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Loi de Programmation Militaire: où est notre ambition stratégique?

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De la même manière que les affaires stratégiques ne sont pas d’abord des questions de morale, les problématiques de défense ne peuvent se satisfaire d’une approche uniquement gestionnaire, par nature court-termiste. Tout découle en premier lieu d’une ambition et d’une volonté.

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Soit nous considérons que la France occupe une place particulière sur la scène internationale, que notre pays a des responsabilités à exercer, des intérêts à protéger, des valeurs à porter, et alors, notre effort de défense doit le traduire concrètement. Soit nous n’assumons pas cet effort et nous entérinons un déclassement définitif de notre pays. Il n’y a pas d’alternative. Il ne peut exister de politique étrangère efficace sans politique de défense crédible, elle-même soutenue par des capacités opérationnelles cohérentes, définissant une ambition stratégique.

Où est cette ambition ? Que nous proposent le Livre Blanc et la Loi de Programmation Militaire (LPM) en débat à l’Assemblée Nationale ?

Rien d’autre que des déclarations dogmatiques, des paris hasardeux et une approche comptable faite de clauses de sauvegarde et de revoyure.

Or notre Défense Nationale atteint ses limites tant au niveau du nombre d’hommes que des équipements ; et ce alors que le contexte international n’a jamais été aussi volatile et nos forces armées si fortement sollicitées sur des théâtres des plus divers : Afghanistan, Libye, Mali. Et demain, si un choc plus rude survenait ? L’heure n’est pas venue de réduire notre posture militaire ni de supprimer un avantage stratégique dont peu de pays peuvent se targuer.

Soyons clairs, les orientations budgétaires voulues par François Hollande n’assurent pas le strict minimum.

Premièrement, la mobilisation de 6,1 milliards d’euros de ressources exceptionnelles plus ou moins identifiées. Force est de constater que ces ressources sont incertaines par nature et que les montants et les calendriers envisagés ne seront jamais respectés.

Ensuite des succès à l’exportation qui restent à confirmer, or ces succès sont indispensables à la fois pour tenir le cadrage budgétaire mais aussi pour compenser les baisses de charge de production de nos entreprises et donc préserver compétences et emplois. Nous avons besoin « d’équipes de France » soudées pour promouvoir efficacement nos systèmes d’armes dans le cadre de partenariats stratégiques pérennes avec des pays tiers.

Troisièmement, le retour d’une croissance durable. Hélas, je crains, doux euphémisme, que la politique économique du gouvernement ne permette pas d’atteindre cet objectif.

Enfin, l’adhésion du personnel de défense est loin d’être garantie au vu du plan social majeur qui l’attend. Car ces hommes et ces femmes, civils et militaires, dont le professionnalisme et la discipline demeurent sans faille, subissent un empilement de réformes, souffrent de conditions de travail très dégradées, démotivantes et d’un manque évident de perspectives en termes de parcours professionnel. S’y ajoute un sentiment inutile de défiance qu’exprime la refonte maladroite en cours de la gouvernance du ministère de la Défense. À l’approche des commémorations de la guerre 14-18, je tiens plus encore à honorer la mémoire de tous ceux qui ont payé cet engagement du prix du sang.

Au final, ce projet de LPM n’est pas sincère.

Nous sommes face à une équation à multiples inconnues, utilisant des artifices budgétaires pour masquer l’insuffisance manifeste de crédits. Faute de choix tranchés et assumés, l’implacable logique de réduction homothétique s’impose au mépris de la logique fonctionnelle la plus élémentaire. Les réductions « temporaires » de capacités et une dégradation de la préparation opérationnelle de nos forces en seront les conséquences les plus graves.

Cette tendance de fonds affaiblit notre système de défense et le déclasse au stade d’un « couteau suisse », c’est-à-dire un ensemble pluriel de forces de faible volume dotées de moyens limités. C’est inacceptable à mes yeux.

Le redressement des comptes publics est certes une impérieuse nécessité mais les domaines régaliens ne doivent pas servir de variable d’ajustement. La Défense a déjà beaucoup donné et jusqu’ici sans rechigner. Où sont les marges de progrès dans les autres administrations ? Comment peut-on oublier à ce point que de notre défense aujourd’hui, dépend demain notre liberté de choisir notre destin, collectif et personnel ?

Cette LPM est donc une loi de vérité pour le Président de la République, chef des Armées. Il doit le mesurer. En tant que citoyen, et plus encore en tant qu’élu de la Nation, je serai toujours exigeant et vigilant sur les questions qui engagent le devenir de mon pays et sa crédibilité en Europe et dans le Monde. 

par Xavier Bertrand, Ancien Ministre, Député-Maire de Saint-Quentin

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