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Faut-il repenser les délais de prescription des crimes sexuels?

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A partir de quand le délai de prescription en matière de crime sexuel doit-il courir ? C’est la question à laquelle va devoir répondre la cour de Cassation, ce mercredi 6 novembre. Saisie par une jeune femme de 41, victime d’un viol à l’âge de 5 ans, elle devra déterminer si la prescription des faits, décidée en avril 2012 par le juge d’instruction en charge du dossier puis en janvier 2013 par la cour d’appel de Poitiers, est valide.

Rappel des faits

Pourquoi cette jeune femme a attendu si longtemps avant de porter plainte contre son agresseur, un cousin par alliance ? Parce que ses souvenirs des faits, remontant à 1977, ne sont revenus qu’en 2009, après une séance d’hypnose. Refoulé dans son inconscient de petite fille, ce viol est trop ancien pour être condamnable.

« Il faut repenser les délais de prescription en matière de crimes sexuels sur les enfants parce qu’ils ne tiennent pas compte du fonctionnement psychologique de la victime », raconte Cécile (dont le prénom a été modifié) au Parisien. Selon elle, le système actuel « ne prend pas en compte le problème de l’amnésie traumatique même si la loi a repoussé le délai de prescription à vingt ans après la majorité de la victime. »

 « La prescription, c’est le droit à l’oubli et la sanction de la négligence, mais pour les enfants victimes de crimes sexuels, c’est un véritable déni de justice », ajoute-t-elle. « C’est d’autant plus révoltant que la dévastation psychique résultant des viols durant l’enfance dure toute une vie, avec des conséquences à perpétuité sur la sexualité et la parentalité, ainsi que des maladies chroniques. »

Que dit la loi ?

La prescription est un principe général de droit qui désigne la durée au-delà de laquelle une action en justice, civile ou pénale, n’est plus recevable. Selon le code de procédure pénale, il existe un « principe selon lequel l’écoulement d’un délai entraîne l’extinction de l’action publique et rend de ce fait toute poursuite impossible. »

Le délai de prescription est de 10 ans pour certains délits, essentiellement de nature sexuelle, perpétrés à l’encontre d’une victime mineure (agression ou atteinte sexuelles autres que le viol, proxénétisme à l’égard d’un mineur de plus de quinze ans, recours à la prostitution d’un mineur, etc.) ; il est de 20 ans pour d’autres délits (violences sur mineur ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours ; agression sexuelle sur mineur de quinze ans ou sur personne particulièrement vulnérable du fait de son âge, d’une maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique ou d’un état de grossesse ; atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans).

Pour Me Gilles-Jean Portejoie, l’avocat de la victime, « la prescription court lorsqu’on laisse passer le temps délibérément ». Or « dans cette affaire, la victime n’avait pas conscience de ce crime perpétré contre elle, car il a entraîné une amnésie lacunaire et elle n’a pu déposer plainte dans les temps ». « Il est temps que toutes les victimes bénéficient du même traitement de la loi. En droit pénal des affaires, la prescription ne court qu’au jour où l’infraction est apparue à la victime. Les victimes de viol ou d’inceste devraient bénéficier du même droit », insiste encore l’avocat.

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