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Un futur village d’insertion de Roms dans un quartier huppé de la capitale?

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JOL Press : Quelles sont les principales raisons qui vous ont poussé à proposer la création d’un village d’insertion des Roms dans le XVIe arrondissement de Paris ?
 

Ian Brossat : Deux raisons principalement. Tout d’abord, depuis plusieurs semaines, les Roms font l’objet d’une stigmatisation totalement insupportable. Plutôt que de stigmatiser et d’instrumentaliser cette question, il faut proposer de véritables solutions face à la situation dans laquelle se trouvent dix-sept mille Roms en France, dont dix mille en Ile-de-France. 

La deuxième raison qui m’a amené à proposer la création d’un village d’insertion de Roms dans le XVIe arrondissement de Paris concerne la solidarité. Elle doit nécessairement être mieux partagée entre les différents territoires. Nous ne pouvons pas laisser la Seine-Saint-Denis gérer cette situation seule. Il est ainsi logique que Paris, ainsi que les collectivités autrement plus riches que le 93, contribuent à la solidarité à la hauteur de leurs moyens matériels et financiers. Par ailleurs, le XVIe est, à la fois, le plus grand arrondissement de Paris, au regard de sa superficie, et dispose de la seconde densité la plus faible de Paris avec 169 372 habitants (Insee – 2009).

JOL Press : Que pensez-vous du conflit gouvernemental opposant Cécile Duflot, la ministre du Logement, et Manuel Valls, le ministre de l’Intérieur sur l’intégration des Roms au sein de la société française ?
 

Ian Brossat : Je pense que Cécile Duflot a eu raison de condamner les propos de Manuel Valls. Le rôle de la gauche n’est pas de surfer sur les peurs. La gauche doit, au contraire, être à l’offensive sur cette question des Roms et ne doit pas emprunter au discours de la droite comme Manuel Valls. On ne peut pas gouverner au gré des sondages.

Le gouvernement et la majorité actuelle devraient assumer une réelle politique de gauche, à savoir, promouvoir les valeurs de solidarité et de justice sociale.

JOL Press : Quelle est la valeur juridique de la proposition que vous avez faite auprès du Conseil de Paris ?
 

Ian Brossat : Les élus du Front de Gauche et moi-même soumettons ce « vœu » au Conseil de Paris. C’est le Conseil de Paris qui décide, pas la mairie du XVIe arrondissement. Et heureusement d’ailleurs, parce que sinon nous n’aurions jamais pu construire le moindre mètre carré de logement social dans ce quartier parisien huppé. Nous savons très bien que le Maire du XVIe et son équipe sont hostiles à toute forme de solidarité.

Si notre vœu reçoit un avis favorable, c’est-à-dire s’il est voté par une majorité des 163 élus au Conseil de Paris, il engendrera une délibération qui sera suivie d’effets rapidement. C’est en effet à l’étape de la délibération que nous planifierons, ensuite, un engagement précis. 

JOL Press : Par quels moyens comptez-vous concrétiser votre proposition et ainsi construire un village d’insertion de Roms dans le XVIe ?

Ian Brossat : Il faut savoir qu’il s’agit d’un dispositif qui existe dans plusieurs communes, et qui a fait ses preuves, notamment à Montreuil et à Saint-Denis. Il permet aux Roms, à la fois de vivre dans des conditions d’hébergement dignes – autrement plus dignes que dans celles où ils survivent dans des camps de fortune –, et de bénéficier d’un suivi social. [En échange, les familles s’engagent à cesser les activités de mendicité et les petits trafics, à respecter leurs voisins, à payer un loyer, à scolariser les enfants et à rechercher activement un emploi.]

Pour mettre en place le dispositif, il faudra nécessairement construire des bâtiments, comme Montreuil l’a fait.

On ne peut pas, comme on le fait aujourd’hui, regretter la situation désastreuse dans laquelle vivent les Roms et ne rien proposer dans le même temps qui soit susceptible de les sortir de cette précarité. C’est justement l’objet de ce village d’insertion. Je ne doute pas que ce projet suscitera des interrogations chez certains riverains. J’ai l’habitude : chaque fois, par exemple, qu’on programme des logements sociaux dans l’ouest de Paris, des gens se mobilisent pour dire non, avec la complicité des mairies d’arrondissement UMP. Mais j’assume : au final, c’est l’intérêt général qui doit l’emporter. Et l’intérêt général, c’est qu’on trouve des solutions. 

JOL Press : A six mois des municipales de Paris, cette proposition n’est-elle pas simplement un coup de communication politique vous exposant médiatiquement ?
 

Ian Brossat : J’attends avec impatience que ceux qui prétendent qu’il s’agit-là simplement d’une opération politicienne, trouvent et proposent eux-mêmes des solutions alternatives.  Et pour le moment je n’en vois aucune.

Afin d’éviter l’exploitation politicienne de la question des Roms, nous avons aujourd’hui besoin de faire des propositions concrètes. En l’occurrence, je propose des pistes, concernant leur présence et leur intégration à Paris, qui vont être étudiées par le Conseil de Paris les 14 et 15 octobre prochain. 

Propos recueillis par Carole Sauvage pour JOL Press

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