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Chine: quel avenir pour le yuan?

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JOL Press : Qu’en est-il de la convertibilité du yuan aujourd’hui ?

Jean-Paul Pollin : Je pense que l’on va s’acheminer lentement vers une convertibilité du yuan. Il y a eu des déclarations en ce sens de dirigeants chinois, qui ont fait savoir qu’ils considéraient que la monnaie chinoise avait vocation à devenir une monnaie internationale. Mais pour l’instant, ce n’est pas le cas.

JOL Press : Dans ces conditions, comment fait-on pour se procurer des yuans ?
 

Jean-Paul Pollin : Pour les mouvements importants, les banques s’adressent à la banque nationale de Chine, qui autorise l’achat de yuans, lorsqu’il s’agit par exemple de faire des importations, en admettant que le règlement de ces importations se fassent dans la monnaie chinoise.

JOL Press : La dollar est-il souvent utilisé directement dans les échanges avec la Chine ?
 

Jean-Paul Pollin : Oui, il y a beaucoup de facturations, aussi bien sur les importations que les exportations, qui se font en dollars. C’est-à-dire, par exemple, que lorsque vous achetez, vous devez livrer des dollars. La banque de l’exportateur chinois qui va recevoir les dollars est tenue de remettre à la banque nationale de Chine ces dollars contre des yuans.

S’il s’agit pour vous d’exporter, donc pour une entreprise chinoise d’importer, cette dernière se procure des dollars auprès de sa banque, qui elle même les obtient de la banque centrale chinoise.

JOL Press : Le rôle marginal du yuan dans les échanges internationaux s’explique-t-il principalement par le fait qu’il ne soit pas librement convertible ?
 

Jean-Paul Pollin : Je ne pense pas. Pour qu’une monnaie soit une monnaie internationale, il faut qu’elle soit demandée, acceptée, c’est-à-dire qu’on est confiance en elle, mais il faut aussi qu’elle soit offerte. Et il se trouve qu’elle ne peut être offerte que s’il y a déficit de la balance des paiements.

Pour que vous puissiez disposer de dollars, il faut, pour simplifier, que ces dollars sortent des Etats-Unis. Et pour ce faire, la balance des paiements américaine doit être en déséquilibre, donc soit la balance commerciale, soit la balance des mouvements de capitaux.

C’est ce que l’on appelait le paradoxe de Triffin. Pour que votre monnaie soit une monnaie internationale, il faut qu’elle puisse être acquise, et elle ne peut être acquise que s’il y a déficit de la balance des paiements. Mais du coup, il y a une contradiction, puisque votre monnaie ne pourra être une monnaie internationale que si votre balance des paiements est en déficit, déficit qui peut faire craindre pour la valeur de la devise.

Donc pour que le yuan devienne une monnaie internationale, il faudrait que la balance des paiements chinoise soit déficitaire. Or pour l’instant, la balance commerciale est très nettement en excédent, et concernant la balance des mouvements de capitaux, même si les Chinois commencent à exporter des capitaux, le mouvement est contrebalancé par les entreprises qui veulent s’implanter en Chine et les investisseurs désirant acquérir des titres d’entreprises chinoises.

Pour le moment, je ne vois pas, à court terme, comment le yuan pourrait devenir une monnaie internationale.

JOL Press : Le recentrage de la croissance chinoise sur la demande intérieure pourrait-il changer la donne ?
 

Jean-Paul Pollin : Bien sûr, à long terme, on peut penser que les Chinois n’ont pas intérêt à garder une balance commerciale aussi excédentaire. Le pays va progressivement faire prendre le relai à la demande intérieure et à partir de ce moment là, on pourra effectivement imaginer un déficit de la balance commerciale, ou du moins un excédent moins important. Mais à court terme, la croissance chinoise va rester tirée par les exportations.

JOL Press : Les troubles politiques du mois d’octobre aux Etats-Unis vont-ils pénaliser le dollar au profit du yuan ou de l’euro ?
 

Jean-Paul Pollin : Tout ce qui affaiblit l’économie américaine peut inciter les opérateurs, les investisseurs, à délaisser le dollar au profit d’une autre monnaie, parce que pour qu’il y ait monnaie internationale, il faut qu’il y ait une demande et une offre.

Aujourd’hui, si vous prenez les statistiques du Fonds monétaire international, en 2012, le dollar représentait un peu plus de 60% des réserves, l’euro 25%. Entre 2000 et 2012, la part de l’euro a augmenté de 8%, la part des autres devises a également augmenté de façon conséquente par rapport au dollar.

JOL Press : On a l’impression qu’il n’existe plus à proprement parler de système monétaire international, est-ce le cas ?
 

Jean-Paul Pollin : On peut considérer qu’il existe un système monétaire, un système de changes flottants. Au fond, les banques centrales ont adopté des règles monétaires, elles ont en quelque sorte géré leur monnaie de leur côté, et les ajustements de changes auraient dû faire la cohérence du tout. Aujourd’hui, on s’aperçoit, que ce système où chacun gère de son côté sa politique monétaire ne fonctionne pas.

Mais il faut bien se rappeler que le système de Bretton Woods était également très critiqué en son temps, justement parce qu’il était trop axé sur le dollar, ce qui conduisait au fameux paradoxe décrit par jacques Rueff. Pour lui, les Etats-Unis créaient de la « fausse monnaie ». Ils étaient, dans un premier temps au moins, plutôt en excédent de la balance commerciale, mais en très fort déficit de la balance des mouvements de capitaux, ce qui était normal pour que le dollar puisse être monnaie internationale. Mais cela leur donnait également la possibilité d’acheter des entreprises européennes en créant cette « fausse monnaie ». Si le système de Bretton Wood a permis une relative stabilité des changes, relative parce qu’il y avait des dévaluations, il n’était pas parfait.

 Propos recueillis par Rémy Brisson pour JOL Press

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