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«Las Patronas»: ces Mexicaines qui redonnent espoir aux sans-papiers

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Présenté lors de la 4e édition du festival Cinéma et Droits Humains d’Amnesty International, le court-métrage Protégeme, réalisé par Aude Chevalier-Beaumel nous plonge dans le quotidien des Patrones, ce groupe de femmes issu du hameau de La Patrona  – d’où elles tirent leur nom – situé dans l’Est du Mexique, qui aide les migrants d’Amérique centrale et du Sud, en route vers les Etats-Unis, en leur fournissant de la nourriture.

Un lancer de sachets de nourriture

Depuis plus de 18 ans, quatorze femmes du village collectent chaque jour des aliments auprès des organisations, des supermarchés, des particuliers, ou des commerçants. Elles passent des heures à verser de l’eau dans des bouteilles d’eau recyclées ainsi qu’à cuisiner du riz aux légumes, qu’elles répartiront ensuite dans des petits sachets en plastiques individuels. Dès qu’elles entendent le train s’approcher, « Las Patronas » se dirigent alors rapidement vers la voie. S’ensuit alors un lancer maîtrisé de sachets et de bouteilles d’eau destinés aux sans papiers qui les attrapent au vol.

Le travail fatiguant des Patrones 

« Même si nous ne sommes pas de leur famille, nous voulons que les migrants sentent que dans ses moments ils ne sont pas seuls » explique dans le film, Norma, l’une des « Patrones ».  « Ce travail est fatiguant mais chaque fois que nous donnons à manger aux migrants et que nous voyons leurs sourires, cela nous réconforte » poursuit-elle dans une interview accordée à la BBC.

Pour la réalisatrice, Aude Chevalier-Beaumel, c’est une sorte de « mise en abyme », puisque ces femmes « habitent elles aussi dans un village touché par ce phénomène de migration vers les Etats-Unis ». Toutes ont des fils, des petits-fils, des neveux, qui ont émigré aux Etats-Unis, fuyant la misère de leurs villages reculés, en quête de travail et d’avenir meilleur. « Bien qu’elles ne souhaitent à personne de partir aux Etats-Unis – si c’est pour mourir sur une voie de chemin de fer – elles ne peuvent pas rester sans rien faire et veulent leur apporter leur aide aux sans-papiers » poursuit la documentariste.

Deux décennies d’action

Tout a commencé il y a 18 ans dans cette petite communauté du Veracruz. A l’époque, les migrants étaient moins nombreux qu’aujourd’hui à vouloir se rendre aux Etats-Unis. On raconte que plusieurs d’entre eux, perchés en haut des wagons du train, ont aperçu des habitantes les bras chargés de pain et de lait, et leur ont demandé de la nourriture. 

Le couple d’octogénaires, à l’origine de l’organisation, a depuis passé le relais à ses filles. Les cousines, et les femmes des alentours se sont progressivement greffées au projet. « La plupart ont perdu leur mari. Ils sont morts ou sont partis… En se regroupant et en venant en aide aux migrants elles surpassent leurs problèmes personnels » poursuit la réalisatrice.

Dans leur village, des gens admirent leur combat et les soutiennent. Elles font parler d’elles à travers le Mexique ; les migrants apprennent quant à eux leur existence grâce au bouche à oreille. Mais ces Mexicaines font également l’objet de critiques, notamment de la part de ceux qui estiment que les migrants ne sont que des voleurs, une idée répandue dans le pays, souligne la réalisatrice.  

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Un voyage périlleux

Chaque année, on estime que 100 000 personnes arrivent au Mexique et risquent leur vie pour franchir la frontière vers les Etats-Unis. Les moyens de transport représentent un grand danger: ces trains de marchandise sur lesquels grimpent les migrants. La réalisatrice se souvient de l’histoire de ce jeune guatémaltèque, tombé du train, rencontré pendant le tournage. En voulant attraper un sac de nourriture et remonter sur le wagon, le jeune de 14 ans a été happé sur le train et a perdu une jambe. Il a ensuite été rapatrié dans son petit village au Guatemala: «  Ce qui est terrible c’est qu’il est parti dans le but d’aider financièrement sa famille ; aujourd’hui handicapé, il ne peut même plus travailler dans les champs pour aider sa famille » explique Aude Chevalier-Beaumel

La violence des bandes criminelles

Durant leur périple, les sans-papiers seront également confrontés à la violence de certaines bandes criminelles. Comme l’a dénoncé Amnesty International dans un rapport en 2010, les exactions commises lors de contrôles de migrants au Mexique sont fréquentes et pratiquement jamais punies. L’ONG rapporte par exemple que six femmes et filles migrantes sur 10 sont victimes de violences sexuelles au cours de leur voyage. Selon la Commission Nationale des Droits Humains (CNDH), chaque année, quelques 20 000 sans-papiers venus d’Amérique centrale sont séquestrés par des bandes contrôlées par le cartel de Los Zetas, l’un des groupes narcotrafiquants les plus dangereux du Mexique et d’Amérique Centrale.

« Il y a surtout le risque du kidnapping : ils sont souvent trompés par des bandes criminelles qui se font passer pour des migrants et qui les mènent dans des endroits isolés où ils se feront torturés jusqu’à ce qu’ils donnent le numéro de téléphone de leur famille pour leur extorquer de l’argent. Cette criminalité en réseau, très fréquente, s’étend des Etats-Unis au Sud de l’Amérique centrale » explique la réalisatrice.

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Un loi pour protéger les migrants

Les choses évoluent lentement, mais depuis quelques temps, les autorités mexicaines mettent en place des mesures pour protéger les sans-papiers. Une loi vient par exemple d’être adoptée au Mexique interdisant dans certains Etats du Mexique, notamment au Sud, près de la frontière avec le Guatemala, la police migratoire d’arrêter les migrants sur le train en marche. Une lueur d’espoir pour les migrants et les défenseurs des droits de l’homme. Il y a eu beaucoup d’accidents de migrants qui tombaient du train en voulant fuir les autorités à leur trousse. 

Les défenseurs des migrants également visés

Si les migrants sont la cible de ces organisations criminelles, c’est aussi le cas de leurs défenseurs qui encourent des représailles. C’est par exemple le cas du père Alejandro Solalinde, prêtre mexicain et fondateur du centre d’accueil pour les migrants Hermanos en Camino, qui a récemment affirmé qu’il existait des fosses communes contenant les cadavres sans organes de migrants. Son combat pour défendre les droits des migrants lui a valu plusieurs menaces et agressions, comme il l’explique dans la vidéo. 

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