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Colombie: une grève du sexe pour des routes plus praticables

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Les femmes de la bourgade de Barbacoas en Colombie ont entamé une nouvelle grève du sexe, deux ans après celle menée pendant trois mois à partir d’août 2011.

Un moyen – infaillible ? – de pousser leurs hommes et les autorités locales à agir pour réparer les routes impraticables de la région.

Pas de route, pas de sexe

Les 300 habitantes de Santa María del Puerto de Toleda de las Barbacoas, dans le sud-ouest de la Colombie, avaient fait les gros titres des journaux colombiens en 2011 lorsqu’elles avaient décidé d’entamer une grève du sexe. L’objectif était simple : que leurs hommes s’activent pour remettre en état l’unique route de 57 kilomètres reliant leur village au reste du pays, laissée dans un état de délabrement avancé.

Cette curieuse forme de protestation avait été lancée suite au décès d’une femme qui devait accoucher. L’ambulance qui devait l’emmener à l’hôpital était restée bloquée sur la route impraticable. Trois mois et demi après le début de la « grève des jambes croisées » comme les femmes l’avaient appelée, les premières pelleteuses étaient arrivées dans le petit village colombien.

Les autorités s’étaient alors engagées à goudronner, avec l’aide de l’armée, les 27 premiers kilomètres de la route. Les 30 kilomètres restants – les plus impraticables – devaient faire l’objet d’une étude avant leur remise en état.

Prêtes à reprendre le combat

Dans une interview accordée au journal colombien El Tiempo et reprise par Courrier International, la chef de file du « Mouvement des jambes croisées », Luz Mariano Marina Castillo, s’était dit « satisfaite du résultat » de leur grève du sexe, indiquant cependant que si l’État ne tenait pas ses promesses, elles « reprendraient le combat ».

En avril dernier, elles protestaient à nouveau, exigeant une explication pour le retard dans les travaux. La porte-parole du Mouvement était alors revenue sur le devant de la scène médiatique pour demander au gouverneur du département de Nariño, Raúl  Delgado, et à l’armée, de répondre aux engagements pris dans le passé, car si certaines parties de la route avaient fait l’objet de réparations, d’autres avaient été négligées.

Le colonel Ricardo Roque Salcedo, en charge des travaux, avait alors admis que les complications et les retards des travaux étaient dus aux problèmes d’acheminement du matériel dans cette zone. Selon l’officier, un tronçon de 15 kilomètres de long avait déjà été bétonné, mais certaines parties de la route restaient encore critiques. « Nous avons eu beaucoup de problèmes d’ordres administratifs, logistiques, et même climatiques », expliquait-il.

Les nouvelles Lysistrata

La grève du sexe n’est pas une pratique nouvelle. En août 2012, le collectif « Sauvons le Togo » appelait les Togolaises à ne pas faire l’amour pendant une semaine afin de pousser les hommes à s’investir davantage dans le mouvement d’opposition lancé contre le président Faure Gnassingbé, au pouvoir depuis 2005.

Un procédé déjà utilisé au Liberia, en 2003, où la co-lauréate du prix Nobel de la paix 2011, Leymah Gbowee, était parvenue à mobiliser les Libériennes autour d’une grève du sexe. Quelques jours plus tard, le président Charles Taylor consentait à associer les femmes aux pourparlers de paix, en pleine guerre civile.

En 2009, ce sont les femmes du Kenya qui organisent une semaine d’abstinence pour parvenir à un accord entre le chef de l’État et le chef du gouvernement, en pleine crise post-électorale. Même la femme du président et celle du Premier ministre rejoignent le mouvement.

En 2011, c’est la Belgique qui lance un mouvement similaire pour pousser le pays à sortir de l’impasse politique et à trouver un gouvernement – un accord sera finalement trouvé après plus de 500 jours sans gouvernement.

Toutes ces initiatives trouvent en fait racine dans l’Antiquité, dans la célèbre pièce d’Aristophane intitulée « Lysistrata » (écrite en 411 av. J.-C.). L’héroïne invite alors les femmes des cités grecques à s’abstenir d’avoir des relations sexuelles, considérant l’abstinence comme une arme de poids pour pousser les guerriers à mettre fin à la guerre du Péloponnèse.

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