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JOL Press : Les Maliens sont appelés aux urnes ce dimanche pour élire leurs députés, près de trois mois après l’investiture du nouveau président. Comment se sont passés ces trois derniers mois ?
Ramata Coulibaly : Nous étions très contents d’avoir un président. Il a été élu avec plus de 77% des voix, cela prouve que les Maliens avaient besoin de sortir de la situation catastrophique dans laquelle notre pays se trouvait. C’est pour cette raison que massivement, les Maliens ont voté, contre toute attente.
Depuis, le président a fait ce qu’il pouvait, le gouvernement a été mis en place, il y a eu des hauts et des bas évidemment, mais l’essentiel pour nous est d’avoir un gouvernement qui travaille. On peut dire que les premières actions ont été satisfaisantes, comme le démantèlement du camp militaire de Kati [en octobre] qui était vraiment une grosse épine dans le pied du gouvernement. Il y a par contre eu d’autres actions qui nous ont causé des inquiétudes, mais cela fait seulement trois mois que le nouveau président est au pouvoir, donc nous attendons de voir.
JOL Press : Comment les Maliens de France perçoivent-ils le nouveau président, Ibrahim Boubacar Keïta ?
Ramata Coulibaly : Les Maliens de France ont voté à 83% pour IBK : ils mettent beaucoup d’espoir en ce nouveau président. Nous ne pouvons donc qu’adopter des attitudes qui puissent faciliter sa tâche, sans pour autant lui donner carte blanche.
JOL Press : Ces élections législatives sont-elles très suivies par les Maliens de France ?
Ramata Coulibaly : Absolument. On suit de très près ces élections : l’Assemblée nationale est importante, c’est un contrepoids. Il y a même des Maliens de France qui sont allés se présenter à la députation au Mali, et nous avons par exemple un membre du Collectif des Maliens de France pour la Paix, qui est notre porte-parole, Bakary Traoré, qui s’est présenté. Nous suivons donc ces élections avec d’autant plus d’intérêt.<!–jolstore–>
JOL Press : Quelles sont les attentes des Maliens concernant ces élections ?
Ramata Coulibaly : Nous attendons de l’Assemblée et des députés qui seront élus qu’ils fassent leur travail. Nous attendons qu’il y ait de vrais députés, soucieux du devenir du Mali, des vrais patriotes, et non des députés seulement là pour applaudir. C’est pour cela que nous suivons beaucoup ces élections, même de loin.
JOL Press : Comment vous mobilisez-vous pour ces élections depuis la France ?
Ramata Coulibaly : Nous n’avons pas le droit de voter depuis l’étranger. Par contre, nous avons des parents et des proches qui habitent là-bas. Nous les sensibilisons en leur disant de ne pas voter pour des t-shirts, des pagnes, 1000 francs ou même 20 francs. Il faut qu’ils votent pour le devenir du Mali, pour leur devenir. Personnellement, je suis apolitique, donc je ne milite pour aucun parti, mais cela ne m’empêche pas de donner des conseils aux autres.
Nous les sensibilisons surtout sur la corruption, en leur répétant qu’ils ne doivent surtout pas accepter d’être achetés par quelque député que ce soit. Il faut d’abord voir quel est l’intérêt du pays, quels sont les députés capables de porter leur voix, capables de travailler, de faire avancer le Mali.
JOL Press : Les Maliens sont-ils très mobilisés pour ces élections ou doit-on s’attendre à un fort taux d’abstention ?
Ramata Coulibaly : À une certaine heure, lorsque vous débarquez dans les foyers maliens, vous trouvez tout le monde branché sur la télé malienne. D’après ce que nous voyons à la télé, et d’après ce que nous disent nos parents et nos proches qui sont sur place et que nous avons régulièrement au téléphone, il y a une forte mobilisation et sensibilisation des Maliens pour ces élections.
Maintenant, on ne peut pas prévoir s’il y aura une grosse mobilisation le jour de l’élection, mais en tout cas, un travail est fait sur le terrain, notamment un travail de sensibilisation. Une sensibilisation par rapport au vote, mais aussi par rapport au rôle des députés.
Il faut bien rappeler que le Mali est un pays où il y a quand même 49% d’analphabètes : il faut donc expliquer aux Maliens, dans toutes les langues, pourquoi il faut voter, qui sont les députés qui se présentent, à quoi servent-ils, quelle est la différence entre le maire et les députés etc. Depuis un mois, tout cela est expliqué à la population, sous forme de sketchs, de tracts, d’affiches. En tout cas, tous les moyens sont mis pour que ces élections puissent réussir.
JOL Press : La menace djihadiste a-t-elle été prise en compte par les différents partis pendant la campagne pour ces élections ?
Ramata Coulibaly : Le Mali est un pays pacifique, les Maliens ne sont pas des va-t-en-guerre. Cette menace djihadiste existe, mais les élections ne sont pas axées sur cela, ni sur les rébellions. Quelques partis seulement en parlent.
Pour nous, ce sont cependant des questions prioritaires : il y va de la stabilité du pays, de sa souveraineté, et de la cohésion sociale de tout le Mali. En tant que Maliens de France, nous accordons une très grande attention à ces groupuscules et ces rébellions qui ont pris les armes telles que le MNLA [Mouvement national de libération de l’Azawad, ndlr] contre le Mali.
On ne laisse rien passer : pas la moindre faille, pas la moindre décision gouvernementale qui va contre les intérêts du Mali. C’est pour cela que nous organisons régulièrement des marches, des sit-in, des motions que nous lançons dans les journaux maliens.
JOL Press : Qu’attendent les Maliens de France du président François Hollande concernant l’avenir du Mali ?
Ramata Coulibaly : François Hollande a été élu par les Français, et non par les Maliens. Ce n’est pas lui le chef d’État du Mali. Par contre, la France et le Mali sont des pays amis, et nous resterons toujours reconnaissants que François Hollande ait délivré le Mali du joug des djihadistes. Mais nous restons cependant vigilants pour qu’il reste un ami du Mali, et non le président du Mali.
Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press
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Ramata Maiga Coulibaly est présidente du Collectif des Maliens de France pour la Paix (CMFP).