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Municipales: l’UMP sera-t-elle plus forte que ses divisions internes?

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Lancement d’une alliance entre François Bayrou et Jean-Louis Borloo, montée irrésistible du FN…: l’UMP aurait-elle du souci à se faire, en vue des municipales ?

François Bayrou ? « Il est celui qui a aidé François Hollande à devenir Président de la République », se défend l’ami de toujours de Nicolas Sarkozy, Brice Hortefeux. « Ce n’est pas un jugement. C’est une observation. Donc, je pense que pour sortir du socialisme, on n’est pas obligé de choisir celui qui nous y a fait rentrer ». Et le FN ? « Il ne faut pas en faire l’alfa et l’oméga de la vie politique », a-t-il tempéré, lors de l’émission « C politique » du dimanche 3 novembre. «  Il ne pas faut pas abandonner de thèmes : le social ce n’est pas que le Parti Socialiste et la sécurité, la justice et l’immigration ce n’est pas le pré carré du Front National ».

L’UMP sera-t-elle à même de faire face à l’arrivée de ces invités surprise ? Eléments de réponses avec Philippe Braud, politologue français spécialiste de sociologie politique.

JOL Press : En vue des municipales, l’UMP n’est-elle pas prise en étau entre la tentation du FN et l’alliance de François Bayrou et Jean-Louis Borloo au centre ?

Philippe Braud : Cet étau existe, en effet, dans les grandes villes, pour une fraction importante des électeurs mais il ne faut pas oublier que lors d’élections municipales on est face à des situations locales. Les enjeux de personnes vont jouer un rôle majeur dans ces élections. Prenons un exemple typique : Jean-Paul Delevoye, président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et maire UMP sortant de Bapaume (Pas-de-Calais), a décidé de soutenir le député socialiste Jean-Jacques Cottel, qui brigue sa succession. Ce n’est pas un UMP qui soutient un PS, contrairement à ce que pensent certains médias, mais un homme qui préfère un candidat à un autre.  

A certains égards, l’UMP va subir les désagréments de la création du centre et de la polarisation FN, mais, pour les municipales, cet étau ne sera pas aussi serré qu’on l’imagine. Je ne dis pas que l’UMP fera un bon score mais que les résultats reposeront sur les candidats, qu’ils soient sortants ou challengers, de droite ou de gauche.

JOL Press : À Angers comme à Reims, l’UMP ne tient pas à faire venir ses dirigeants nationaux, par crainte de mécontenter soit François Fillon soit Jean-François Copé. Ce conflit va-t-il gangrener la campagne ?

Philippe Braud : Autant je pense que la querelle entre François Fillon et Jean-François Copé peut avoir des effets ravageurs dans la perspective de l’élection présidentielle, autant, dans la perspective des municipales, les gens s’intéressent davantage aux candidats qu’aux difficultés internes de l’UMP. Ces querelles auront donc un impact limité. Ce qui compte, c’est la présence ou non de dissidents, c’est la manière dont sont constituées les listes. Une liste qui ratisse large, quelque soit l’étiquette, est plus à même de gagner qu’un parti.

Quant au FN, il est évident qu’au plan national son score est tout à fait impressionnant mais dans le cas d’élections locales, c’est très différent. Si le FN est bien implanté dans les zones rurales qui sont touchées par la crise et préoccupées par l’immigration, on ne votera pas pour le FN mais pour un candidat d’action locale. Par ailleurs, dans les grandes villes, le FN aura beaucoup de mal à constituer des listes qui auront une crédibilité gestionnaire. Le FN ne constitue pas une menace à la hauteur du chiffre des intentions de vote, sur le plan national, attesté par les sondages.

JOL Press : Malgré tout, l’étiquette UMP est-elle devenue un handicap pour certains candidats ?

Philippe Braud : Je crois franchement qu’on n’en est pas encore là, car, après tout, les déchirements à la tête d’un parti sont assez monnaie-courante. La lutte est fratricide mais elle n’est pas exceptionnellement cinglante. Quand on regarde en arrière, sur 40 ans de vie politique, on a assisté à d’autres combats virulents. L’impact négatif de ces querelles est très affaibli, encore une fois, dans le cadre d’élections locales.

JOL Press : L’UMP a été créée comme un rempart face au FN. Est-elle encore crédible, sur ce thème, aujourd’hui ?

Philippe Braud : La clé du problème, c’est que les sondages d’opinion montrent que les électeurs UMP partagent largement les idées du Front national sur l’immigration mais pas sur l’Europe ou le souverainisme. Cela veut dire que beaucoup de gens qui ont des idées proches du FN, le jour du vote, préfèreront probablement voter pour une liste UMP qui ait un minima de crédibilité gestionnaire, surtout si c’est une liste sortante, plutôt que pour le FN et ses candidats plus ou moins improvisés.

Pour ce qui est de la crédibilité de l’UMP, faisons un peu de rétrospective historique. Dans les années 60, la crédibilité de la SFIO était à son niveau le plus bas. La crédibilité de la gauche, jusqu’en 1965, était extrêmement faible, or en 1967, la Fédération de la gauche démocrate et socialiste (FGDS) renaît de ses cendres et fait presque jeu égal avec la majorité gaulliste sortante. En 1969, on assiste, de nouveau, à un effondrement de la crédibilité de la gauche socialiste, illustré par l’échec cuisant de Gaston Defferre à l’élection présidentielle. Et quelques années plus tard, le Parti socialiste connaît ses premiers succès…

Il existe une résilience extrêmement forte des partis de gouvernement et de leur image, malgré leurs échecs et leurs luttes internes. Je ne crois pas beaucoup à une vision catastrophique pour l’UMP, ni pour le PS d’ailleurs, malgré le challenge épouvantable qu’il a à affronter en termes de popularité aujourd’hui.

JOL Press : Sur quel terrain l’UMP a-t-il intérêt à se placer en vue des municipales ? Parler du droit du sol, était-ce une bonne idée ?

Philippe Braud : Les enjeux municipaux font qu’on ne fait pas campagne de la même manière qu’on soit à Brest, à Dreux ou à Lyon. Bien sûr, le fait de s’élever contre une politique trop élargie de naturalisation plaît à la quasi-totalité des électeurs de droite et même à un bon tiers des électeurs de gauche. Evidemment, là où il y a une forte population immigrée, c’est toujours bon à prendre pour l’UMP de surfer sur ces thèmes mais n’oublions pas la force des enjeux locaux. Les questions d’organisation de la ville sont bien plus importantes que ces polémiques autour du droit du sol.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Philippe Braud, ancien directeur du département de Sciences politiques de la Sorbonne, est professeur émérite des universités à Sciences Po Paris et Visiting Professor à l’université de Princeton (WoodrowWilson School).

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