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Vote du budget 2014: pas de quoi s’ébahir devant une telle majorité

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La taille est évidemment, en toutes choses, soumise à des critères de subjectivité. Et les majorités parlementaires ne sauraient faire exception, et les jugements portés sur leur ampleur dépendent notamment de la conjoncture politique.

A ce titre, n’est-il pas symptomatique que la majorité qui a voté, ce mardi 22 octobre, en première lecture, le volet « recettes » du projet de loi de finances pour 2014 soit quasiment unanimement affublée de l’adjectif « large » ?

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Une « large » majorité – 316 voix contre 249, soit 33 voix de plus que la majorité absolue des 565 député(e)s ayant participé au vote… 33, dîtes 33… Les Diafoirus du commentaire politique apprécieront déjà…

La majorité tout court…

A y regarder de plus près, ce n’est pas une « large » majorité qui a donc adopté les recettes, les taxes et les impôts pour 2014, c’est juste la majorité tout court, celle sur laquelle peut compter le duo exécutif, François Hollande et Jean-Marc Ayrault, depuis le 17 juin 2012.

Tous les socialistes, à l’exception de Claude Bartolone – en vertu de la tradition qui conduit, sauf urgence, le président de l’Assemblée nationale, placé au-dessus des partis, à s’abstenir  -, ont voté « pour », tous les radicaux de gauche et associés ont voté « pour » et tous les écologistes ont voté « pour ». Si, côté Verts, on recense deux abstentions et un vote « contre », quelle surprise ! Noël Mamère n’est-il pas officiellement en rupture de ban avec EELV et le gouvernement…

Pour le reste, l’UMP et l’UDI, à l’unanimité des présents, ont voté « contre », tout comme les représentants du Front de Gauche, Mélenchonistes comme communistes… Bref, pas la moindre surprise dans l’Hémicycle ce jour !

Agitation parlementaire…

Pourtant, il est assez symptomatique que l’exécutif puisse paraître affaibli au point qu’ait pu s’imposer l’idée selon laquelle dès ce deuxième budget du quinquennat et à cinq mois seulement des élections municipales – alors que les dernières investitures se décident et les campagnes se lancent – une partie de la majorité présidentielle ait pu faire le pari de la défiance, et pris le risque de déclencher une crise politique sans précédent sous la Vème République.

Christian Jacob, président du groupe UMP, était sans doute dans son rôle quand il a réclamé, au cours de la journée, au Premier ministre un vote de confiance. Même si on peine à croire qu’il ait pu imaginer, un seul instant, que, face à la menace d’un renversement du gouvernement, Matignon ne soit pas parvenu à convaincre 283 parlementaires de ne pas retourner prématurément devant leurs électeurs… 

Un équilibre précaire…

Certes, ce vote aurait pu être un affront de plus pour François Hollande, instillant davantage encore l’idée selon laquelle non seulement il ne tient pas le pays mais qu’en plus il ne tient pas sa majorité, une majorité qui, à grande vitesse, se délite.

Certes, il existe des députés socialistes – à la gauche du parti – qui se laissent aller à quelques gesticulations, salle des Quatre colonnes dès qu’une caméra apparaît et qui, plus sûrement encore, expriment leur ire dans les réunions du groupe ou au Conseil national du parti rue de Solferino.

Mais, ces parlementaires n’ont pas ignoré qu’à n’être qu’une poignée, ils auraient commis une erreur stratégique sans nom, s’assurant le courroux du tandem exécutif – et une responsabilité si la situation politique devait s’aggraver…

Le vote du budget, c’est sacré – même l’essentiel des écologistes sont désormais suffisamment expérimentés pour ne pas l’ignorer – et dépasser les bornes, a fortiori en première lecture, c’est aussi l’assurance de perdre toute influence lors des batailles d’amendements à venir, et lorsqu’il s’agira, inéluctablement, de peser, à plus ou moins long terme, sur un changement de ligne politique…

Le pire que l’on sent venir…

Le gouvernement a encore une majorité, elle n’est ni plus large, ni moins large qu’initialement, en juin 2012. Il n’y a pas de quoi s’ébahir – c’est le jeu normal des institutions et du quinquennat -, il n’y a pas de quoi être rassuré pour autant…

En revanche, il n’est pas inconstitutionnel que d’espérer que le président de la République conserve suffisamment de lucidité pour prendre en considération le décalage qui grandit entre cette majorité au Parlement et le pays qu’elle est censée représenter.

Il n’est pas inconstitutionnel non plus d’espérer qu’il sache réagir en homme d’État si son pari – celui de la reprise réelle et durable, du « quinquennat inversé » – devait échouer et qu’il sache alors dignement protéger non seulement sa majorité mais le pays tout entier des contre-pouvoirs extra-parlementaires qui ne manqueraient pas de se déchainer.

C’est le scénario du pire, celui que, malgré ce vote et ceux qui ne manqueront pas de suivre, on sent poindre à travers le pays. C’est loin 2017, et, malgré tout, c’est peut-être mieux ainsi…

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