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À 9 ans, elle raconte l’enfer des drones devant le Congrès américain

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Un adolescent pakistanais de 13 ans, Zubair ur Rehman, a pris la parole mardi 29 octobre devant le Congrès américain à Washington, un an après la mort de sa grand-mère sous les frappes de drones américains.

Alors que le Premier ministre pakistanais, Nawaz Sharif, a récemment appelé Barack Obama et les États-Unis à cesser les attaques aériennes de drones américains au Pakistan, l’adolescent s’est adressé au Congrès pour raconter son histoire.

« L’air était toxique »

Une histoire qui a ému l’assistance – et certains jusqu’aux larmes – que celle du jeune Pakistanais quand il s’est mis à raconter la mort de sa grand-mère. Accompagné de son père Rafiq et de sa sœur Nabila, âgée de 9 ans, il a décrit comment « Momina Bibi », sa grand-mère, est décédée sous les frappes aériennes alors qu’elle ramassait des légumes dans son jardin, dans la région du Waziristan.

Le jeune garçon explique qu’il a été le premier à entendre planer au-dessus de leurs têtes un drone américain, mais qu’il n’était pas inquiet parce que ni lui ni sa grand-mère n’étaient des militants, rapporte le Telegraph.

« Quand le drone a tiré la première fois, tout le sol a tremblé et une fumée noire montait. L’air était toxique. Nous avons couru, mais, quelques minutes plus tard, le drone a tiré de nouveau », a-t-il déclaré lors de la conférence au Congrès.

L’Aïd à l’hôpital

« Les gens du village sont venus à notre secours et nous ont emmenés à l’hôpital. Nous avons passé la nuit à agoniser à l’hôpital puis, le lendemain matin, j’ai été opéré. C’est ainsi que nous avons passé l’Aïd  [la principale fête musulmane, ndlr] à l’hôpital ».

« Maintenant, je préfère les jours nuageux car les drones ne volent pas. Quand le ciel s’éclaircit et devient bleu, les drones reviennent et la peur aussi. Les enfants ne jouent pas aussi souvent qu’avant désormais, et ils ont arrêté d’aller à l’école. L’éducation n’est pas possible tant que les drones tournent au-dessus de nos têtes », a-t-il ajouté.

« J’ai entendu un cri »

Sa sœur, Nabila, s’est également adressée au Congrès en montrant un dessin qu’elle avait fait, représentant l’attaque des drones au-dessus de son village. « Tout était sombre et je ne pouvais rien voir. J’ai entendu un cri. Je pense que c’était ma grand-mère, mais je ne pouvais pas la voir », a-t-elle déclaré à l’assistance.

Son père Rafiq a ensuite pris la parole devant les membres du Congrès, expliquant que personne ne lui avait jamais expliqué pourquoi sa mère avait été la cible des drones américains le 24 octobre 2012, dans les régions tribales de la province du Waziristan, au nord-ouest du Pakistan.

« Certains médias ont rapporté que l’attaque avait visé ​​une voiture, mais il n’y a pas de route à côté de la maison de ma mère. D’autres ont indiqué que l’attaque avait visé une maison. Mais les missiles ont frappé un champ voisin, pas une maison. Et tous ont dit que trois, quatre ou cinq militants avaient été tués », a-t-il déploré.

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Des crimes de guerre

Un récent rapport de l’ONG Amnesty International pointait du doigt les trop nombreuses attaques de drones américains sur le sol pakistanais, qui se sont parfois soldées par la mort de civils. Une enquête, menée sur plusieurs frappes opérées entre janvier 2012 et août 2013, a ainsi conclu à des violations du droit international et les frappes pourraient donc s’apparenter à des crimes de guerre.

Interrogé par JOL PressAymeric Elluin, chargé de campagne Armes et impunité pour Amnesty International France, explique que les Etats-Unis ont un problème d’identification de leurs « cibles » : « ils utilisent le concept de « signature strike » qui consiste à dire : « si vous avez un comportement se rapprochant plus ou moins d’un comportement dangereux pour la sécurité nationale américaine, nous vous éliminons » ».

« Le problème, explique le chargé de campagne, c’est que ce concept ne tient pas la route : leur agissement est absolument contraire au droit international et les assassinats de civils tués au Pakistan ne sont ni plus ni moins que des crimes de guerre ».

Les attaques s’intensifient

Les États-Unis justifient l’utilisation de drones en rappelant qu’ils mènent une guerre contre le terrorisme. Les attaques se sont nettement intensifiées sous la présidence de Barack Obama, alors que le nombre de troupes américaines sur le terrain en Afghanistan et dans les zones tribales pakistanaises a été revu à la baisse, avant un retrait complet en 2014, rappelle le Telegraph.

Jeudi 31 octobre, des nouveaux tirs de drones américains ont fait trois morts dans la région du Waziristan. L’identité des victimes demeure inconnue, mais certains observateurs évoquent la mort de trois combattants talibans ou affiliés à Al-Qaïda dans cette région connue pour la présence de groupuscules de militants islamistes.

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