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L’Alternative Bayrou/Borloo, une menace sérieuse pour l’UMP?

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Alors que Jean-Louis Borloo (UDI) et François Bayrou (MoDem) doivent sceller officiellement leur union politique, ce mardi 4 novembre, des voix se lèvent à l’UMP pour ironiser sur ce rapprochement. « Que représente le Modem ? On a l’impression que c’est un mariage à égalité, mais ce n’est vraiment pas le cas. Le MoDem n’a pas d’élus, pas de députés, rien », a lancé Isabelle Balkany, sur Europe. L’UMP aurait-elle peur de perdre des électeurs ? Eléments de réponse avec Jean Garrigues, professeur d’histoire contemporaine à l’Université d’Orléans et directeur de la rédaction de Parlement(s), Revue d’histoire politique.

JOL Press : Selon le Journal du Dimanche de ce 3 novembre, Nicolas Sarkozy voit d’un mauvais œil la recomposition du centre qui pourrait encore attirer certains centristes de l’UMP. A-t-il raison de s’inquiéter ? 

Jean Garrigues : Celui qui aurait le plus de raisons de s’inquiéter de la renaissance d’un centre-droit, c’est le candidat de l’UMP qui est le plus proche des positions centristes. François Fillon, qui, a priori, représente une droite plus modérée, plus traditionnelle, moins infléchie vers les thèmes de sécurité et d’immigration, aurait plus à souffrir de ce réveil du centre que Nicolas Sarkozy.

JOL Press : Cette alliance est-elle à même de séduire les électeurs UMP qui ne se sont pas retrouvés dans la campagne de 2012 de Nicolas Sarkozy ?

Jean Garrigues : Non seulement une partie des électeurs de l’UMP n’a pas aimé l’inflexion vers la droite de la campagne de 2012 mais une partie de ces électeurs avait été particulièrement choquée par le caractère « bling-bling » de l’ancien président. Une frange de l’électorat traditionnel de droite et du centre-droit ne s’est pas reconnue dans ce rapport décomplexé à l’argent et pourrait se tourner vers le centre si Nicolas Sarkozy venait à se représenter.

JOL Press : Selon Nicolas sarkozy, « si les centristes s’en vont », l’UMP « ne sera pas au second tour en 2017 ». Qu’en pensez-vous ? L’UMP est-elle encore si fragile ?

Jean Garrigues : Personne ne peut prédire ce qui se passera en 2017, mais la défiance des Français envers tous les partis est telle, que des configurations nouvelles sont possibles. Ceux qui ne pouvaient pas arriver au second tour en 2007 ou en 2012, parce qu’un candidat incontestable à droite empêchait toute autre candidature, pourraient y arriver en 2017. Incontestablement cet électorat de la droite et du centre-droit qui ne se reconnaît ni chez Nicolas Sarkozy, ni chez François Fillon pourrait être tenté par une alliance centriste.

Par ailleurs, si une primaire devait avoir lieu au sein de l’UMP, en vue de 2017, elle serait dévastatrice et pourrait entraîner un transfert de l’électorat vers une force politique qui aurait pour elle, notamment, l’avantage et le mérite d’incarner une sorte d’alternative nouvelle. Certes Jean-Louis Borloo et François Bayrou ne sont pas des nouveaux venus mais ils n’ont pas été associés la crise et cela peut jouer un rôle.

En 2007, François Bayrou a été très proche d’être au second tour, en 1969, Alain Poher, membre du MRP (Mouvement républicain populaire, un ancien parti politique français, classé comme démocrate-chrétien et centriste) a été au second tour et en 1974, Valéry Giscard d’Estain a réussi à se faire élire président. Rien n’est jamais impossible pour les centristes.

JOL Press : La campagne de 2012 et la radicalisation idéologique du parti ont-elles marqué une rupture entre l’UMP et une partie de son électorat plus modérée ?

Jean Garrigues : Incontestablement, un double phénomène s’est produit pendant cette campagne : d’une part une sorte de familiarisation de l’UMP avec des thématiques qu’on pouvait retrouver à l’extrême-droite et d’autre part un rejet de cette droitisation qui a pu amener certains électeurs de droite à se désolidariser de l’UMP car ils ne se retrouvaient plus dans cette grande formation de la droite et du centre qu’elle prétendait être jusqu’alors.

JOL Press : Les centristes ont-ils à gagner à se séparer de l’UMP ?

Jean Garrigues : C’est une question difficile car, en réalité, l’histoire électorale montre que la tradition du centre c’est d’aller vers une alliance avec la droite. Si les chefs centristes proposent à leur électorat de rompre avec cette alliance, il est certain que de nombreux électeurs vont être désarçonnés et risquent de privilégier la tradition et d’aller vers le vote UMP. C’est un risque que peuvent prendre ces chefs et que François Bayrou a pris, entre les deux tours de l’élection présidentielle, en appelant à voter pour François Hollande. En faisant cela, il a bouleversé toute une partie de son électorat et aux législatives cet électorat est allé vers les candidats de la droite. Mais, en même temps, le discrédit de l’UMP est tel que cet électorat peut désirer s’affranchir de cette tutelle de l’UMP.

Cependant, dans le contexte de la politique française, du scrutin uninominal et des alliances de second tour, s’affranchir totalement de l’UMP paraît compliqué. Cet affranchissement du centre ne peut se faire qui si, après un véritable éclatement de la droite, un candidat centriste apparaît comme l’homme fort capable de réunir à nouveau la droite et le centre, comme a pu le faire Valéry Giscard d’Estain. Ce n’est actuellement pas l’hypothèse la plus crédible, car ni François Bayrou, ni Jean-Louis Borloo n’apparaissent comme susceptibles, en termes de notoriété et de popularité, de l’emporter face à Nicolas Sarkozy.

JOL Press : Quelle est la dernière option de l’UMP pour parvenir à retenir les électeurs qui seraient tenté par le centre ?

Jean Garrigues : Les thématiques du centre tournent autour d’un libéralisme tempéré par un interventionnisme modéré, avec une sensibilité sociale et européenne. Un centriste est un humaniste libéral. Et ces thèmes sont déjà la propriété de François Bayrou ou de Jean-Louis Borloo. Mais, dans la nébuleuse UMP, il peut y avoir, du côté de personnalités comme François Fillon, Bruno Le Maire ou Laurent Wauquiez, des sensibilités assez proches des centristes. Une partie de l’UMP peut faire alliance avec le centre-droit. Cette solution politique peut aussi se dessiner qui laisserait de côté Nicolas Sarkozy.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Spécialiste d’histoire politique, Jean Garrigues enseigne l’histoire contemporaine à l’université d’Orléans. Auteur de nombreux ouvrages, il a dirigé Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin), Les Patrons et la Politique (Perrin) ou Les Hommes providentiels (Seuil).

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