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Les monnaies complémentaires stimulent le tissu économique local

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JOL Press : Quelles sont les structures émettrices de monnaies locales complémentaires ?
 

Phlippe Derudder : Ce sont, en général, des collectifs citoyens, organisés à l’intérieur d’associations, qui les émettent. Ces associations vont le plus souvent imprimer des billets. Les expériences de monnaies complémentaires s’appuient beaucoup sur cette forme de monnaie quand elles débutent. Certaines associations, une fois qu’elles sont plus développées, utilisent également parfois des moyens numériques.

Les membres du réseau, parce qu’il faut être membre de l’association, vont ensuite venir échanger des euros contre cette monnaie locale.

JOL Press : Est-ce un phénomène marqué en France ?
 

Phlippe Derudder : C’est un phénomène qui se développe rapidement. Il y a trois ans, il n’y avait quasiment aucun projet de ce type. Aujourd’hui, on dénombre plus de vingt monnaies complémentaires déjà existantes et une trentaine en cours de préparation. En l’espace de trois ans, le phénomène s’est largement développé et intéresse de plus en plus de monde.

JOL Press : Le but est-il de proposer une réelle alternative aux monnaies « classiques » comme l’euro ?
 

Phlippe Derudder : Les monnaies complémentaires ne visent pas à remplacer ni l’euro, ni le système actuel. Il s’agit plutôt de le compléter, de compenser ses manques pour redonner du sens à l’économie et aux échanges.

Ce sens a clairement été perdu, on le voit au niveau de l’économie globale et de la finance internationale. Le moyen est devenu une fin. Les expériences de monnaies locales sont des tentatives de remettre la monnaie au service de l’échange et de la confiance entre les individus.

JOL Press : Cela peut-il servir à combler un manque de liquidité par l’octroi de crédits ?
 

Phlippe Derudder : Il y  a des expériences où des crédits, limités, sont possibles. C’est le cas, par exemple, en Belgique ou en Suisse, pays où les monnaies locales complémentaires sont plus développées qu’en France. Il est vrai que, parfois, les monnaies locales peuvent venir prendre le relai et apporter des solutions de crédit. Cela reste malgré tout limité, on est plus dans le microcrédit.

L’environnement dans lequel se développent les monnaies locales reste réglementé. Il y a certaines normes et règles à respecter pour les établissements qui consentent des crédits.

JOL Press : Ces expériences peuvent-elles réellement contribuer à redynamiser l’économie locale ?
 

Phlippe Derudder : Ces monnaies ont en effet vocation, le plus souvent, à redynamiser l’économie locale, à attirer l’attention sur la production locale. Et c’est nécessaire car les petits commerces, artisans, petites entreprises, sont extrêmement fragilisés.

Il y a une volonté d’attirer l’attention sur la richesse qui est produite localement et, donc, de favoriser tout ce secteur, de reporter notre attention sur le local, de dynamiser ce tissu de la production. L’avantage, c’est vraiment cet apport pour l’économie réelle. La monnaie locale n’a pas cours en dehors du réseau à l’intérieur duquel elle circule, elle ne peut donc être utilisée que sur un territoire donné.

C’est vraiment un acte citoyen, qui vise à reconnaître la richesse des gens qui nous entourent.

JOL Press : Pourquoi cela intéresse-t-il si peu nos dirigeants ?
 

Phlippe Derudder : Le phénomène est encore trop nouveau. Les collectivités locales, les maires, les élus locaux sont eux plus sur le terrain et voient le phénomène. Ils s’y intéressent et participent parfois même. Mais, plus on monte dans la hiérarchie du pouvoir, moins l’attention se porte sur ces initiatives. Elles n’attirent pas l’attention des dirigeants politiques du fait de leur faible envergure. Ce ne sont pas des actions qui ont encore une ampleur suffisante pour les intéresser.

JOL Press : Les monnaies locales sont-elles, selon vous, amenées à connaître un essor dans les prochaines années ?
 

Phlippe Derudder : Oui, si l’on regarde la dynamique du mouvement, on peut imaginer que cela va se développer fortement. Un nombre grandissant de personnes s’intéressent à ce phénomène.

Mais les choses ne se feront pas toutes seules, ce n’est pas la monnaie locale qui va résoudre les problèmes. Ce sont les citoyens qui devront faire avancer les choses.  On est dans la phase d’ascension, la suite dépend des acteurs, donc des citoyens.

Propos recueillis par Rémy Brisson pour JOL Press

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