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«La lutte contre le sida est exclue de l’agenda politique et médiatique»

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JOL Press : La journée mondiale de lutte contre le sida vise à rappeler l’importance de la prévention. Le niveau d’information est-il suffisamment élevé en France ?
 

Jean-Luc Romero: Il n’y a jamais eu autant de personnes qui vivent aujourd’hui avec le sida dans le monde et en France, et pourtant nous n’avons jamais aussi peu parlé de la lutte contre le sida. Il ne faut pas s’étonner aujourd’hui qu’il y ait une baisse des connaissances. Une récente étude de l’Observatoire Régional de la Santé (ORS) a montré que 21% des gens pensent encore que l’on peut attraper le sida par une piqûre de moustique : c’est un retour en arrière complet par rapport aux connaissances du début des années 90. La lutte contre le sida et la prévention en générale sont sorties de l’agenda médiatique et politique. Par conséquent, il y a une baisse des connaissances : quand on connaît moins de choses, la peur augmente, et les discriminations également…

JOL Press : Comment lutter contre cette stigmatisation et cette discrimination dont sont victimes les séropositifs ?
 

Jean-Luc Romero: Les deux grands problèmes auxquels sont confrontées les personnes séropositives dans un pays riche sont la précarité et les discriminations. Aujourd’hui, il faut tout mettre en œuvre pour que les personnes n’aient plus peur de leur statut. Nous avons parfois l’impression que dans notre société, ce n’est pas contre la maladie que l’on se bat mais contre le malade.<!–jolstore–>

Il faut tout faire pour que les personnes séropositives trouvent des espaces pour pouvoir dire leur maladie. La ministre Dominique Bertinotti, qui a parlé publiquement de son cancer, a assisté à ces Etats Généraux des Elus Locaux Contre le Sida (ELCS). On voit a quel point c’est utile pour cette maladie-là. C’est exactement pareil dans la lutte contre le sida : il faut qu’il y ait des espaces pour que les personnes arrivent à en parler, il faut des campagnes nationales, et que les politiques en parlent. Le sida se soigne aussi par la politique. De cette manière, les gens verront que la séropositivité peut toucher leurs voisins, cousines, amis, ou leurs enfants. Ces discriminations tomberont au fur et à mesure. Tout ce qui est invisible, tout ce qu’on ne connait pas, conduit forcément à la discrimination. Un malade qui a déjà des difficultés à s’insérer dans la société, à trouver un travail, à avoir un logement, ou obtenir des prêts ne peut pas être en plus montré du doigt. Les politiques ont une vraie responsabilité pour changer ce regard de la société vis-à-vis d’une maladie qui reste honteuse et taboue en 2013. 

Découvrez l’interview vidéo de Jean-Luc Romero lors des Etats Généraux des Elus Locaux Contre le Sida: 

JOL Press: Les élus de gauche comme de droite sont-ils selon vous suffisamment mobilisés dans la lutte contre le sida?
 

Jean-Luc Romero: J’ai créé Elus Locaux Contre le Sida (ELCS) il y a 18 ans, et j’assiste depuis à un effondrement de l’intérêt autour de cette question. Comme les personnes séropositives ont peur de le dire, et se cachent, on n’en entend pas parler. A Paris, il y a un quart des cas de sida : soit 40 000 personnes. Mais si vous demandez à un jeune parisien s’il connaît une personne vivant avec VIH, la réponse sera négative… L’invisibilité de la maladie n’aide pas à faire avancer l’information et la mobilisation des élus. 

JOL Press : De plus en plus d’adolescents sont touchés par le sida. Quelles sont les mesures urgentes qui doivent être mises en place pour contrer cette recrudescence du virus chez les jeunes ?
 

Jean-Luc Romero: Il faut qu’ il y ait systématiquement des formations dans les écoles. Je suis président du Centre Régional d’Information et de Prévention du Sida (CRISP), et dans la région Ile de France, nous essayons de toucher 90% des lycéens autour des questions de la sexualité et du SIDA. Aujourd’hui, cette maladie s’est totalement banalisée. Comme les gens n’osent plus avouer leur séropositivité, par peur de discrimination, nombreux sont ceux qui pensent que le problème est réglé. Aujourd’hui, en France, 30 000 personnes vivent avec le VIH sans le savoir. Les campagnes ont donc plus que jamais une grande nécessité. 

JOL Press : Peut-on espérer un jour une génération sans sida ?
 

Jean-Luc Romero: Nous sommes aujourd’hui obligés de faire un constat difficile, mais nous devons faire également un constat optimiste. Si nous mettons les moyens financiers nécessaires, le sida pourrait disparaître demain. Si les 30 000 personnes séropositives en France découvrent leur séropositivité, et suivent des traitements, il n’y aura plus de sida en France. Au niveau mondial, si les moyens financiers sont mis en œuvre, le sida pourrait disparaître d’ici 30 ans.  C’est un message d’espoir. Mais pour cela, il faut de la volonté politique. Derrière le mot sida, il y a des hommes et des femmes… ce n’est pas un mot abstrait. 

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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