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Pourquoi les agriculteurs d’Ile-de-France appellent à un blocus de Paris

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Le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, ne cèdera pas. C’est en tout cas ce qu’il a laissé entendre, lundi 18 novembre, après l’annonce par les syndicats agricoles d’Ile-de-France de tenter un blocus de Paris jeudi 21 novembre. Les fédérations départementales des Syndicats d’Exploitants Agricoles d’Ile de France (FNSEA) et les Jeunes Agriculteurs ont, en effet, prévu « des rassemblements sur tous les axes routiers menant à Paris pour faire entendre la voix d’une agriculture aujourd’hui sacrifiée ».

Entretien avec le président des Jeunes Agriculteurs, Grégoire de Meaux.

JOL Press : Les syndicats agricoles d’Ile-de-France, FNSEA et JA, appellent leurs adhérents à la « mobilisation générale pour un blocus de Paris ». De quoi s’agit-il exactement ?

Grégoire de Meaux : Nous allons bloquer les artères qui vont vers Paris avec nos moyens : tracteurs, camions, chevaux… Je ne peux pas vous dire combien nous serons mais nous risquons d’être très nombreux, certains agriculteurs des régions voisines nous ont annoncé qu’ils allaient se joindre à nous. Nous voulons aussi faire comprendre au grand public que ces taxes vont avoir immanquablement des répercussions sur le pouvoir d’achat. Les hausses de charges se répercutent forcément sur les prix.

JOL Press : « Ce n’est plus un avertissement lancé au ministre de l’Agriculture, mais un ultimatum », avez-vous écrit dans un communiqué. Pourquoi parler d’ultimatum ?

Grégoire de Meaux : Avec cette action, nous espérons que le ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, réalise que les orientations qu’il a prises pour l’agriculture française sont désastreuses car elles vont mettre à mal toute une filière qui, jusqu’à maintenant, rapportait beaucoup de devises à la France. La production céréalière, par exemple, apporte beaucoup d’argent au pays. Nous souhaitons que le gouvernement prenne conscience de notre situation et qu’il arrête de nous assommer de  règles et de taxes.

Nous demandons à Stéphane Le Foll qu’il renonce aux différentes taxes qu’il prévoit de nous imposer. Je pense, par exemple, au décret paru au Journal Officiel du 13 novembre 2013, qui permet de faire passer au 1er Janvier 2014, la TVA de 7% à 20% pour l’ « utilisation des animaux à des fins d’activités physiques et sportives et de toutes installations agricoles nécessaires à cet effet ». Nous souhaitons, par ailleurs, une suppression pure et simple de l’écotaxe et non un ajournement.  Ce qu’il faut absolument, c’est que le gouvernement réduise les dégâts en matière de politique agricole.

JOL Press : Le rapport de force était-il inévitable ? Le dialogue est-il devenu impossible avec le gouvernement ?

Grégoire de Meaux : Nous avons cherché à rencontrer Stéphane Le Foll mais il n’a jamais accepté de nous recevoir. Nous avons fait plusieurs opérations « coup de poing ». En janvier dernier déjà, nous avions manifesté près du ministère de l’Agriculture pour protester contre les mesures environnementales du gouvernement et nous n’avions eu aucune réponse. Stéphane Le Foll ne veut pas échanger avec nous, il ne prend pas en compte notre représentativité, nous n’avons pas d’autre choix pour nous faire entendre.

Nous disons qu’il est incompétent parce qu’il écoute des gens qui ne sont pas représentatifs de la profession agricole notamment la Confédération Paysanne. Des élections aux chambres syndicales ont tranché l’année dernière au mois de janvier et ont donné aux syndicats agricoles FDSEA et JA une représentativité tout à fait légitime au niveau national. Stéphane Le Foll n’en tient pas compte. En préférant discuter avec la Confédération Paysanne, il va à l’encontre du code rural.

JOL Press : Quels rapports aviez-vous avec les anciens ministres de l’Agriculture ?

Grégoire de Meaux : Les ministres sont là pour faire des réformes qui plaisent ou qui ne plaisent pas, et ensuite ils changent de ministère. Michel Barnier, ministre de l’Agriculture et de la Pêche, dans le deuxième gouvernement Fillon, nous avait fait beaucoup de mal avec le bilan de santé de la PAC. Les céréaliers, principaux bénéficiaires des aides européennes, ont été les premiers à souffrir de cette réorientation de la politique agricole. Après avoir fait adopter cette réforme, il s’est présenté aux élections européennes. Bruno Le maire, qui l’a remplacé, a été un excellent ministre parce qu’il n’avait aucune réforme à faire passer. On a donné à Stéphane Le Foll la mission de réformer la PAC, il va le faire, puis il partira.

JOL Press : Vous sentez-vous solidaires des « bonnets rouges » bretons ?

Grégoire de Meaux : Les « bonnets rouges » sont un peu à part. Ils sont plus extrêmes que nous. Nous n’avons pas l’intention d’être violents, nous ne voulons rien casser, nous voulons juste faire comprendre aux gens que la politique agricole actuelle souffre de nombreux disfonctionnements qu’il faut essayer de rectifier. On ne va pas enfoncer un portail de sous-préfecture ou démonter un portique écotaxe. Je pense que les initiateurs des « bonnets rouges » ont un peu perdu le contrôle des événements. Ils râlent contre l’Etat et en même temps ils détruisent des portiques qui coûtent entre 500 000 et un million d’euros. Je ne crois pas que cela soit une très bonne idée.

JOL Press : Que proposez-vous pour sortir le secteur agroalimentaire de l’impasse ?

Grégoire de Meaux : Si nous trouvions en face de Stéphane Le Foll, nous lui dirions que prendre des subsides européens à des filières qui fonctionnent – je parle ici de la filière céréalière qui ne fonctionne que grâce à ces subsides qui sont les derniers filets qu’on a contre les variations des prix des matières premières – pour les donner à l’élevage, c’est un très mauvais calcul qui oppose les deux filières. Par ailleurs le problème de l’élevage n’est pas un problème d’aides européennes mais  c’est toute la filière qui faudrait réorganiser. En Bretagne, les abattoirs ferment les uns après les autres et ce n’est pas des petites enveloppes européennes qui vont permettre à la filière de se relever.

JOL Press : Comment envisagez-vous l’avenir de votre profession dans 10 ou 20 ans ?

Grégoire de Meaux : La population augmente et les terres agricoles diminuent. Ce constat démographique nous pousse à nous battre. Si nous voulons conserver notre autonomie alimentaire en France et en Europe, il faut produire. Nous aurons toujours besoin d’agriculture. Le problème, dans l’agriculture, c’est que les cartes sont rebattues tous les deux ou trois ans mais quand un jeune s’installe, c’est pour 30 ans. Tous les trois ans, il  doit revoir ses chiffres, la situation est de plus en plus compliquée.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

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