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Pourquoi l’UMP va être contrainte de se ranger derrière Nicolas Sarkozy

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« Il faut un certain temps avant de retrouver de la crédibilité, nous ne sommes pas encore le parti d’alternance crédible qui pourrait reprendre le pouvoir demain », constate l’ancien ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire. Et force est de constater que depuis un an, l’UMP a bien du mal à se relever de la querelle qui a opposé Jean-François Copé et François Fillon. Etat des lieux de la situation avec Hubert Huertas, auteur de La guerre des deux droites (Archipel – 2013). Entretien.

JOL Press : François Fillon et Jean-François Copé semblent ne pas s’être relevés de cette guerre interne. Se sont-ils «entretués» médiatiquement et politiquement dans la bataille ?

Hubert Huertas : Médiatiquement, ils se sont entretués. Ils se sont même entretués à grand spectacle pendant leur bataille pour la présidence de l’UMP. Dans un deuxième temps, ils ont trouvé un accord, une sorte de répartition des tâches. Eux, qui ne paraissaient pas si éloignés idéologiquement l’un de l’autre, ont travaillé concrètement sur des créneaux différents : l’un sur la droite décomplexée, l’autre sur une position plus centrale, plus gaulliste.

Puis François Fillon s’est re-droitisé. Ce qu’il faut savoir c’est que François Fillon a toujours été plus à droite que ce qu’il a semblé. Ses discours, pendant la campagne de 2007, étaient beaucoup plus durs et agressifs en direction de la gauche que ceux de Nicolas Sarkozy, qui, à ce moment-là, jouait plutôt l’ouverture. François Fillon donc s’est mis, à son tour, à courir derrière le Front national.

Résultat : un an après cette malheureuse élection, Jean-François Copé est resté au plus bas dans les sondages et François Fillon a plongé. Ce dernier a perdu un créneau que l’UDI a l’air de vouloir occuper. En se confondant aujourd’hui, ils continuent à abîmer leur image sur une ligne qui est problématique, car la course derrière le FN peut difficilement servir de programme.

JOL Press : D’autres personnalités de l’UMP ont-elles aussi chuté dans l’opinion, depuis cette élection ?

Hubert Huertas : Les personnalités qui ont le plus souffert et qui ont cherché à se démarquer assez vite sont les personnalités modérées. Jean-Pierre Raffarin soutenait Jean-François Copé et tient aujourd’hui des propos beaucoup plus centristes. Bruno Le Maire, qui n’avait pris parti pour personne, mais qui paraissait plus proche de François Fillon, a essayé de jouer sa propre carte. Son livre, Jours de pouvoir (Gallimard), est plein de cette volonté de hauteur. Luc Chatel, qui soutenait Copé, n’a pas hésité à prendre certaines distances, sur le mariage gay, par exemple.

On pourrait citer NKM et Valérie Pécresse aussi. Tous les modérés ont souhaité se libérer de cette guerre car ils ont bien vu qu’elle n’avait avantagé ni l’un ni l’autre. S’ils ont souhaité aussi se libérer du soupçon de droitisation, ils doivent, de temps en temps, durcir le ton pour convaincre les militants. L’UMP, dans son ensemble, n’a pas résolu la question de la contradiction entre la modération, indispensable à tout candidat à la présidence, et un discours dur, capable de plaire à son électorat.

JOL Press : Qui a sorti son épingle du jeu pendant ce duel ?

Hubert Huertas : Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, qui assument une ligne Buisson depuis le début, n’ont pas eu ce problème d’identité. Ils peuvent considérer désormais qu’ils appartiennent au courant majoritaire du parti, car la base militante est plus à droite que ses dirigeants. Il y a un an, les militants n’ont pas voté uniquement pour un président, ils ont aussi voté pour des motions. Et c’est leur motion, la Droite forte, qui est arrivée en tête avec 27,77 % des voix.

[image:2,s]Par ailleurs, d’un point de vue médiatique, on peut dire que Bruno Le Maire est sorti du lot. Mais s’il a une grande notoriété dans les rédactions, il semblerait que, dans l’électorat, il n’ait pas encore fait sa percée.

JOL Press : On constate que l’UMP n’a pas trouvé sa place de véritable parti opposition. Doit-on imputer cet échec à l’ombre de Nicolas Sarkozy qui plane encore sur le parti ?

Hubert Huertas : Je pense, en effet, que l’échec de l’opposition est dû à la personne de Nicolas Sarkozy. La page n’étant pas tournée, l’UMP se trouve dans l’incapacité de choisir une voie. La cohérence de Nicolas Sarkozy, c’est son énergie, pas sa politique.

C’est un homme fait de contradictions immenses : il est l’ouverture, au début de son quinquennat, et Buisson, à la fin ; il reçoit Kadhafi  et il tue Kadhafi ; il refuse la TVA sociale pendant quatre ans et cinq mois avant la présidentielle, il fonde toute sa politique sur la TVA sociale ; il se présente comme « petit Français de sang mêlé » et prononce le discours de Grenoble très ferme sur les questions d’immigration ; il se déclare, en 2007, en faveur des « subprimes », ces crédits hypothécaires qui permettaient aux Anglo-Saxons d’être propriétaires et qui ont déclenché la grande crise de 2008, et lors du discours à Toulon en 2001, il explique qu’il entend « moraliser le capitalisme »…

Avec Nicolas Sarkozy, tout le monde s’y retrouve, chacun prenant la part d’héritage qui lui convient. Vous pouvez être sarkozyste et favorable aux alliances avec le FN mais aussi sarkozyste farouchement opposé à ces alliances. Le bilan de Nicolas Sarkozy est si contradictoire, qu’il est très difficile pour ses successeurs d’en fabriquer une philosophie. La seule solution de sortie de crise que peut envisager l’UMP, maintenant que l’ancien président ne cache plus son désir de retour, c’est de se remettre derrière Nicolas Sarkozy, de se regrouper autour de son énergie.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Hubert Huertas, ancien grand reporter pour France Inter et France Info, dirige le service politique de France Culture. Il est l’auteur d’un essai sur le Front national (FN made in France, éditions Autres Temps). 

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