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France-Ukraine: les Bleus, mercenaires ou patriotes?

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JOL Press : La défaite contre l’Ukraine vendredi a provoqué le retour d’un certain acharnement médiatique contre l’équipe de France, doit-on vraiment douter de leur engagement et de leur esprit patriotique lorsqu’ils portent le maillot bleu ?
 

Joachim Barbier : Il y a une pollution dans les débats autour du football et de l’équipe de France. On ne peut pas faire de généralité, la situation est bien sûr différente selon les joueurs. Mais depuis 1998, le football est devenu un objet politique, on demande aux joueurs de foot d’avoir toutes les vertus, d’être exemplaires. Beaucoup de bêtises sont dites sur le sujet. Le patriotisme appliqué au football est jugé par des gens qui n’ont pas été joueurs, ne comprennent pas nécessairement ce que cela signifie, viennent de la classe politique ou des média dominants et font montre d’hypocrisie.

Il ne faut pas croire que les joueurs trainent les pieds, être sélectionné est toujours une fierté. Ils savent en plus qu’il y a, à l’arrivée, la possibilité de gagner une coupe du monde ou un championnat d’Europe, qui sont, avec la ligue des champions, les trophées les plus prestigieux.

JOL Press : Est-il vraiment légitime de demander aux joueurs de l’équipe de France d’être des citoyens exemplaires ?
 

Joachim Barbier : Il faut s’interroger sur ce qu’est le métier de footballeur. Vous avez 25 ans, gagnez des sommes colossales, et avez fréquenté un centre de formation où on vous a surtout demandé d’être un bon joueur de football. Vous êtes bien sûr allé à l’école mais, contrairement aux déclarations qui peuvent être faites par les dirigeants de la FFF notamment, on se moque des résultats scolaires.

Donc on leur demande d’être des citoyens modèles alors qu’ils n’en ont pas reçu les outils. Il faut savoir ce que l’on veut faire, car aujourd’hui on leur reproche d’être mauvais et en même temps de ne pas être exemplaires, de ne pas être des citoyens modèles alors que leur formation, entre 13 et 18-20 ans est avant tout faite pour qu’ils soient les meilleurs joueurs possibles, individuellement et collectivement.

Cette exemplarité est en plus, de toute façon, demandée par des gens qui ne sont pas exemplaires, que ce soit en politique, avec les multiples affaires que l’on connaît, ou ailleurs. On peut trouver tous les jours, dans toutes les professions, des gens qui sont loin de se conduire de façon exemplaire.

Au delà de ça, j’ai l’impression que les personnes qui émettent des critiques sont des personnes de plus de cinquante ans, dans les médias dominants ou dans la politique, qui jugent la jeunesse d’aujourd’hui, pour souligner le fait que de leur temps c’était mieux, que les valeurs étaient respectées. Mais il faut bien avoir en tête que c’est compliqué pour les joueurs, lorsque les médias scrutent chacun de leurs gestes, lorsqu’ils sont filmés constamment.

JOL Press : Dans la mesure où lorsque l’équipe gagne tout est oublié, les résultats ne déterminent-ils pas la façon avec laquelle leur comportement est jugé ?
 

Joachim Barbier : C’est exactement ça, toutes les polémiques arrivent le soir après une défaite. Il y a quelques semaines, ils ont battu l’Australie 6-0 et on entendait alors qu’ils étaient de retour. Et puis là, avec la défaite contre l’Ukraine, on leur reproche tout à coup leur comportement, leurs attitudes.

L’aspect culturel est important, on est dans un pays qui n’aime pas le sport, qui lui consacre peu de temps à l’école. Il y a une ignorance des dirigeants à son sujet parce que le sport est méprisé. Avoir une culture foot, c’est envisager la défaite, et essayer éventuellement de l’expliquer, et l’analyser.

Il faut rappeler que dans l’histoire du football français, en dehors de trois numéro dix, qui sont Kopa, Platini et Zidane, l’équipe de France n’a jamais eu de résultats ne serait-ce que corrects. Actuellement, certains joueurs sont bons, un ou deux sont très bons, mais il n’y a pas de grands joueurs. On ne peut pas comparer Ribéry, même s’il va peut-être avoir le ballon d’or, à des joueurs comme Platini ou Zidane. Sans ce meneur de jeu qui arrive une fois tous les vingt ou trente ans, on est un pays moyen.

Propos recueillis par Rémy Brisson pour JOL Press

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