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Slovaquie: des murs anti-Roms font polémique

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Košice est la deuxième plus grande ville de Slovaquie après Bratislava. C’est aussi, en 2013, l’autre Capitale européenne de la culture, avec Marseille, en France.

Située à l’est de la Slovaquie, la ville accueille cette année de nombreux événements culturels et a lancé un grand plan de réhabilitation de l’espace public pour permettre aux artistes européens de venir exprimer leur créativité dans divers lieux abandonnés après la chute de l’union soviétique.

Le « mur de la honte »

Mais la construction en juillet dernier d’un mur de béton de 30 mètres de long et de deux mètres de haut censé « protéger » un parking à l’ouest de la ville, à proximité d’un quartier essentiellement peuplé de Roms, a terni l’image de capitale culturelle de la ville.

La Commission européenne, par le biais d’une lettre envoyée au mois d’août par la commissaire européenne chargée de l’Éducation et de la Culture, Androulla Vassiliou, au maire de Košice, a immédiatement condamné la construction du mur.

« Je crois fermement que la construction de barrières physiques représente une rupture avec les valeurs sur lesquelles notre Union européenne est fondée, notamment le respect de la dignité humaine et des droits humains, y compris ceux des personnes appartenant à des minorités », écrit la commissaire dans sa lettre, exhortant la mairie de la ville à prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette « malheureuse situation ».

Après la construction du mur, l’inscription « Prepáčte »« Désolé » – avait été peinte en grandes lettres blanches sur le béton par un auteur resté anonyme.

Mauvaise surprise

En réponse à la commissaire, le maire de Košice, Richard Raši, a affirmé que le mur avait été construit sans permis légal. « La construction de ce mur de ségrégation près de logements roms a été une mauvaise surprise pour nous aussi », écrit-il dans sa lettre, expliquant qu’il n’en a été informé qu’après sa construction et rappelant que le mur a été érigé non à l’initiative de la municipalité de Košice, mais de celle du quartier ouest de la ville, Košice Zapad.

Dans un reportage réalisé par France 24, le maire du quartier ouest de la ville, Rudolf Bauer, a, pour sa part, remis en cause les affirmations de Bruxelles, déclarant qu’il ne s’agissait pas de « ségrégation » comme l’avait écrit la commissaire dans sa lettre, mais seulement de « sécurité » pour le parking. « Ce n’est pas contre les Roms, leur quartier est loin d’ici », a-t-il ajouté en désignant, à une centaine de mètres, les barres d’immeubles habitées par les Roms.

Mais selon le site slovaque Romovia.sme.sk, la construction de ces « murs anti-Roms » serait en augmentation depuis quelques années. La Slovaquie compterait à ce jour 14 murs ou clôtures de la sorte, dont 9 ont été construits depuis 2009, année de l’adoption de l’euro par les Slovaques.

40 % des Roms vivent dans des communautés séparées

Selon le Centre européen des droits des Roms, la Slovaquie serait l’un des pays européens comptant le plus de Roms par rapport au nombre d’habitants.

Un recensement établi en 2011 indiquait ainsi que près de 106 000 Roms vivaient en Slovaquie, soit environ 2 % des 5,4 millions de Slovaques. Un chiffre que les observateurs estiment inférieur à la réalité, évoquant plutôt un pourcentage de 8 ou 10 % de la population slovaque.

« La majorité des Roms vivent dans des logements intégrés, mais environ 40 % d’entre eux vivent dans des communautés séparées : soit à la périphérie des villes et des villages soit entièrement séparés des infrastructures municipales », explique le Centre dans un rapport concernant la ségrégation envers la communauté rom en Slovaquie.

« Les relations entre les Roms et les non-Roms restent tendues », indique encore le rapport, « et les politiciens contribuent parfois à rendre la situation encore plus mauvaise ». Ainsi, depuis 2011, plus de 400 maires de Slovaquie ont rejoint le mouvement « Zobudme sa ! » (« Réveillez-vous ! ») qui vise à démolir les campements de Roms, qualifiés de décharges publiques, en invoquant la protection de l’environnement.

Ségrégation scolaire

Pour le Centre européen des droits des Roms, ces derniers seraient également victimes d’un taux de chômage extrêmement haut : 70 % des Roms âgés de 15 à 64 ans en Slovaquie sont sans emploi, contre 33 % des non-Roms, selon le programme des Nations unies pour développement (PNUD). Le niveau « alarmant » d’éducation des enfants issus de la communauté rom serait l’un des facteurs principaux de ce fort taux de chômage.

Début octobre, l’ONG de défense des droits humains Amnesty International pointait du doigt la « promesse non tenue » du gouvernement slovaque de mettre fin à la ségrégation des enfants roms à l’école. 

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