Site icon La Revue Internationale

Présidentielle: les Malgaches sont découragés mais tentent de garder espoir

[image:1,l]

Les Malgaches sont attendus aux urnes, vendredi 25 octobre, à l’occasion de l’élection présidentielle. Près de 8 millions d’électeurs devront choisir entre trente-trois candidats qui se battent pour la succession du président de transition sortant, Andry Rajoelina.

Pour ce scrutin sous haute tension, près de 800 observateurs internationaux ont été déployés dans tout le pays. Il faut dire que cette élection représente un véritable espoir de voir Madagascar sortir enfin de plusieurs décennies d’instabilité. Il y a quatre ans, c’est par un coup d’Etat que les autorités actuelles accédaient au pouvoir. Mais depuis, la crise n’a pas cessé et le pays s’enfonce de plus en plus. Des conflits divisent la société en profondeur et les institutions ne parviennent pas à restaurer l’Etat de droit. Cette élection pourra-t-elle changer les choses ? Eléments de réponses avec Solofo Randrianja, professeur d’histoire politique contemporaine à l’Université de Tamatave, à Madagascar.

L’élection présidentielle malgache a été reportée à plusieurs reprises. Pour quelles raisons ?
 

Solofo Randrianja : Dans le fond, des groupes politiques ont pour intérêt de voir la transition durer encore plus longtemps. Ces groupes profitent de cet état de non-droit total, issu d’un coup d’Etat et dans lequel les plus faibles sont les victimes. La justice, la police, tout est sujet à méfiance pour la population.

Dans la forme, le gouvernement a estimé que le pays n’était pas prêt pour ces élections. Les obstacles pour la tenue de ce scrutin sont toujours venus du gouvernement.

Comment les Magaches appréhendent-ils cette élection présidentielle ?
 

Solofo Randrianja : Les réactions sont mitigées. Les élections sont très mal préparées, notamment en ce qui concerne la distribution des cartes d’électeurs. On dit qu’il y a 22 millions de Malgaches. Plus de 50 % ont plus de 18 ans, donc au moins 3 millions de personnes ne sont pas sur les listes.

Il ne faut pas oublier que ce sont les mêmes personnes qui ont organisé le putsch qui organisent aujourd’hui cette élection.  Avec le soutien de la communauté internationale, cette élection présidentielle permettra simplement de légaliser un pouvoir qui a été acquis par la force.

Il y a cependant un soulagement de la part de la population qui espère que les choses pourraient un peu bouger. Ce scrutin pourrait lancer une dynamique. L’opposition était muselée, désormais une fenêtre est ouverte.

Deux sentiments cohabitent donc à Madagascar en ce moment. Un sentiment de découragement, de dépit puis un sentiment d’espoir de voir la situation se débloquer.

Parmi les 33 candidats qui se présentent, un favori se démarque-t-il ?
 

Solofo Randrianja : Pas vraiment. Parmi eux, au moins une dizaine ont été « blacklistés » par l’Union africaine comme étant des putschistes.

Sans être pessimiste, simplement réaliste, ce scrutin sera entouré de fraudes et c’est un des candidats d’Etat qui va remporter l’élection et par-dessus tout, c’est la crise et l’instabilité qui gagneront. Le résultat n’est donc pas difficile à prévoir.

Souvent, on présente la vie politique malgache comme l’opposition entre deux personnes. Derrière ces deux personnes, il y a des forces économiques, politiques, des enjeux géopolitiques qui se dessinent et ces deux groupes les symbolisent.

Sur le plan économique, un courant néo-libéral, né grâce à la Banque mondiale, a fait la promotion du libéralisme, s’est attaqué aux vieilles structures économiques de la colonisation.

Cette première force a considéré l’armée comme inutile et archaïque et a commencé à l’éliminer alors que l’armée a été au pouvoir sans discontinuité depuis 1972.

Que faudrait-il, selon vous, pour que Madagascar sorte définitivement de l’instabilité politique ?
 

Solofo Randrianja : Démocratie ne veut pas simplement dire élections. Les élections sont l’aboutissement de tout un processus et à mon avis, il  faut d’abord instaurer un climat d’apaisement et mettre face à face ces deux principales forces et ces deux projets de société dans des élections libres et ouvertes.

A ce moment-là seulement on pourra envisager la possibilité d’une paix sociale. 

Quitter la version mobile