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Centenaire de la Première Guerre mondiale: une aubaine pour Hollande?

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François Hollande va-t-il profiter du lancement du centenaire de la Première Guerre mondiale pour redonner confiance aux Français ? Selon un ministre interrogé par le JDD, François Hollande doit montrer son cap aux Français : « Je ne vois pas comment on ne bouge pas, ce qui se joue, c’est dans sa relation aux Français ». « C’est lui qui doit changer. Cette fois-ci, il n’a plus le choix. C’est à lui de dire quel président il veut être, quelle politique il mène. On est dans le champ personnel, dans l’intime de sa relation avec les Français et il a largement le temps de redresser », a-t-il ajouté.

François Hollande parviendra-t-il à convaincre les Français. Eléments de réponses avec Jean-Luc Mano, spécialiste de la vie politique française, journaliste et conseil en communication. Entretien.

JOL Press : François Hollande ouvre, ce jeudi, l’année de commémoration de la Première Guerre mondiale. Lors d’un discours, il parlera « de la République » et « de la Nation française ». Est-ce un exercice difficile ou une aubaine en ces temps de fractures sociales ?

Jean-Luc Mano : Il y a eu une pression très forte de la part de l’entourage du président de la République et d’un certain nombre d’élus socialistes pour que François Hollande intervienne autour des questions d’identité nationale. Le malaise ressenti par un grand nombre de Français vient de facteurs économiques et sociaux mais aussi d’une inquiétude sur l’avenir et le destin de la France. La France est-elle un pays en déclin ? Est-ce un pays qui compte toujours ? Il y a un trouble sur l’idée que les Français se font de leur pays. C’est une donnée qu’on retrouve dans les études et qui existait déjà à l’époque de Nicolas Sarkozy, qui a tenté de lancer le débat – complètement raté – sur l’identité nationale.

Par ailleurs, les dernières questions sur l’immigration, le droit d’asile, les capacités d’accueil de la France, autour de l’affaire Leonarda, ont évidemment renforcé ce sentiment de malaise chez les Français. Que François Hollande puisse dire quelles sont les valeurs de la France et quel est le rôle de la République, est très important.

Cet exercice est utile pour un président de la République en fonction mais aussi difficile dans la mesure où les repères de la société se sont estompés. Aujourd’hui le pays est divisé entre ceux qui pensent que la France devrait continuer à exercer une fonction mondiale ouverte et ceux qui pensent qu’elle devrait se recroqueviller sur elle-même. C’est donc extrêmement difficile de choisir entre ces deux options, il devra faire la synthèse. Ce sera donc forcément un numéro d’équilibriste.

Se servir de l’histoire de France pour fédérer les Français, affirmer, en période de crise, que la France peut se relever et se reconstruire, c’est plutôt une bonne chose.

JOL Press : « François Hollande est un homme intelligent », a déclaré Jean d’Ormesson, sur LCI. Mais « c’est un homme politique qui n’a pas donné les preuves qu’il est un homme d’Etat. » Cette commémoration peut-elle être une occasion, pour François Hollande de devenir cet homme d’Etat ?

Jean-Luc Mano : Le jugement de Jean d’Ormesson est sévère puisqu’il suggère que François Hollande n’est pas encore entré dans son costume de chef de l’Etat. Deux doutes planent au sujet du président de la République, deux doutes structurels à sa chute de popularité. Si le contexte, les difficultés économiques et sociales ne lui sont pas favorables, François Hollande est touché du syndrome « pépère », pour reprendre le mot du Point, l’idée d’un homme qui ne décide pas, qui n’a pas  d’autorité, qui fait la synthèse et qui ne tranche pas. On commence, par ailleurs, à lui reprocher son manque de compétence et son incapacité à devenir un homme d’Etat.

Pourtant la guerre au mali, par exemple, aurait dû lui permettre d’affirmer cette autorité, mais sa personnalité, sa manière de gouverner, sa difficulté, apparente, à prendre des décisions, les nombreux reculs  qu’il a été contraint d’opérer sur des questions essentielles ont altéré son image. Rassembler autour des valeurs de la France peut donc lui permettre d’assumer sa fonction présidentielle pleinement.

JOL Press : La mémoire collective est-elle encore fédéraliste dans la société française d’aujourd’hui ?

Jean-Luc Mano : Oui, elle l’est encore. Elle manque d’occasion de s’affirmer mais les Français sont à nouveau fiers d’être ensemble à certaines occasions. On a toujours l’exemple de la Coupe du Monde de football, mais il est certain que si nous n’avions pas raté la candidature de Paris aux Jeux Olympiques, nous aurions assisté à un grand moment de rassemblement national.

Aujourd’hui les Français ont un regard moins naïf, moins béat, sur leur histoire. Alors certes, il est possible de dire que, peut-être, les troupes coloniales n’étaient pas traitées de manière égalitaire mais, au fond, on voit bien que, lors des grandes commémorations nationales, il reste de l’adhésion populaire. Le 14 juillet, par exemple, est une fête très vivace, très forte et pourtant l’histoire de la Révolution est, elle aussi, chargée de drames. Et on voit bien que, plus les peuples sont en situation difficile, plus ces commémorations, ces rassemblements autour de l’histoire, sont importants.

JOL Press : Qu’attendent les Français de ce type de discours ? Souhaitent-ils entendre un homme fort ?

Jean-Luc Mano : Le peuple français est un peuple contradictoire : il attend de son chef qu’il soit un grand démocrate et en même temps un grand chef. C’est un peuple régicide et monarchiste. Il aime avoir des rois pour le plaisir de pouvoir leur couper la tête de temps en temps. Mais je crois que dans une période de crise, on attend de ses dirigeants qu’ils montrent le chemin et leur capacité à gouverner. Les Français ont envie d’une gouvernance modernisée, apaisée, plus respectueuse des droits démocratiques et des libertés de chacun mais ils ont aussi envie d’autorité.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Jean-Luc Mano a été journaliste, puis est devenu parallèlement conseiller en communication. Il a débuté sa carrière à L’Humanité en 1979, puis est passé par TF1 en 1983, dont il est devenu chef du Service politique. Il est aujourd’hui conseiller en communication chez Only Conseil dont il est le co-fondateur et le directeur associé. Il anime un blog sur l’actualité des médias et vient de publier Les Perles des politiques.

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