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«Que vaut Paris?»: état des lieux de l’immobilier de la capitale

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JOL Press : Qu’est-ce qui vous a poussé à vous lancer dans ce projet de faire l’état des lieux de la situation immobilière de Paris ?

 

Patrice de Moncan : Cela fait pratiquement trente ans que je publie un livre sur le sujet, « A qui appartient Paris ? », que je réédite tous les dix ans, pour prendre en compte l’évolution de l’immobilier parisien.

Cette fois, j’ai voulu ajouté de nombreuses choses de plus, et en particulier l’évaluation de la ville. Ce qui m’a motivé, c’est aussi le fait que je disposais des moyens pour réaliser un tel projet. Je travaille avec différents organismes qui établissent la valeur de biens immobiliers, avec en premier lieu la FNAIM île-de-France, mais aussi par exemple BNP Paribas Real Estate, qui publie des évaluations de la valeur des locaux commerciaux. En réunissant les données, avec leur accord et leur participation, j’ai pu me lancer dans l’estimation de la valeur de Paris.

Par les différentes études que j’avais réalisées auparavant, par exemple pour la ville de Paris, j’avais un descriptif complet de l’ensemble des immeubles de Paris, avec le nombre de logements, de boutiques, etc. Tous les éléments étaient là pour faire cette estimation.

JOL Press : D’autres études similaires avaient-elles déjà été réalisées ?
 

Patrice de Moncan : Non, ça n’avait jamais été fait, aucune ville n’avait été estimée de la sorte. C’était aussi la première fois que j’étudiais les propriétaires des biens immobiliers d’une ville dans sa totalité.

L’histoire de l’évolution de la propriété à Paris semble inédite également. J’ai fais le descriptif technique des immeubles à Paris puis j’en ai suivi l’évolution sur trente ans. A partir de janvier, je pars pour deux ans dans un projet qui consistera à faire une analyse du même type des autres grandes villes françaises, Bordeaux, Marseille, Lille, Lyon…

JOL Press : Même s’ils ne sont pas comptabilisés dans les 706 milliards, vous avez tout de même fourni dans votre livre, une estimation de la valeur des monuments et bâtiments historiques, quelle a été votre démarche ?
 

Patrice de Moncan : Je me suis en effet amusé à estimer les monuments et bâtiments « atypiques », pour montrer que la valeur de Paris se situe au-delà des 700 milliards. Paris, c’est aussi un certain nombre de bâtiments hors norme, difficilement estimables, comme l’Elysée, le musée de Louvre, les gares, etc. Bien sûr, les prix estimés restent purement théoriques, utopiques.

[image:2,s] Il y a 3 ou 4 ans, un ministre m’avait demandé si je pouvais réfléchir à l’estimation de la Place Beauvau et du Palais de l’Elysée. Ça m’avait beaucoup amusé à l’époque et je m’étais vraiment interrogé sur la notion de prix dans l’immobilier. Au bout du compte, je lui avais dis que je ne pouvais pas estimer ce genre de choses parce qu’on peut toujours estimer le foncier, la valeur des murs, mais quand on parle de l’Elysée par exemple, c’est évidemment bien plus que ça, avec un valeur symbolique et historique pour la République française. Même s’il était décidé de vendre ces biens, la France n’accepterait pas.

Pour pouvoir faire une estimation, j’ai émis l’hypothèse que l’Etat ou la Ville de Paris décidait tout à coup que tous ses terrains étaient constructibles. Ce qui en théorie est possible. L’Etat peut décider que le terrain de l’Elysée et le terrain du Louvre, qui ne sont aujourd’hui pas constructibles, le deviennent. Dans cette situation on peut faire une estimation, théorique encore une fois. Les terrains auraient un COS (ndlr : coefficient d’occupation des sols), le COS moyen de Paris étant de trois. Cela signifie que sur un terrain de 10 000 m2, on peut construire 30 000 m2 de logements ou bureaux. Je suis parti de cette base-là.

JOL Press :  Quelle est la nature des bien que possède aujourd’hui l’Etat ? 

 

Patrice de Moncan : Pour l’Etat, c’est un peu particulier puisqu’il a, historiquement, la capacité de nationaliser.  Il l’a fait en 1989 pour différents biens, il l’a fait en 1905 pour tous les biens de l’Eglise. Les chemins de fer ont également été nationalisés, il a une liberté importante quant aux biens qu’il possède. Il peut décréter que c’est d’intérêt général, ce dernier primant sur l’intérêt particulier.

L’Etat est propriétaire d’églises, de camps militaires, d’administrations, de ministères, de théâtres, etc. C’est le fruit de l’histoire et cela donne un patrimoine totalement hétéroclite.

JOL Press : Du fait de la crise, est-il contraint de céder davantage ses biens ?

 

Patrice de Moncan : Oui, bien évidemment. L’armée s’est par exemple rendu compte que les casernes n’étaient pas forcément pertinentes dans les villes, puisque c’est du foncier qui coûte très cher. Plusieurs casernes ont donc été vendues à Paris et dans toutes les villes d’une manière générale pour établir des camps militaires à la campagne. 

Mais cela ne concerne pas uniquement l’armée, l’Etat a aujourd’hui tendance à vendre. Lorsqu’Eric Woerth était ministre, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, beaucoup de biens ont été vendus. Mais c’est une politique qui peut être faite. Après tout, pourquoi les administrations, les ministères ne seraient pas locataires ?

Aujourd’hui, on se rend compte que garder les murs pour une entreprise n’est pas souvent pertinent, autant qu’il y ait des professionnels du métier qui soient propriétaires et louent leurs biens. Cela dégage beaucoup de trésorerie, qui pourrait ensuite être utilisée.

L’immobilier représente une immobilisation énorme pour l’Etat, on peut tout à fait imaginer un ministère locataire.

JOL Press : Au-delà du désinvestissement de l’Etat, quelle est la tendance la plus manifeste de ces trente dernières années dans l’immobilier ?  
 

Patrice de Moncan : La tendance la plus manifeste c’est le développement de la copropriété. En 1950, elle était quasi nulle, il n’y avait pratiquement pas d’immeubles en copropriété. Aujourd’hui, presque 56 % des immeubles sont dans cette configuration. Cela peut s’expliquer par la difficulté à entretenir les immeubles et à payer les droits de successions à Paris. Les personnes qui héritent d’immeubles vendent souvent des appartements et passent copropriété.

Propos recueillis par Rémy Brisson pour JOL Press

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