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Microsoft, ou comment perdre la culture de l’innovation

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Les tablettes, les nouveaux réseaux sociaux, les smartphones, les moteurs de recherche… autant de tournants manqués par le géant américain Microsoft. Sans parler de l’essor de la dématérialisation des contenus, qu’il s’agisse de musiques, de films ou encore de livres. Comment autant d’erreurs stratégiques ont pu être commises, au point de mettre en danger la figure emblématique de l’entreprise, Bill Gates.

Les débuts de la perte de la culture de l’innovation chez Microsoft

Au fil des ans, Microsoft est passé de startup dynamique, réactive avec un désir de faire changer les choses à entreprise géante, bureaucratique et étouffant l’innovation, comme l’a indiqué Vanity Fair l’année dernière dans un article consacré au sujet et analysant l’évolution de la firme.

Avec la démocratisation des nouvelles technologies, la capitalisation des entreprises du secteur a explosé en quelques années.  Les premiers employés de Microsoft, attirés par le challenge et la possibilité de travailler dans une entreprise à la pointe, recevaient quasiment systématiquement des actions de l’entreprise. Si bien qu’ils ont été nombreux à faire fortune en un rien de temps.

A partir de là, Microsoft a commencé à attirer des étudiants d’écoles de commerce ou d’ingénieurs désireux avant tout de faire fortune rapidement. Cette richesse était quasiment assurer jusqu’à ce que le marché se retourne au tout début de  l’année 2000.

A partir de là, où tout produit lancé dans le secteur n’était plus amené à fonctionner automatiquement mais où la vraie innovation était indispensable, les difficultés ont commencé à arriver pour le géant américain. Les personnes engagées n’étaient pas dans l’état d’esprit pour réagir.

Une politique interne qui étouffe définitivement l’innovation

La politique mise en place alors a contribué à étouffer l’innovation : pour s’enrichir, ne pouvant plus compter sur l’explosion du cours de bourse, de nombreuses personnes ont commencé à chercher à grimper l’échelle hiérarchique par tous les moyens.

Le système d’évaluation en place encourageait d’ailleurs cela. L’évaluation avait lieu tous les six mois et le nombre de bonnes évaluations était fixé à l’avance. La première conséquence a été l’adaptation des salariés au rythme des évaluations. Il ne s’agissait alors pas de faire ce qui était le mieux pour l’entreprise mais ce qui était le mieux dans la perspective de l’évaluation.

Deuxième conséquence directe : la concurrence interne exacerbée. D’une part, les personnes travaillant chez Microsoft n’avaient aucun intérêt à chercher à travailler avec les meilleurs, pour ne pas prendre le risque de ne pas être dans le quota de bonnes évaluations, mais elles étaient d’autre part incitées à ne pas collaborer et à saborder le travail des autres. In fine, avec ce système, la volonté de monter ou du moins se maintenir dans la hiérarchie l’a emporté sur la volonté de tout mettre en œuvre pour que l’entreprise reste compétitive. Le but n’était pas que la contribution du groupe de travail soit importante, mais plutôt d’être dans les évaluations positives. On a eu plus de manager, de bureaucratie, et moins d’innovation.

Au sein même des équipes, la concurrence était la règle. C’est du moins la description de l’entreprise faite par les anciens de Microsoft, comme le relate Vanity Fair.

De nombreuses opportunités manquées et erreurs stratégiques

Dans de nombreux domaines Microsoft était en avance mais n’a pas su en profiter. C’est le cas pour les e-book par exemple. L’entreprise commence à travailler sur  un appareil pour obtenir et lire de façon numérique tout contenu écrit. Un modèle de liseuse est prêt dès 1998, soit près de 10 ans avant la concurrence. Pourtant, ce modèle n’est pas sorti tel quel, étant jugé trop éloigné des produits « star » Office et Windows. L’utilisation du produit était également jugée trop éloigné de ce qui se faisait chez Microsoft, avec le duo classique souris-clavier. Au final, ce sont d’autres entreprises, comme Amazon, qui rafleront la mise des e-book.

Pour les Smartphone, Microsoft était également en avance. Le géant de l’informatique disposait en effet d’un système d’exploitation dédié aux appareils mobiles et qui aurait pu être utilisé sur Smartphone. Pourtant encore une fois, Microsoft s’est laissé dépassé par Apple notamment.

Microsoft a trop longtemps pensé qu’il pouvait se permettre de tout miser sur son pack Office et Windows. Pendant que des entreprises comme Facebook, Apple ou Google faisait changer les choses, l’entreprise de Bill Gates se contentait de proposer la même chose, ou arrivait trop tard sur de nouveaux marchés.

Le dernier système d’exploitation Windows 8 a rassemblé autour de lui une large critique, à un tel point que Microsoft a été contraint de revoir sa copie et proposer une nouvelle version. La tablette de la marque peine également à trouver sa place, notamment face à ces concurrentes d’Apple et Samsung.

Ce déclin (relatif au vu de la situation qui est toujours celle de l’entreprise aujourd’hui) s’est traduit dans les chiffres. Alors que l’action du groupe stagne depuis une dizaine d’année autour des 30 dollars, celle d’Apple a littéralement explosé. En décembre 2000 la capitalisation boursière de Microsoft était de 510 milliards de dollars contre 4,8 milliards pour Apple. Dix ans plus tard, Apple a rattrapé puis dépassé Microsoft.

Bill Gates contraint de quitter son poste ?

Après le départ de Steve Ballmer, qui dirigeait le groupe depuis 16 ans, un groupe d’actionnaire milite pour que Bill Gates en fasse de même et quitte donc son poste de président de la société, selon des informations qui viennent d’être révélées par l’agence Reuters.

Ce sont en effet trois des vingt premiers actionnaires du groupe qui souhaitent que le conseil d’administration décide du départ de Bill Gates qui a pourtant cofondé l’entreprise il y a 38 ans. C’est un tournant puisque c’est la première fois que des actionnaires ciblent Bill Gates.  A eux trois, ils détiennent plus de 5% des parts du groupe, Bill Gates en détient pour sa part 4,5%. Selon ces trois actionnaires Bill Gates serait susceptible de bloquer la mise en place d’une nouvelle stratégie et risquerait d’entraver les choix du prochain directeur général. Ils estiment par ailleurs que sa position dans l’entreprise n’est plus en adéquation avec son implication, puisqu’il passe désormais le plus clair de son temps à travailler pour sa fondation. 

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