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Connaître ses droits face à sa banque est indispensable

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JOL Press : Les dérives constatées au moment de la création de l’AFUB, en 1987, se poursuivent-elles ou a-t-on réussi a encadré plus sévèrement le secteur ?
 

Serge Maître : Il est évident qu’il y a eu une évolution en 25 ans. On n’est plus confronté aux mêmes difficultés. La réalité d’une dérive des pratiques bancaires est toujours présente, mais il y a eu une évolution.

Quand on est apparu, il s’agissait d’appliquer la loi de la République face à la « loi de la jungle » qui sévissait alors. Le cadre juridique était méconnu des banques comme des clients. À l’époque, il y avait des dérapages vraiment affligeants, des violations pures et simples de la loi. On pouvait par exemple se retrouver interdit bancaire sans avoir reçu de lettre recommandée avec accusé de réception. On était confronté à des dérapages ponctuels, factuels, qui s’expliquaient par l’absence d’autocontrôle de la part des établissements. Avec des approches humaines qui étaient très hétérogènes d’une agence à l’autre.

Aujourd’hui, on est confronté à quelque chose qui est différent, et bien plus grave selon moi. Ce ne sont plus des dérapages ponctuels, des hérésies d’application, mais plutôt des déviances profondes et générales, ce qui est très différent.

Sur les TEG que l’on trouve sur les contrats, les taux effectifs globaux, par exemple, dans trop de cas, les banques se trompent ou méconnaissent les règles posées par la loi. Il y a d’autres éléments, d’autres exemples, qui montrent que cela vient du haut et non du bas. La banque HSBC a par exemple été condamnée par la Cour de cassation pour sa pratique des dates de valeur. Elle n’a rien modifié à sa pratique depuis. Le fossé entre la loi et la pratique n’est plus lié à des employés hérétiques, mais bien à l’attitude de la banque.

Donc après 25 ans, nous ne sommes plus du tout confrontés aux mêmes situations.

JOL Press : Comment des pratiques frauduleuses peuvent-elles se poursuivre malgré les contrôles et les décisions de justice ?   
 

Serge Maître : Le problème, c’est qu’il n’y a pas de relai au niveau des autorités de contrôle de ces décisions. Il y a actuellement un certain nombre de contrôles. L’ACPR (Autorité de contrôle prudentiel et de résolution), le gendarme des banques en quelque sorte, à qui la loi a donné pour mission de veiller à la protection des clients en s’assurant de la bonne application des lois, commence à faire des contrôles systématiques. Mais ces contrôles, dans leur mécanisme, se placent trop du côté des banques, et ne prennent pas assez en considération le point de vu des usagers.

On a bien, à côté de cela, des garde-fous, mais ils ne sont pas respectés. On a l’impression que les banques font un pari. Sur les TEG, par exemple, sur les neuf millions de crédits immobiliers, les banques font le pari qu’il n’y aura que quelques centaines de personnes qui viendront faire contrôler le TEG et dénonceront l’erreur. Le risque est finalement très faible pour les banques.

JOL Press : Quelles sont les dérives les plus courantes ?
 

Serge Maître : La tarification est le sujet qui revient le plus souvent. Entre 25 et 30 % des plaintes concernent cette question. La tarification est trop souvent en violation avec la loi. Pour prendre juste un exemple, depuis 2008, les banques doivent compléter l’envoi de la plaquette tarifaire d’une lettre indiquant les nouveaux frais, les modifications, et rappeler que l’on a deux mois pour refuser cette nouvelle tarification. Sur ce point, très souvent, la loi n’est pas respectée.

JOL Press : Au-delà des faibles risques en cas non conformité, quelles sont les autres causes de ces dérives de la tarification ?
 

Serge Maître : Il y a plusieurs éléments, on peut notamment prendre la faible concurrence de produit. C’est un marché hyper saturé, avec plus de 95 % des Français qui possèdent un compte et une carte bancaire. Il y a très peu de marge, pour les opérateurs, pour prendre des parts de marché.

Ils en viennent à ne pas bouger, et donnent l’impression de s’entendre. Par exemple, quand les établissements bancaires ont décidé de taxer les retraits déplacés, ils se sont mis la même année entre vingt centimes et un euro.

JOL Press : Avez vous également des revendications plus larges comme la séparation des activités bancaires ou encore en termes de ratios de fonds propres ?
 

Serge Maître : La priorité pour l’association, c’est que la loi soit appliquée. Ensuite, il est vrai que nous avons d’autres « revendications », par exemple la sécurisation de la banque de détail, celle où l’on dépose ses économies. Ce que nous voudrions empêcher, c’est que la banque de détail ne devienne l’enjeu d’un « chantage » entre les grands financiers et les pouvoirs publics. Cela a été le cas par exemple en 2008, les banques ont dit aux Etats : « si vous ne nous aidez pas, on plonge sur notre banque d’investissement, et la banque de détail sera entraînée dans la chute. » Pour sécuriser, sanctuariser la banque de détail, il faut la distinguer totalement des autres activités.

L’autre point concerne le financement de l’économie. Il y a un problème manifeste de financement en France. Il est en panne pour les entreprises et les particuliers, sauf pour les crédits immobiliers. Le système actuel repose sur une dépendance des entreprises vis-à-vis des banques. Les banques sont au cœur de l’économie, mais ne jouent pas leur rôle. 

Le problème n’est pas ponctuel. En 2011, la BCE a révélé que les banques françaises avaient investi sur le marché des dettes souveraines trois fois plus que leurs homologues allemands. Les banquiers français ont toujours placé plus d’argent sur des marchés spéculatifs que dans l’économie réelle, il faut travailler sur ce point. Il faudrait guider l’épargne des Français vers des produits qui servent directement l’économie française. L’épargne doit être drainée vers les entreprises.

Propos recueillis par Rémy Brisson pour JOL Press

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