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Crise: la Bretagne est-elle plus touchée que les autres régions?

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Selon l’Insee, entre 1968 et 2008, la Bretagne est devenue la première région de France pour les industries agroalimentaires mais, ces dernier mois, la région a été violemment touchée par une vague de plans sociaux : Doux et Tilly-Sabco (volaille), Marine Harvest (poisson) et Gad (abattage et découpe de porc), la liste des entreprises s’allonge.

« On a des moyens pour remettre la Bretagne en marche mais on est en train de tout mettre à la poubelle », a déclaré Nadine Hourmant, déléguée FO de Doux, dans le Nouvel Observateur. « On passe l’éponge sur ce qui a été construit pendant des années. Il faut avoir le courage d’aller à Bruxelles pour dire stop. On nous a vendu une Europe sociale. Elle est où ? En Allemagne, ils emploient des gens des pays de l’Est à trois euros : c’est facile d’être compétitif à trois euros ! Stop, ça suffit. »

La Bretagne est-elle plus touchée que les autres régions de France ? « La Bretagne connaît, aujourd’hui, des difficultés particulières qui se traduisent par beaucoup d’angoisse, de souffrance et parfois même de désespoir et c’est de notre responsabilité de les aider », déclarait, mercredi 16 octobre, le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Mais quelles sont ces difficultés ? Eléments de réponses avec Jacques de Certaines, co-auteur de Secoue-toi-Bretagne ! Essai sur les enjeux de l’économie régionale (Apogée – 2013). Entretien.

JOL Press : Thierry Merret, président de la FDSEA du Finistère, a déclaré que l’économie bretonne était en déclin. Au-delà de l’agroalimentaire, il a parlé des secteurs automobiles et informatiques. Qu’en est-il ? 

Jacques de Certaines : Déclin n’est sans doute pas le bon terme. Crise non plus car une crise est une dépression passagère avant de revenir comme avant. On est dans une véritable mutation liée à plusieurs facteurs comme la fin de l’énergie facile, la mondialisation du commerce, la financiarisation de l’économie, l’incapacité de l’UE à réagir de façon cohérente…

D’une mutation, on ne sait combien de temps elle va prendre et où l’on va aboutir. C’est pourquoi il ne faut pas gérer politiquement une mutation comme une crise conjoncturelle. Cela semble l’erreur fréquente de nos actuels gouvernants.

JOL Press : La Bretagne semble divisée entre des villes dynamiques comme Rennes ou Saint-Malo et des territoires de plus en plus délaissés par l’activité économique. Cela correspond-il à la réalité ? 

Jacques de Certaines : Une des caractéristiques de la Bretagne (très différente par exemple des Pays-de-la-Loire) est la dissémination des activités sur l’ensemble de son territoire : technologies de l’information et de la communication à Rennes, Lannion et Brest, mer à Brest, biotechnologies à Rennes et surtout sur le Nord-Ouest Bretagne (Morlaix, Roscoff, Brest…), de l’industrie agro-alimentaire dans presque chaque canton… Il n’y a pas de zones délaissées en Bretagne mais des ressources différenciées à exploiter.

JOL Press : La crise économique touche-t-elle plus violemment la Bretagne que les autres régions ?

Jacques de Certaines : Je ne pense pas mais le progrès a été tellement fort pendant les « Trente Glorieuses » que les difficultés actuelles paraissent plus dures. La Bretagne a beaucoup d’atouts que d’autres régions n’ont pas.

JOL Press : Quel est le principal frein à l’épanouissement économique de la Bretagne ? 

Jacques de Certaines : Une certaine tendance à vouloir recoller le passé au lieu de s’engager pour l’avenir. Le monde a changé, l’industrie aussi et on n’est plus au XXème siècle. Demain ne sera pas la prolongation d’aujourd’hui. Il ne faut pas s’obstiner à réparer les wagons en oubliant de mettre en route la locomotive.

JOL Press : Que pourrait faire le gouvernement pour aider le secteur agroalimentaire breton ? 

Jacques de Certaines : Le pousser à faire plus de valeur ajoutée grâce à l’innovation (biotechnologies, chimie verte…). L’aider aussi à se structurer dans une compétition mondiale.

JOL Press : La gratuité des routes en Bretagne fait-elle partie de l’ADN de la région ? 

Jacques de Certaines : On dit que cela date du contrat de mariage d’Anne de Bretagne. Est-ce vrai ? Je doute que les Bretons accepteraient d’y renoncer.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Jacques de Certaines, docteur ès sciences physiques, docteur en biologie et docteur en sociologie de la science, a été chef du département de biologie au centre régional de lutte contre le cancer et directeur d’un laboratoire à l’université de Rennes. Ancien adjoint au maire de Rennes, ancien membre du conseil économique et social et ancien président de l’incubateur régional Emergys, il est président honoraire de la technopole Rennes-Atalante.

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