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Le vote blanc bientôt reconnu, sans effet sur les élections…

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Olivier Durand, président de l’Association pour la reconnaissance du vote blanc, regrette cette avancée a minima, qui, selon lui, « affaiblit le vote blanc ».

JOL Press : Les députés se sont prononcés à l’unanimité jeudi 28 novembre pour la reconnaissance du vote blanc, distingué du vote nul. Néanmoins, ils ont refusé de l’inclure dans les suffrages exprimés. Cela vous satisfait-il ? Ou faut-il que le vote blanc soit comptabilisé dans les suffrages exprimés ?
 

Olivier Durand : Nous avions été auditionnés en novembre 2012, à la veille de la première lecture à l’assemblée, par le député UDI François Sauvadet, à l’initiative de la proposition de loi. Nous lui avions dit que cette idée d’un « premier pas » n’était pas satisfaisante. La réforme de l’article L66 du Code électoral va affaiblir le vote blanc parce qu’il y aura toujours plus de gens qui préfèreront manifester leur mécontentement par un message qu’en se limitant à un papier blanc. Plutôt que de glisser sagement un papier blanc, certains préféreront bidouiller leur bulletin par esprit frondeur. D’ailleurs, nous-mêmes, à la veille de chaque élection, nous offrons aux électeurs qui ont décidé de voter blanc, un bulletin qui milite pour le vote blanc, et qui, de ce fait, entre dans la catégorie des bulletins nuls. Aux municipales de 2008, il avait eu 4% de bulletins blancs ou nuls. Si la réforme était passée, il y aurait eu 3% de bulletins nuls et 1% de bulletins blancs.

Nous souhaitons que le vote blanc soit comptabilisé dans les suffrages exprimés. Une fois qu’il sera adopté et reconnu en tant que tel, l’association disparaitra.

JOL Press : Pourquoi plaidez-vous pour la reconnaissance du vote blanc ? Les options démocratiques existantes ne sont-elles pas déjà suffisantes pour que chaque citoyen puisse s’exprimer ? Pour rappel, il y avait dix candidats au premier tour de la présidentielle en 2012…
 

Olivier Durand : Le vote blanc doit être enregistré comme un suffrage exprimé en respect du principe d’égalité un homme/une voix, qui donne du sens à l’acte électoral alors que le personnel politique veut le réduire à la désignation d’un vainqueur. Au premier tour, un vote blanc est un message passé à son camp. On ne va pas voter pour le camp adverse ou pour un candidat fantaisiste pour exprimer ce désaccord. Au second tour le choix est limité et on ne doit pas être contraint de s’y plier.

JOL Press : La majorité socialiste a cependant repoussé l’entrée en vigueur de cette mesure après les prochaines élections municipales. Selon vous, pourquoi le vote blanc est-il aussi tabou chez les hommes et femmes politiques ?
 

Olivier Durand : Le vote blanc remet en cause leur position de monopole sur la vie démocratique. Les partis politiques sont persuadés qu’ils détiennent la vérité et pour eux l’électeur est source de danger. Cent trente ans après l’école de Jules Ferry, soixante-dix ans après la fin de Seconde guerre mondiale, l’élite française continue à avoir une vision très péjorative de l’électeur, du « peuple ». Et censurer des bulletins pour masquer une réalité, c’est ceci, qui à la longue, affaiblit la légitimité des élus.

Par ailleurs, la reconnaissance du vote blanc pourrait remettre en cause leur légitimité électorale. Comme l’expliquait le député UMP Guy Geoffroy, le 20 novembre en commission, un candidat qui obtient actuellement la majorité absolue au second tour peut n’obtenir que 49 % des voix si les votes blancs sont reconnus. Cela ne pose peut-être pas un problème de légalité, mais bien un problème de légitimité.

JOL Press : Ne craignez-vous pas que la reconnaissance du vote blanc incite les électeurs à voter blanc, un vote contestataire qui ne déboucherait sur aucun projet ?
 

Olivier Durand : Le vote blanc est avant tout une expression d’exigence des électeurs qui s’indignent face aux facilités auxquelles trop facilement recourent les partis politiques. Plus qu’à une contestation il correspond à une indignation. Par ailleurs, l’annonce de taux extraordinaires de bulletins blancs ne sert qu’à épouvanter qui veut bien l’être.

Le vote blanc symbolise une démarche plus construite que celle de l’abstention. Avec un résultat amoindri toutefois. L’abstention sera toujours plus élevée que le vote blanc puisque 15% d’abstention est considéré comme un taux très bas. L’électeur se fera toujours mieux entendre en restant chez lui.

JOL Press : Ne faudrait-il pas plutôt rendre le vote obligatoire ? Cela obligerait les parlementaires à prendre en compte le vote blanc comme un véritable choix de l’électeur.
 

Olivier Durand : Le vote obligatoire est contraire à la liberté de vote. De plus, il nuirait au vote blanc puisque les partis politiques pourraient très facilement dire qu’un taux élevé de bulletins blancs ne serait dû qu’à des électeurs démotivés et indifférents ayant choisi ce type d’expression parce qu’ils avaient été obligés de voter.

L’élection doit être un baromètre. Le taux de participation doit être élevé non pas parce qu’on a forcé les gens à voter mais parce que le débat de campagne a été de qualité.

Propos recueillis par Carole Sauvage pour Jol Press

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