Site icon La Revue Internationale

Des centres semi-fermés pour demandeurs d’asile déboutés

[image:1,l]

JOL Press : Vous avez dans les médias dénoncé le franchissement d’une « ligne rouge » si des centres semi-fermés pour les demandeurs d’asile déboutés étaient créés ?
 

Florent Gueguen : Plusieurs raisons expliquent cela. Tout d’abord, les associations, qui considèrent mener une mission d’accompagnement social et d’accueil humanitaire, refusent de la voir confondue avec le répressif. A la quasi-unanimité, elles ont toutes clairement indiqué être contre le concept de centres semi-fermés, et se sont toutes engagées à ne pas les gérer dans le futur.

Deuxièmement, la loi dit très clairement que toute personne en situation d’errance ou de détresse sociale, a le droit à un hébergement et à un accompagnement, quel que soit leur statut administratif. Nous ne voyons pas comment la création de centres semi-fermés serait conciliable avec cette obligation étatique inconditionnelle. Même s’il est débouté, et doit donc quitter le Centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA), le demandeur d’asile a le droit à un logement. D’autres structures doivent ainsi pouvoir prendre le relai, comme les centres d’accueil pour les sans-abris.

Par ailleurs, nous ne croyons pas à la faisabilité de ces mesures d’éloignement massif. Le cas Leonarda le traduit très bien. La procédure s’étalant sur deux ans, le demandeur d’asile a eu le temps de s’insérer dans la société, de créer de nouveaux liens sociaux et de scolariser ses enfants. Selon nous, cette mesure, d’apparence ferme est donc en réalité inefficace et ne correspond qu’à un objectif de pure politique politicienne, à cinq mois de deux rendez-vous électoraux stratégiques.

JOL Press : En quoi consistent exactement ces centres semi-fermés ?
 

Florent Gueguen : Ces centres orienteraient les personnes qui ont épuisé toutes les voies de recours possibles pour demander l’asile, en vue de les éloigner de manière forcée du territoire français. Seront mis à la disposition de ces personnes des aides retour volontaire  – 250 euros pour les enfants et 500 euros pour les adultes.

Dans tous les cas nous ne les acceptons pas, étant en réalité des centres de détention administratifs sans le dire. En parallèle François Hollande, lors de sa campagne présidentielle, s’était engagé à exclure des centres de détention administratifs, les familles avec enfants. L’ouverture de ces centres semi-fermés serait donc, en quelque sorte, une certaine entorse à son engagement présidentiel.

JOL Press : Les demandeurs d’asile déboutés aujourd’hui ne sont-ils pas déjà obligés de quitter le territoire ?

Florent Gueguen : Lorsqu’il a épuisé toutes les voies de recours, le demandeur d’asile est tout d’abord obligé de quitter le CADA. Ensuite, trois alternatives « s’offrent » à lui. La première consiste au droit commun des sans-abris : s’il est en situation de détresse, il peut par exemple composer le 115, le numéro d’urgence pour les sans-abris. Il peut également espérer une régularisation de sa situation via un autre titre que celui de l’asile. Il peut ainsi demander au préfet un titre de régularisation pour des raisons de santé ou familiales, par exemple. Enfin, certains sont réellement reconduits à la frontière. Quelques uns font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Si ces derniers se font un jour contrôler, ils seront alors reconduits à la frontière.

JOL Press : Que proposez-vous pour encadrer alors ces demandeurs d’asiles déboutés ?

Florent Gueguen : Soyons clair, nous ne demandons pas la régularisation de toutes les personnes déboutées du droit d’asile. D’autant plus, qu’il s’agit d’une proportion assez importante : 80 % voient leur demande refusée.

Néanmoins, nous souhaiterions que ces personnes puissent faire examiner leur demande de régularisation à un autre titre que celui de l’asile. Par ailleurs, il faudrait qu’elles puissent être prises en charge par des associations compétentes, et cela sans contraintes. Comme pour les personnes sans-abris.

JOL Press : Connaissez-vous d’autres points de désaccords avec les conclusions provisoires émises par les parlementaires ? 
 

Florent Gueguen : Rappelons que pour le moment, il ne s’agit que de conclusions provisoires. Le rapport sera rendu définitivement fin novembre au ministère de l’Intérieur. Et il est inutile de vous dire, que nous attendons des mesures plus positives que celles qui ont été énoncées. Trois des propositions faites sont notamment inacceptables, la première étant celle des centres semi-fermés. Le deuxième point que nous regrettons est l’absence de programmation de places dans les CADA. Aujourd’hui seulement 30 % des demandeurs d’asiles y ont accès – soit 23 000 places pour 60 000 demandeurs d’asiles en 2012 -, alors même que la loi le prévoit dans le cadre de la procédure.

Par ailleurs, aucun des scénarios proposés par les parlementaires ne revalorisent l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra). Or, nous aimerions qu’elle devienne la première porte d’entrée de la procédure de demande d’asile en France, à la place des préfectures. Contrairement à ces dernières qui sont placées sous la tutelle du ministère de l’Intérieur, l’Ofpra est un organisme indépendant.  Aujourd’hui, ce sont les préfectures qui gèrent ces demandes.

Propos recueillis par Carole Sauvage pour Jol Press.

Quitter la version mobile