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«Le microcrédit, outil de la lutte contre l’exclusion professionnelle»

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JOL Press : On a l’impression que le microcrédit en France est avant tout un outil de lutte contre le chômage, de lutte contre l’exclusion professionnelle, est-ce le cas ?
 

Sébastien L’Aot : Dans la vision qui est celle de l’Adie, c’est effectivement le cas. Le microcrédit, tel qu’on le pratique, sert à financer des créations d’entreprise, des créations de leur propre emploi par des personnes qui sont au chômage, ou dans des situations de précarité forte face à l’emploi.

L’aide et l’accompagnement de l’Adie s’adressent à des personnes nettement coupées de l’emploi, qui n’ont quasiment aucune perspective d’emploi, souvent bénéficiaires du RSA. Par ailleurs, nous aidons des personnes qui ne sont pas exclues durablement du marché de l’emploi mais qui ne parviennent pas à s’y insérer de manière stable. Le marché de l’emploi refuse de les intégrer dans des conditions qui leur donnent un peu de visibilité sur le moyen ou long terme. Elles enchaînent souvent des périodes d’intérim, de CDD, le tout entrecoupé de périodes de chômage. Les conditions du marché du travail sont telles aujourd’hui, qu’il n’y a pas de réelles perspectives de CDI pour elles.

La création d’entreprise, qui est traditionnellement assez mal vue et comprise en France, peut être la solution pour s’insérer de manière stable et pérenne dans le monde du travail.

JOL Press : Les créations d’entreprise se concentrent sur quel type d’activité ?
 

Sébastien L’Aot : C’est très varié. En ce moment, on est en train de faire notre concours interne annuel pour mettre en avant et récompenser les projets les plus remarquables, sous différents angles. Quand je regarde le recueil et les 80 projets qui y sont présentés, je trouve, par exemple, une personne qui fait du massage de chevaux de course, une qui fait du lavage de voitures sans eau, une autre qui fabrique des robes de mariée… Les projets sont extraordinairement diversifiés parce qu’ils sont le reflet du parcours de chacun de nos clients, en termes d’expériences, de talents, de compétences.

Contrairement à certaines idées reçues, qui voudraient que toutes les entreprises créées le soient dans des secteurs très stéréotypés, avec peu de valeur ajoutée, le spectre des projets financés est très large.

Il y a effectivement beaucoup de vendeurs ambulants, de projets plus « classiques », mais ce qui est très marquant c’est la très forte diversité des activités créées.

JOL Press : Est-ce que la création du régime de l’auto-entrepreneur a contribué au développement de votre activité ?
 

Sébastien L’Aot : Le public auquel s’adresse l’Adie a besoin pour sortir de cette situation de simplicité et de visibilité, qui sont les deux énormes avantages du régime de l’auto-entrepreneur. Les personnes accompagnées ont assez peu de ressources et possèdent donc une aversion au risque très forte.

Ce régime apporte de la simplicité parce qu’il est compréhensible par tous et, notamment, par nos clients, qui ont des niveaux de formation qui sont en moyenne plutôt modestes.

Il offre, d’autre part, de la visibilité puisque vous savez exactement quelle part de votre chiffre d’affaires sera consacrée aux charges sociales, et ce avant même d’avoir vendu le moindre produit ou service. En gardant en tête, cependant, la possible réforme du régime qui pourrait changer les choses.

Enfin, cela a beaucoup aidé les clients que nous finançons, 60% optant même pour ce régime. Mais, malgré cela, notre activité n’a pas explosé avec son instauration, nous conservons la même tendance forte de croissance.

JOL Press : Vous venez de publier une étude d’impact de votre action, quel est le taux de pérennité des entreprises que vous financiez ?  
 

Sébastien L’Aot : C’est vrai que dans les gènes de l’Adie il y a cette pratique d’auto-évaluation de notre action. L’étude d’impact a montré que le taux de pérennité des entreprises que nous finançons est stable depuis la dernière étude qui avait été effectuée il y a trois ans. Il se situe, à trois ans, à 58%, donc presque six entreprises sur dix sont encore en activité au bout de trois ans. Ce chiffre correspond à la moyenne nationale des entreprises individuelles.

Même s’ils ont peu de moyens, les personnes que nous finançons sont au même niveau que la moyenne des créateurs d’entreprises. ils ne réussissent pas moins bien.

Ce qui est très important de noter c’est que ces petites entreprises ont plutôt bien résisté depuis le début de la crise, malgré sa profondeur. Le taux de pérennité des entreprises financées par l’Adie n’a pas diminué depuis trois ans.

JOL Press : Les prêts accordés correspondent en moyenne à quel montant ?
 

Sébastien L’Aot : Il n’y a pas vraiment de plancher donc vous pouvez emprunter de 1000 à 10 000 euros, car il y a cependant un plafond à 10 000 euros. Et le montant moyen que l’on prête est aux alentours de 4000 euros .

JOL Press : Existe-t-il un système de solidarité entre les bénéficiaires comme cela peut être le cas dans le modèle imaginé par Muhamad Yunus ? 
 

Sébastien L’Aot : On a deux formules de microcrédit. La principale, la plus développée, c’est le microcrédit individuel , où les personnes sont seules concernées par leur microcrédit. A côté de ça, on a effectivement un système de microcrédit de groupe où les personnes s’adressent à nous par groupe de quatre à cinq porteurs de projet.

Les bénéficiaires de ce type de microcrédit sont dans des systèmes existants, ou préexistants, de solidarité et ont accès simultanément à leur microcrédit, avec des activités qui sont indépendantes les unes des autres mais où les membres sont solidaires du bon remboursement de l’ensemble des prêts du groupe.

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