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Tunisie: Le départ d’Ennahda résoudra-t-il la crise post-révolutionnaire?

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C’est en tout cas ce qu’espèrent désormais les Tunisiens, qui assistent depuis deux ans à la paralysie de la vie politique postrévolutionnaire de leur pays, et depuis deux mois, à une véritable crise politique qui pouvait sembler inextricable.

Un calendrier politique serré

Et pourtant, cette feuille de route est maintenant signée. Avant la fin du mois, et selon les termes de ce texte, les islamistes au pouvoir devraient donc quitter le pouvoir et être remplacés par des indépendants qui seront chargés de nommer un nouveau Premier ministre, lui-même chargé de choisir son cabinet.

Si tout se passe comme la théorie l’entend, des négociations directes devraient se dérouler entre le parti au pouvoir et l’opposition, alors même que c’est par l’intermédiaire de plusieurs organisations que ces derniers communiquaient depuis plusieurs semaines.

Dès que ces négociations auront démarré, les partis politiques seront alors à même de choisir un nouveau chef de gouvernement. Ils auront une semaine, pas plus, pour faire ce choix tandis que le Premier ministre nommé aura pour sa part deux semaines pour former son cabinet.

Le vrai défi, la crise économique

C’est donc d’ici trois semaines que devrait démarrer le dialogue national initiateur de tout ce processus.

Pendant ce temps, l’Assemblée constituante toujours en place devra s’engager à adopter une Constitution, un dossier qui traîne depuis des mois tandis qu’elle sera également en charge de l’adoption de la loi électorale qui permettra notamment de fixer un calendrier électoral.

Si rien n’est gagné en Tunisie, les plus optimistes se permettent néanmoins d’espérer voir le bout du tunnel d’une situation politique plus que jamais bloquée.

Lors de leur réunion au Congrès, samedi 5 octobre, à l’occasion de signature de cette feuille de route, les responsables tunisiens, optimistes au moins de façade, ont eux-aussi fait part de leurs inquiétudes et de leurs priorités pour établir les bases d’une reconstruction politique solide de la Tunisie.

Le président Moncef Marzouki, dont le parti, le Congrès pour la République, n’est pas signataire de la feuille de route, s’est dit « optimiste » quant aux résultats de ce dialogue national mais pourtant « préoccupé » par une autre crise qui bouleverse la reconstruction de la Tunisie, la crise économique et sociale.

S’exprimant depuis le Palais des Congrès de Tunis, Moncef Marzouki a estimé que la crise économique était la conséquence directe de la crise politique. Pour le président, l’urgence est de réunir toutes les conditions nécessaires au relèvement d’une économie souffrante afin, notamment, de relancer les investissements intérieurs et extérieurs.

« Les discussions sans fin ou l’échec des discussions risquent de mettre en péril non seulement la sécurité nationale mais également le droit des centaines de milliers de Tunisiens à une source de revenu », a ainsi déclaré le président.

Faible croissance en 2013

Plus de deux ans après la révolution de Jasmin, la Tunisie subit en effet une crise récemment accentuée par la baisse des réserves en devises étrangères. Au mois de mai, le dinar a connu une baisse brutale et finalement, selon la Banque centrale, la Tunisie n’atteindra jamais ses 4% de croissance espérés en 2013, cet objectif ayant été abaissés à 3%.

Moteur de l’économie tunisienne, le tourisme ne permet plus de renflouer les caisses de l’Etat. L’instable Tunisie n’attire plus les touristes européens, qui préfèrent des destinations plus rassurantes et qui, crise économique oblige, préfèreront également se rendre en Espagne ou en Grèce, où les prix sont largement bradés cette année.

Pourtant, le gouvernement garde espoir, un prêt a finalement été négocié avec le Fonds monétaire international et la Tunisie devrait bientôt bénéficier d’un plan d’aide de 1 milliard 400 millions d’euros. Cette somme n’a pas encore été débloquée et les réformes qui seront mises en place grâce à l’obtention de ce prêt n’ont pas encore été définies.

Les Tunisiens observent de près leurs politiques

L’année 2014 ne risque malheureusement pas de voir la situation économique de la Tunisie s’améliorer sensiblement.

En effet, « la reprise de l’économie ne sera fonctionnelle qu’à partir de 2015 », a estimé le président tunisien. « Il s’agit pour cela de parachever rapidement l’édification des institutions de l’Etat démocratique pour être un acquis durable, solide et irréversible mais aussi pour instaurer une paix sociale avant les élections ».

Même volonté du côté du président de l’Assemblée nationale constituante, Mustaha Ben Jaafar, qui s’est également exprimé à l’occasion de la signature de cette feuille de route, estimant que le retour à la table des négociations était une priorité et constituait notamment une revendication populaire.

« L’échec du dialogue national est une erreur pour laquelle nous serons appelés à rendre compte », a ainsi déclaré Mustapha Ben Jaafar.

« La Constituante doit se réunir avec la participation de tous les députés pour le parachèvement et l’adoption de la Constitution, la création de l’instance électorale, la fixation de la date des prochaines élections et l’adoption de la loi de la justice transitionnelle », a-t-il encore ajouté.

Bien que le scepticisme entoure encore la signature de cette feuille de route, les responsables politiques se veulent aujourd’hui volontaires et déterminés à en finir avec cette instabilité qui n’apporte rien à aucun camp. La disparition des islamistes d’Ennahda suffira-t-elle à relancer le processus politique et apaiser durablement les esprits tout en relançant l’économie ? L’équation paraît d’ores et déjà compliquée.

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