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Intervention française en Centrafrique: est-ce déjà trop tard?

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L’annonce a été faite, la France entame une intervention militaire en Centrafrique. Un millier de soldats, selon une déclaration du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, seront déployés dans les jours qui viennent et pour « une période brève de l’ordre de six mois, à peu près », a-t-il encore indiqué.

Vite intervenir pour protéger les civils

Alors que les ONG et les observateurs de ce pays central du continent africain alertent depuis plusieurs mois la communauté internationale et la France du danger sécuritaire en Centrafrique, ils sont nombreux aujourd’hui à estimer que la France intervient un peu trop tard.

« Il faut qu’on fasse très vite ». C’est en ces termes que Christian Mukosa, chercheur et spécialiste de la République centrafricaine pour Amnesty International, s’exprimait au micro de RFI, lundi 25 novembre, alors même que le Conseil de sécurité de l’ONU se réunissant pour examiner une résolution en faveur d’une intervention internationale. L’intervention « est la seule option fiable et capable de faire face à cette situation qui est en train de déraper tous les jours ».

Christian Mukosa préconisait alors une intervention des forces des Nations unies mais également de la France, sous mandat clair de l’ONU afin de mener une mission de « protection des civils » et permettre de freiner la crise centrafricaine qui dure maintenant depuis plusieurs mois.

Un génocide a commencé

En effet, depuis le coup d’Etat qui a conduit à la chute du président François Bozizé, en mars dernier, la situation sécuritaire se dégrade jour après jour.

Tout a commencé en décembre 2012, lorsque une rébellion portant le nom de « Séléka » s’est avancée vers la capitale, Bangui, en à peine quelques semaines. En mars, ce mouvement a fini par prendre le pouvoir et c’est aujourd’hui Michel Djotodia, chef de la rébellion, qui tient lieu de président de transition.

Une fois au pouvoir, la Séléka n’a pour autant pas cessé d’exister et aujourd’hui, l’existence même de cette rébellion a plongé le pays dans une fausse guerre de religion dans laquelle tous les coups sont permis.

C’est ainsi que témoignait Ilhame Taoufiqi, reporter à TV5Monde, dans une interview retranscrite sur le site de la chaîne d’information. « Une fracture s’est faite », expliquet cette journaliste.

« Quand la Séléka est arrivée à Bangui, c’étaient les missions catholiques et les quartiers chrétiens qui étaient pillés », ajoute-t-elle, estimant qu’à l’origine ces pillages étaient d’ordre purement économique.

Cependant, « la Séléka est en grande majorité composée de musulmans » qui « ne vont pas forcement piller leur coreligionnaires ».

Mais aujourd’hui la donne a changé. « Tous les musulmans sont apparentés à des collabos, à des soutiens de la Séléka », estime cette journaliste.

La Séléka « est considérée comme une force d’occupation et de l’autre côté, ces anti-Balakas se sont constitués en milice d’autodéfense ».

« Nous sommes dans cette rhétorique-là : des résistants, des forces d’occupation. Ils s’en prennent aux musulmans qu’ils considèrent comme des collabos. Les Sélékas s’en prennent aux chrétiens. Et on en arrive à une guerre confessionnelle mais non pour des motifs religieux, des raisons de foi mais plutôt pour des motifs politiques », conclut alors Ilhame Taoufiqi.

Une intervention déjà vouée à l’échec ?

Ces conflits économico-religieux font chaque jour plus de morts et de déplacés et aujourd’hui, selon les chiffres de l’ONU, un habitant sur 10 aurait été contraint d’abandonner son domicile pour prendre la fuite.

L’intervention de la France dans son ancienne colonie était vivement attendue et de nombreux espoirs reposent sur cette mission de maintien de la paix.

Malgré tout, une simple intervention ne résoudra certainement pas l’ensemble des problèmes auxquels doit faire face la République centrafricaine.

Pour l’africaniste Bernard Lugan, les maux de la Centrafrique s’inscrivent dans l’histoire contemporaine et cette « intervention militaire trop tardive ne réglera pas le problème de fond ».

Selon ce spécialiste, l’enjeu en Centrafrique est d’abord « ethnique » dans un pays « non-Etat présentant de grandes différences géographiques, donc humaines » et dont l’histoire, depuis l’indépendance « est rythmée par l’alternance de cycles ethno-politiques conflictuels qui donnèrent tour à tour le pouvoir à des populations originaires des grandes régions du pays ».

Il en résulte donc que malgré l’intervention française, qui conduira sans aucun doute à la fuite de la Séléka, « la question de la pacification de la région des trois frontières ne sera pas réglée car le Soudan constituera la base arrière de tout futur mouvement ». D’autre part, « la seule solution qui sera proposée par la France sera une nouvelle fois un processus électoral, donc une ethno-mathématique, qui redonnera le pouvoir aux plus nombreux […] les ‘gens du fleuve’ et les nordistes seront automatiquement perdants car minoritaires, ce qui sera la cause de futurs conflits ».

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