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Quelles modalités pour le salaire minimum en Allemagne?

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JOL Press : Comment va se dérouler la mise en place du salaire minimum en Allemagne ?
 

Odile Chagny : Le contrat de coalition a été fait mercredi matin, on a la version définitive. Il y a, en fait, selon le document, une période intermédiaire entre le 1er janvier 2015 et le 1er janvier 2017. Les branches ont la possibilité d’arriver au niveau de 8,5 euros de l’heure jusqu’au 1er janvier 2017.

JOL Press : Sait-on s’il y aura des exceptions à ce salaire minimum de 8,5 euros ?
 

Odile Chagny : Il faut bien comprendre qu’on est en réalité très loin de la situation française dans laquelle un salaire minimum s’applique à tout le monde. Le contrat de coalition prévoit qu’un salaire minimum de 8,5 euros sera bien appliqué, sauf pour les branches qui rentrent dans le cadre de ce que l’on appelle la loi sur le détachement des travailleurs [Ndlr : Arbeitnehmer-Entsendegesetz – AentG].

Comme chacun le sait, en Allemagne, il n’y a pas de salaire minimum, mais les branches peuvent négocier des salaires minimums de branche.  La question qui se posait alors était la suivante : que faire des branches sans salaire minimum ou inférieur à 8,5 euros ?

Il y a eu toute une phase de législation antérieure. Cela a commencé dans les années 1990, dans le but de permettre aux salariés des branches de bénéficier de certains minimas. Or, il se trouve que la loi sur le travail détaché a été un des moyens importants de généraliser ces minimas à l’ensemble des salariés des branches.

A leur actuelle, il y a treize branches qui rentrent dans ce cadre là, le bâtiment ayant été le premier. Mais dans ces branches, les partenaires sociaux négocient eux-mêmes, le montant du minimum, et il peut être au niveau auquel ils le décident. Aujourd’hui, la plupart des treize branches ont des salaires qui sont effectivement supérieurs à 8,5 mais il y en a qui sont, par exemple, à 7,5 euros.

Pendant la campagne, la position de la CDU a toujours été d’intervenir pour forcer les branches à négocier des salaires minimums là où il n’y en a pas. A l’inverse la position du SPD, c’était tout le monde à 8,5 euros, ce qui est très différent.

Le contrat de coalition prévoit une phase qui va permettre à toutes les branches de rentrer dans le cadre de la loi sur le travail détaché. J’interprète cela comme un avertissement aux partenaires sociaux, leur indiquant qu’ils ont jusqu’à 2015 pour négocier des salaires minimums au niveau qui les arrangent, et si ce n’est pas fait, ils rentreront dans le cadre de la loi sur le salaire minimum légal interprofessionnel de 8,5 euros.

JOL Press : Cela va-t-il permettre réellement de mettre fin à certains abus caractéristiques du marché du travail allemand ?
 

Odile Chagny : Le choc de négociation produit par le texte va de toute manière réguler le marché du travail, ce qui ne peut être que positif. Lors des débats, pendant les législatives, il y avait vraiment l’idée qu’il fallait reréguler l’Etat social, au regard des dérives trop importantes qu’a connues l’Allemagne au cours de ces quinze dernières années. Dans le programme du SPD, il y avait cette expression très forte d’une reconstruction de l’Etat social. On voit avec le contrat de coalition que la CDU s’engage également dans cette voie.

Mais il y a un point très important, alors qu’on pouvait trouver dans le projet initial de coalition un paragraphe sur la limitation des abus au droit du travail sur les mini-jobs, le passage a été supprimé dans le projet final.

JOL Press : Comment se passera la revalorisation du salaire minimum ?
 

Odile Chagny: A priori, il sera revalorisé dans le cadre d’une commission composée de représentants de chaque collège patronal et syndical, qui auront chacun le droit de faire appel à une personne qualifiée. Ce sera déterminé en juin, pour entrer en vigueur au 1er janvier.

JOL Press : Si la CDU avait obtenu une victoire avec majorité absolue aux élections législatives, se serait-elle engagée dans le sens d’un salaire minimum ?
 
Odile Chagny : La CDU était favorable, d’une certaine manière, à ce qui est dans le contrat actuel. Je pense que l’on peut considérer que c’est la position de la CDU qui l’a emportée.

Il faut nécessairement imposer la mise en place de salaires décents, un plancher de salaire, ce qu’ils nomment « Untergrenze » dans le contrat de coalition. La CDU a toujours affiché une position qui vise à privilégier la négociation par les partenaires sociaux dans le cadre du respect de l’autonomie tarifaire.  Avec le projet de coalition, on pousse les entreprises et partenaires à négocier, en leur imposant un salaire minimum interprofessionnel en cas d’échec. On retrouve en fait beaucoup d’éléments portés par la CDU.

JOL Press : Quel peut être l’impact d’une telle mesure sur la compétitivité du pays ?  
 

Odile Chagny : En l’état, cela ne peut avoir que des effets bénéfiques sur la qualité de l’emploi. Mais, ensuite, il est impossible à l’heure actuelle, de se prononcer en ce qui concerne l’impact sur la compétitivité. L’accord va pousser les partenaires sociaux à entamer des négociations dont l’issue n’est pas encore connue.

Il est indéniable cependant que l’on sort de la compétitivité par les salaires dans certains secteurs très peu réglementés et régulés.

Propos recueillis par Rémy Brisson pour JOL Press

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