dénecé, directeur du CF2R. « Tous les pays pratiquent les mêmes méthodes et l’espionnage entre véritablement dans le cadre des relations internationales et de tout l’arsenal mis en place par chaque Etat pour surveiller son entourage. Les Etats espionnent tout le monde, leurs ennemis, mais bien entendu aussi leurs amis. »

Vide juridique

Chaque pays œuvre alors en fonction de ses moyens, dans l’illégalité la plus totale, pour espionner ses voisins. Que pourrait alors faire le Mexique contre l’espionnage des Etats-Unis ?

« Puisque tout le monde le fait, personne n’est regardant », explique Eric Dénecé.

Juridiquement, le monde ne semble d’ailleurs pas prêt à résoudre ce type de dilemme. La France est dans le même cas, comme l’explique à France 24 Alain Charret, spécialiste de la guerre électronique et auteur de La guerre secrète des écoutes»

« Lorsqu’on dit que la NSA espionne en France, il faut bien se rendre compte qu’elle le fait depuis des satellites ou au niveau des câbles sous-marins qui ne sont pas sur le territoire français », explique-t-il. « Les autorités françaises n’ont aucune prise là-dessus. Paris peut bien protester contre ces agissements. Mais après ? Même si la Cour européenne des droits de l’Homme était saisie et condamnait la NSA pour violation de la vie privée, ça n’empêcherait pas l’agence de renseignement de continuer à écouter les conversations téléphoniques en France comme ailleurs. »

La France et le Mexique peuvent bien persister à s’en prendre à Barack Obama, rien ne pourra, semble-t-il, changer.

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