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Daniel Larribe, ex-otage au Mali, parle de ses trois ans de détention

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De retour depuis quelques jours en France, après avoir passé plus de trois ans dans les griffes d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, au Mali, Daniel Larribe, l’un des quatre otages d’Arlit a accordé un long entretien au magazine protestant Réforme.

Séparés après deux semaines de détention

C’est en compagnie de son épouse, également otage au Mali durant quelques mois, que Daniel Larribe s’est exprimé et est revenu sur les conditions de sa détention dans le désert et sur les différentes étapes de ces trois années.

Daniel et Françoise Larribe, Pierre Legrand, Thierry Dol, Marc Féret ont été enlevés le  16 septembre 2010à Arlit, au nord du Niger. Françoise Larribe est libérée le 24 février suivant.

Ces quatre otages n’ont que très rarement été réunis pendant ces trois années de détention. « Nous sommes restés ensemble les quinze premiers jours, puis nous avons été séparés », explique Daniel Larribe. « Thierry, Françoise et moi d’un côté ; Marc, Pierre, Jean-Claude (un Malgache) et Alex (un Togolais) de l’autre. Puis, Françoise, Jean-Claude et Alex ont été libérés. Je suis resté avec Thierry, et Marc avec Pierre. Nous nous sommes revus à trois reprises par la suite ».

Des gardiens qui avaient parfois 15 ans

Dans le désert, les quatre otages, qui découvriront plus tard que leurs lieux de détention étaient relativement proches, étaient gardés par un groupe de «  sept à quatorze moudjahidines » et parmi eux, un chef et un imam.

« Tous les deux mois, il y avait un changement d’équipe. Nos gardiens avaient entre 20 et 30 ans, parfois, ils étaient plus jeunes, ce pouvait être des adolescents de 15 ans », ajoute Daniel Larribe. Pour communiquer avec leurs gardiens, quelques mots de français ou d’arabes étaient nécessaires.

« Nous communiquions avec eux, mais c’était le strict minimum », se souvient l’ex-otage. « Certains de nos gardiens parlaient quelques mots de français, et nous, nous avons appris quelques mots de tamachek, la langue des Touaregs, ou d’arabe. Par la suite, nous avons eu des gardiens anglophones, venus du Nigeria ou du Ghana. D’autres étaient hispanophones, des Sahraouis des îles Canaries. Nous n’avons jamais rencontré de gardes français, même si on nous a dit qu’il y en avait ».

Du temps libre et un quotidien bien organisé

Durant leurs longues journées de détention, le quotidien des otages était rythmé par un programme simple.

« Je me suis aperçu que si j’avais un emploi du temps structuré, les journées finissaient par se dérouler sans que je m’en aperçoive », explique Daniel Larribe.

«  Au réveil, il y avait la préparation du thé. Puis, nos gardiens faisaient du pain qu’ils nous servaient avec du lait. Ensuite, le repas du milieu de la journée, et enfin le repas du soir ». Entre temps, les otages pouvaient avoir certaines occupations.

« Nous étions un peu à l’écart, dans notre coin. On nous fixait un périmètre de promenade, le long de rivières asséchées. Nous avions le droit de remonter de 100 ou 200 mètres en amont et en aval », raconte encore Daniel Larribe.

Ce passionné de botanique a également profité de son cadre de vie pour étudier la nature qui l’entourait. «  J’écrivais les caractéristiques des herbes que je voyais. Je faisais une fiche sur chaque plante, je décrivais aussi leurs conditions d’adaptation au climat et la dissémination des graines. Géologue de formation, j’observais aussi les phénomènes d’érosion des roches. Je me disais que je jouais au petit Théodore Monod ».

Les otages ont frôlé la mort durant l’opération Serval

Le début de l’opération Serval, en janvier 2013, a marqué un tournant dans la détention des otages.

« Quand ça a commencé à sentir le roussi, les moudjahidines nous ont exfiltrés. En fait, ils nous protégeaient. Ils dissociaient les problèmes qu’ils avaient avec la France de la façon dont ils traitaient leurs otages », explique-t-il.

« Je savais que les otages étaient sous les bombes. Je l’ai dit au président Hollande », ajoute Françoise Larribe, qui a vécu toute cette période depuis la France. « Je pouvais comprendre l’opération Serval, mais je ne comprenais pas que l’on engage la vie de quatre Français pris en otages sur place. À ce moment-là, on a eu très peur. Les quatre familles étaient très conscientes du danger ».

Au début de l’opération, les otages ont été réunis à l’ouest du Mali, dans une zone qu’ils ne connaissaient pas. Sur le terrain, la surveillance aérienne était intense, se souvient-il.

Puis il se souvient d’un événement marquant, le jour où tous ont échappé de peu à la mort. « J’ai d’ailleurs fini par dire au ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, qu’ils avaient failli nous dézinguer lors de l’opération Serval ! ».

Transportés dans un véhicule, les otages ont été mis à l’abri derrière des rochers. Quelques minutes après un missile détruisait la voiture dans laquelle avaient été laissés tous leurs effets personnels.

> Lire l’interview sur Réforme

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