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UNESCO: Irina Bokova rempile pour un deuxième mandat

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Le Conseil exécutif de l’Unesco, dont la 192e édition vient de se terminer, a proposé à Irina Bokova, diplomate bulgare de 61 ans, de poursuivre sa mission de directrice générale de l’organisation, pour quatre années de plus. Portrait contrasté d’une femme controversée.

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Diplomate professionnelle

Ancienne ambassadrice, madame Bokova a aussi été déléguée permanente de Bulgarie à l’Unesco. Mère de deux enfants, elle a épousé en deuxièmes noces son compatriote Kalin Mitrov, ex-président de la banque Berg et installé à Londres. Grâce à son père Georgui Bokov, rédacteur en chef de Rabotnitchensko Delo, voix du Parti communiste, elle a étudié à l’Institut d’Etat des relations internationales de Moscou. Polyglotte, la DG de l’Unesco, qui parle couramment l’anglais, l’espagnol, le français et le russe, s’est spécialisée aux Etats-Unis à l’université du Maryland, ainsi qu’à Harvard et à la John F.Kennedy School of Gouvernement où elle a fait de nombreuses recherches libres ainsi que des stages.
Réélue au premier tour pour diriger à nouveau l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, les sciences et la culture, Irina Bokova a obtenu 39 des 58 voix des délégués des États. Ses rivaux, Rachid Farah, ambassadeur de Djibouti à Paris et universitaire franco-libanais, Joseph Maïla, ancien directeur du Centre d’analyse et prospective du ministère français des Affaires étrangères, dont la candidature embarassait la France, ont respectivement obtenu 13 et 6 voix.

Un bilan très contesté

Arrivée à la tête de l’Unesco en octobre 2009, Irina Bokova avait été élue de haute lutte, après cinq tours du scrutin. En 2011, la DG de l’Unesco se vit contrainte de gérer la crise financière de l’organisation après l’admission de la Palestine comme 195e membre. Les États-Unis, en total désaccord avec cette décision, avaient alors cessé verser leurs cotisations. Le budget de l’Unesco chuta de 650 à 507 millions de dollars. Le travail des 300 employés de l’Unesco fut même menacé. L’année dernière, le siège parisien de l’Organisation employait 1 200 salariés et 900 autres répartis dans le monde.
 
La Cour des comptes, en qualité de commissaire aux comptes de l’organisation internationale, établit un rapport plutôt négatif : « L’organisation a montré ses faiblesses avant la crise de 2010 en lançant un ensemble de réformes à un rythme trop lent et sans cohérence maîtrisée, faute d’une  gouvernance stricte et d’une adhésion collective voire d’un engagement loyal de tous. Les mêmes lacunes et les mêmes faiblesses ont affecté la conception, la préparation, la mise en œuvre des mesures structurelles. » Mme Bokova a rapidement riposté à ces accusations et avec une grande fermeté :  » Il y a dans ce rapport des recommandations valables. Mais je ne suis pas d’accord avec ce qui nous est reproché et je l’ai dit. Nous ne sommes pas un ministère français. Il y a des décisions que je ne peux pas prendre moi-même, je dois suivre celles des pays membres. Malgré la perte de plus de 30 % de notre budget, nous sommes parvenus à préserver nos priorités. Selon certains, je serais restée passive pendant ces deux ans, mais comment alors avons-nous réussi à nous maintenir à flot ? »
 
Le rapport soulignait notamment la lenteur des réformes structurelles : « Certaines modalités de la réforme n’étaient toujours pas arrêtées l’année dernière, la politique de partenariat attendait encore d’être définie. » La Cour des comptes reprochait aussi à Irina Bokova la formulation de « recommandations vidées de leur contenu stratégique », en clair l’absence de suivi efficace et donc de résultats, la mise en place de groupes de travail mal préparés et de missions imprécises, pesant lourdement sur l’application des réformes et les rendant inefficaces. L’institution française reproche également à Mme Bokova  « sa gestion calamiteuse des ressources humaines », puisqu’elle n’aurait pas réussi à réduire les coûts salariaux, réduction indispensable à la survie de l’Unesco. Le rapport qualifie la gestion de l’institution de  » souvent incohérente. »

Deux directeurs adjoints

Mme Bokova a été également très critiquée sur le choix de ses collaborateurs : d’abord l’Allemand Hans d’Orville, sous-directeur général pour la stratégie et la prospective, nommé directeur général adjoint par intérim à l’arrivée d’Irina Bokova ; puis Getachew Engida, malgré  l’implication supposée de ce dernier dans des affaires de faux contrats.  

En outre, les voyages fréquents de la directrice générale au siège new-yorkais de l’ONU font grincer des dents en ces temps de restrictions et privatisations. Personne n’a oublié le silence « bruyant » d’Irina Bokova durant le Printemps arabe, silence largement déploré par les spécialistes et démocrates maghrébins qui l’ont jugé incompréhensible.

Anne-Cécile Robert, s’exprimant sur le sujet, dans le Monde diplomatique, compare l’Unesco à  Mozart, affirmant l’inutilité de l’institution, car pour elle « l’éducation, la science et la culture constituent des valeurs aussi enrichissantes et immatérielles que l’œuvre du compositeur autrichien. » 

Aujourd’hui l’opinion publique voit plutôt l’Unesco comme une Belle au Bois dormant, poursuit A.-C. Robert, une Belle impossible à réveiller puisque tombée dans un coma profond.

La proposition du Conseil exécutif sera examinée par les 195 représentants des pays inscrits à l’Unesco, pendant la prochaine 37e Conférence générale, prévue en novembre.
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