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Qui a été espionné par la NSA?

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L’Affaire Snowden a explosé en juillet dernier, et pourtant, c’est maintenant que les déflagrations de cette bombe qui était en fait à retardement se font sentir.

Barack Obama, « Big Brother » pour l’Europe

En Europe et dans le monde, Barack Obama est devenu, depuis le début de la semaine, un « Big Brother » quelque peu encombrant pour les pays qui se veulent être ses amis. Si les documents révélés par Edward Snowden, ancien consultant de l’Agence nationale de sécurité américaine (NSA), désormais réfugié en Russie, ne font que commencer à sortir, de nombreuses surprises attendent encore les Etats du monde.

Mais pour le moment, les écoutes américaines semblent être relativement ciblées. « Relativement » car selon les informations qui ont jusqu’ici été révélées, 35 leaders internationaux seraient sous écoute attentive des services de renseignements américains.

Jusqu’ici, Le Monde avait fait ses propres révélations, affirmant que les citoyens français étaient dans la ligne de mire des Etats-Unis. L’hebdomadaire allemand Der Spiegel a ensuite pris la relève, annonçant que la messagerie électronique de l’ancien président mexicain, Felipe Calderon, était observée de près par les Américains alors que ce dernier était en fonction.

Quelques heures plus tard, l’Allemagne annonçait également que le téléphone mobile de la chancelière Angela Merkel était sans doute lui aussi relié directement aux Etats-Unis.

35 leaders internationaux espionnés

Enfin, comme pour achever l’Europe qui se réunissait au même moment à Bruxelles pour un sommet qui a brutalement changé de priorités pour se concentrer sur le dossier « NSA », le quotidien britannique The Guardian a publié, jeudi 24 octobre, une nouvelle enquête dans laquelle il affirme, selon les documents révélés par Edward Snowden, que les téléphones portables de 35 « leaders internationaux » seraient en fait sur écoute. Angela Merkel doit se sentir moins seule, tandis que François Hollande doit hésiter à utiliser sa ligne personnelle.

Durant ce même sommet européen, c’est l’Italie qui a également ajouté son mot au débat, la veille de la sortie d’un article dans le quotidien L’Espresso.

Selon les révélations du journaliste Glenn Greenwald, qui détient les documents d’Edward Snowden, au journal italien, l’Italie ne serait « pas seulement dans le collimateur du système Prism créé par les services américains », mais également « à travers un autre programme parallèle et convergent dénommé Tempora », un système dirigé par « les renseignements britanniques » qui « ont espionné les câbles de fibre optique qui transportent les conversations téléphoniques, les mails et le trafic internet en Italie. »

L’Europe unanime pour condamner les Etats-Unis

Réunis à Bruxelles, les 28 chefs d’Etat ou de gouvernement sont, chose rare, parvenus à un accord unanime : celui de mener une enquête et de lancer une initiative commune afin de trouver un terrain d’entente avec les Etats-Unis d’ici la fin de l’année sur ces questions.

L’idée européenne est de mettre en place des règles communes sur le renseignement avec les Etats-Unis.

« Il y a un coup d’arrêt à porter et des clarifications à exiger », a affirmé le président français. « Nous sommes tous d’accord sur le texte, tous les 28 », a pour sa part affirmé Herman Von Rompuy, président du Conseil européen.

Dans cet imbroglio international, le monde va de surprise en surprise et les chefs d’Etat, comme les citoyens, semblent abasourdis par l’ampleur de ces écoutes.

Pourtant, les spécialistes du renseignement sont unanimes pour affirmer que la France et ses voisins ne pouvaient pas ignorer ces méthodes d’espionnage.

La France savait. Et les autres ?

L’espionnage entre pays est un phénomène historique, comme l’expliquait Alain Rodier, directeur de recherche du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R), à JOL Press en juillet dernier, alors même que l’affaire Snowden éclatait.

« Aujourd’hui, on semble redécouvrir le fil à couper le beurre […], pourtant, nous avons, dans l’histoire, de nombreux exemples qui illustrent ces méthodes », expliquait-il.

« C’est une grande naïveté que de croire que ce type d’espionnage est nouveau ou inédit », estimait encore Eric Dénecé, directeur du CF2R. « Tous les pays pratiquent les mêmes méthodes et l’espionnage entre véritablement dans le cadre des relations internationales et de tout l’arsenal mis en place par chaque Etat pour surveiller son entourage. Les Etats espionnent tout le monde, leurs ennemis, mais bien entendu aussi leurs amis. »

La surprise de la France n’a donc pas beaucoup de valeur ni de crédibilité, explique à France 24 Alain Charret, spécialiste de la guerre électronique et auteur de La guerre secrète des écoutes : « Cet été, le personnel des ministères a été prié de n’utiliser que des téléphones cryptés pour certaines communications. Ce sont autant de preuves que les autorités françaises étaient au courant que la NSA écoutait les communications de certains Français. »

Il n’y a rien à faire

Que pourraient alors faire l’Union européenne, la France, l’Allemagne, l’Italie ou encore le Mexique contre l’espionnage des Etats-Unis ?

Juridiquement, le monde ne semble pas prêt à résoudre ce type de dilemme. « Lorsqu’on dit que la NSA espionne en France, il faut bien se rendre compte qu’elle le fait depuis des satellites ou au niveau des câbles sous-marins qui ne sont pas sur le territoire français. […] Les autorités françaises n’ont aucune prise là-dessus. Paris peut bien protester contre ces agissements. Mais après ? Même si la Cour européenne des droits de l’Homme était saisie et condamnait la NSA pour violation de la vie privée, ça n’empêcherait pas l’agence de renseignement de continuer à écouter les conversations téléphoniques en France comme ailleurs », analyse Alain Charret.

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