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Rama Yade: un livre entre règlements de compte et amertume

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Qu’est ce qui a poussé Rama Yade à écrire Carnets de pouvoir 2006-2013 (Editions du Moment), trois ans après avoir quitté le gouvernement ? Recueil de notes prises au cours de ses années au ministère des Affaires étrangères puis sous la tutelle de Roselyne Bachelot, en tant que secrétaire d’État chargée des Sports, ce livre n’oublie aucun détail, il règle des comptes et rend hommage, mais reste malgré tout très en surface.

« Vous vous présentez comme une enfant du sarkozysme, mais il n’y a pas la moindre réflexion sur la pensée politique dans votre livre, à aucun moment vous n’adoptez la posture d’un personnage politique qui réfléchit », lui a lancé Natacha Polony, lors de l’émission « On n’est pas couché », samedi 28 septembre. « Pourquoi avoir sacrifié autant d’arbres si c’était pour écrire que vous faisiez vos courses chez H&M ? » Une critique sévère partagée par un grand nombre de commentateurs.

Hommage à Nicolas Sarkozy

S’il est une personnalité politique à qui Rama Yade a souhaité rendre hommage, dans son livre, c’est incontestablement Nicolas Sarkozy. « Je suis dans le registre de l’admiration, il m’apprend la politique. C’est mon mentor », confie-t-elle au Parisien. « Mais, c’est vrai, dans ses premiers pas de président, on faisait beaucoup de voyages, il recevait partout un accueil chaleureux et j’étais fière. »

Et de revenir sur une anecdote qu’elle relate dans le livre : « Quand au sortir d’un voyage on est épuisés, on s’endort dans l’avion, je prends mon iPod avec un écouteur, il prend l’autre et on écoute Jean Ferrat ensemble à demi-ensommeillés. C’est cela aussi la politique, c’est parfois plein de tendresse.» On ne saurait s’empêcher d’y voir une pointe de mièvrerie, que l’intéressée préfère assimiler à de la sincérité. Le lecteur jugera.

Choisie parce qu’elle était Noire ?

Elle aura eu beau s’en défendre, son livre ne fait que confirmer ce que les journaux de l’époque avançaient : Rama Yade a été intégrée dans le monde fermé de la politique en grande partie à cause de sa couleur de peau qui a été instrumentalisée par son entourage. Dès juin 2007 Nicolas Sarkozy lâche au Parisien : « Il y aura deux femmes noires sur la scène mondiale, Condi et Rama ». Mais la secrétaire d’État en charge des Droits de l’homme ne s’en offusque pas…

Cette citation n’est pas la seule qui atteste des véritables intentions du président qui n’hésite pas à lui parler de « symbole fort » pour l’encourager à devenir tête de liste UMP aux élections européennes en Île-de-France en 2009 : « Une jeune Noire ! Personne ne l’a jamais fait.» La jeune femme refusera cette nomination pour rester au gouvernement.

Des « machos » au gouvernement ?

Autre élément intéressant du livre : Rama Yade n’a pas seulement intégré le gouvernement parce qu’elle était Noire, mais aussi parce que c’était une femme. « Je vais travailler sous la tutelle de Bachelot, celle qui avait dit à mon sujet dans L’Express en 2007, avant même que je ne sois véritablement engagée dans la politique : ‘Elle est femme. Elle est Noire. Elle sera ministre. Si elle était lesbienne et handicapée, elle serait Premier ministre’ », relate-t-elle. La citation est aussi surprenante que dérangeante surtout de la part de Roselyne Bachelot.

Et ce ne sera pas la seule réflexion « savoureuse » sur le sujet. « Personne ne te le dira, mais ta jupe est trop courte », lui lance Bernard Kouchner en 2007, après une intervention devant les sénateurs. Déjà mal assurée, Rama Yade ne sera pas remise en confiance par cette pique. Un jour, lors d’un déplacement en Algérie, Nicolas Sarkozy lui lance : « Rama, viens te cultiver un peu ! », ajoutant : « Regarde, on m’a offert Nous autres meurtriers d’Albert Camus. » Ce même « mentor » qui n’hésitera pas à brocarder, en 2010, sa « jupe de fermière », à la mi-temps d’un match.

Des règlements de compte

Viennent ensuite les règlements de compte auxquels n’échappent pas notamment Luc Ferry, Nadine Morano, Roselyne Bachelot ou Valérie Pécresse. « Manifestement, la Castafiore est de retour », écrit Rama Yade, au sujet de Nadine Morano, qu’elle décrit un peu plus loin s’exprimant « la bave aux lèvres », dans une émission de Canal +. L’ancienne secrétaire d’État chargée de la Famille appréciera.

Valérie Pécresse est aussi mise en cause qui lui aurait proposé, en 2009, lors des régionales en Ile-de-France, de conduire la bataille dans le Val d’Oise, en lui disant : « Parce qu’il y a beaucoup d’Africains là-bas qui ont zéro degré de sens politique. Et toi tu sauras leur parler. »

Des propos aussitôt démentis par l’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur puis du Budget, sur son blog : « Ces propos sont faux. Ils sont blessants et portent atteinte à mon honneur. Ils sont contraires aux valeurs de respect de la personne humaine qui fondent tout mon combat politique. C’est pourquoi j’ai décidé de saisir sans délai mon avocat sur les suites à leur donner et je mets en garde tous ceux qui même de bonne foi seraient tentés de les divulguer ou les reproduire. »

Quant à Roselyne Bachelot, sa « bonhommie, ses blagues, sa supposée solidarité avec les femmes : que du vent. » Quand on disait que personne n’avait été épargné…

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