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Cannabis: l’Uruguay fait le pari de la légalisation

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L’Uruguay fait face depuis une dizaine d’années, à une expansion inquiétante de la consommation de cannabis. Selon les autorités, il y aurait dans le pays près de 128 000 usagers. Et naturellement, cette situation fait l’affaire des puissants réseaux de narcotrafiquants, qui ne cessent de s’enrichir, sans que les politiques répressives mises en place ne les affectent.

Pour que les choses changent, le président de gauche José Mujica a engagé son pays sur une nouvelle voie.

Première mondiale dans la lutte contre les narcotrafics

Pour légaliser définitivement la marijuana, après le vote de la loi par l’Assemblée nationale en juillet, il ne manquait plus que l’accord du Sénat. C’est désormais chose faite, les sénateurs uruguayens ayant imité les députés, et validé le texte ce mercredi 11 décembre, par 16 voix sur 29. Le parti de gauche au pouvoir (Frente amplio) étant majoritaire, l’issue du vote ne laissait que peu de place au doute. L’Uruguay devient ainsi le premier pays à légaliser le commerce du cannabis, pour un usage récréatif.

Le président José Mujica espère par cette initiative stopper l’enrichissement des puissants réseaux de narcotrafiquants, au centre, jusque-là, d’un marché souterrain colossal. Pour l’ex-guérillero, élu en 2009, il s’agit même « d’une expérience pour le monde ».

S’il n’est pas certain que cette initiative soit couronnée de succès, elle ne peut qu’être saluée, les politiques de répression menées jusque-là en Amérique latine ayant déjà clairement montré leurs limites. Le chef de l’Etat s’est par ailleurs engagé à « faire marche arrière » si le projet n’obtenait pas les résultats escomptés.

L’Etat au centre de la production et de la vente de cannabis

Si les Pays-Bas, l’Espagne, et certains Etats américains (Colorado et Washington) tolèrent déjà, sous certaines conditions strictes, la culture de la marijuana, le projet de l’Uruguay se distingue par une ampleur tout à fait différente. C’est en effet la première fois qu’un Etat se place au centre du système, en contrôlant la production et la vente de cannabis.

Concrètement, les citoyens de plus de 18 ans pourront se procurer le produit par trois moyens. Ils pourront le cultiver eux-mêmes, à leur domicile, dans la limite de six plants par an. La possibilité de le cultiver dans des clubs de 15 à  45 membres (99 plants maxium) leur sera également offerte. Enfin, une vente en pharmacie, avec un contrôle stricte de l’Etat, sera également organisée. Dans ce dernier mode, une limite de 40 grammes par mois et par personne sera instaurée. Afin de contrôler strictement la consommation, tous les usagers et cultivateurs devront s’inscrire dans un registre national.

Le prix devrait s’établir au niveau de celui qui est pratiqué actuellement dans la rue, c’est à dire autour de 0,75 euro le gramme. Dans ces conditions, les consommateurs n’auront aucun intérêt à faire appel au marché souterrain. L’Etat leur fournira le cannabis au même prix, avec une garantie sur la qualité. Les consommateurs seront également informés sur ces substances, ce qui n’est pas le cas actuellement quand ils ont recours aux narcotrafiquants.

Un modèle à reproduire ?

Au regard de l’échec des politiques de répression dans la lutte contre les narcotrafics, la question de la reproductibilité du modèle se pose légitimement. Le président uruguayen, qui voit en son initiative « une expérience pour le monde », a appelé la communauté internationale à appuyer son initiative, qui est, rappelons le, déjà soutenue par plusieurs ex-présidents d’Amérique latine.

Les voix se font en effet de plus en plus nombreuses pour réclamer un changement dans les politiques de lutte contre la drogue, au niveau mondial, l’impasse actuelle étant manifeste. 

Mais le projet n’a évidemment pas que des partisans. Pour l’opposition uruguyenne, la loi met par exemple clairement en danger les plus jeunes. Dans la mesure où il y aura plus de cannabis disponible, il est en effet possible que cela expose davantage les adolescents. 

A noter que la mise en œuvre effective de la loi n’interviendra pas avant avril 2014.

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