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La scission du parti de Berlusconi redistribue les cartes au centre droit

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« Tu quoque mi fili » («Toi aussi mon fils ») : mélodramatique, Silvio Berlusconi s’est approprié les mots fameux de César à l’adresse de Brutus pour interpeller son ex-dauphin, Angelino Alfano, ministre de l’Intérieur et vice-président du Conseil. 
 
Samedi 16 novembre, le « traître » a abandonné ses fonctions de secrétaire du parti du Peuple de la liberté (PDL) de Silvio Berlusconi pour créer un groupe dissident, le Nouveau centre droit (NCD). Ce faisant, Angelino Alfano s’émancipe de son mentor, à la veille d’un congrès du PDL au cours duquel l’inoxidable leader de 77 ans entend ressouder ses troupes en renommant symboliquement le PLD Forza Italia, son nom d’origine et la « marque de fabrique » del Cavaliere. 
 
Cette scission vient officialiser la division qui agitait depuis plusieurs mois le PDL autour de cette question : faut-il se maintenir ou non au sein de la coalition gouvernementale alors que Silvio Berlusconi – définitivement condamné en août dernier pour fraude fiscale – devrait être destitué de son poste de sénateur le 27 novembre ? Les « faucons » étaient partisans de faire chuter le gouvernement pour provoquer des élections anticipées, mais les « colombes » ont préféré privilégier la stabilité politique.
 
La stabilité politique et… l’ambition d’un nouveau chef : « Alfano se pose comme un leader responsable comme pour mieux souligner le caratère déraisonable, irresponsable de Berlusconi, analyse Jean-Yves Frétigné, docteur en histoire de l’Italie contemporaine à Sciences Po Paris et président de la société d’études françaises du Risorgimento italien. Le choix du lieu de fondation du Nouveau centre droit, le palais Santa Chiara à Rome, n’est pas innocent : c’est le lieu où Don Luigi Sturzo a fondé, en 1919, le Partito Popolare Italiano, d’où naîtra après-guerre la Démocratie chrétienne (DC). Alfano entend donc se poser comme un fondateur ou refondateur de la DC. »
 

Premier acte de l’après-Berlusconi ?

 
Une partie de la presse transalpine voit dans l’éclatement du PDL le premier acte de l’après-Berlusconi. Jean-Yves Frétigné est plus prudent : « Berlusconi entend relancer Forza Italia avec ses fidèles, parmi lesquels des jeunes, ceux que la presse italienne désigne comme les “faucons”, qui sont particulièrement attachés à leur leader et qui condamnent les “colombes” qu’ils accusent de trahison. Berlusconi a perdu son épreuve de force avec la justice, telle est la vraie rupture, la vraie digue qui a sauté, mais sa capacité de nuisance reste très importante. » 
 
Les prochains mois notamment, il Cavaliere devrait s’inviter en force dans les débats : « Il y a déjà une concurrence entre Beppe Grillo [le leader du mouvement d’extrême gauche 5 étoiles, ndlr] et Berlusconi pour capter l’opposition au gouvernement, avec en ligne de mire les élections européennes en mai prochain : l’un et l’autre tirent déjà à boulets rouges sur la Commission européenne, ses « injonctions » budgétaires et le « diktat » de l’Allemagne », explique Hervé Rayner, spécialiste de l’Italie à l’Institut d’études politiques et internationales de l’université de Lausanne.
 
Le président du Conseil des ministres Enrico Letta, après un accord passé avec Angelino Alfano, « espère tenir jusque début 2015, c’est-à-dire après le semestre de présidence italienne de l’Union européenne », analyse Hervé Rayner. Avec sa trentaine de sénateurs et sa vingtaine de députés – les chiffres ne sont pas encore définitifs -, le Nouveau centre droit devrait pouvoir garantir jusque là la survie du gouvernement.
 
 
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