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Centrafrique, Mali… Quelles différences?

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A en croire les premières déclarations du gouvernement, l’intervention en Centrafrique devait se dérouler facilement. Cinq jours après le lancement de l’opération Sangaris, deux soldats français ont pourtant perdu la vie dans les rues de Bangui, rappelant les premières victimes, un an auparavant, du conflit au Mali. Deux interventions françaises en Afrique, et pourtant, deux opérations radicalement différentes.

Sommes-nous en guerre en Centrafrique ?

Si au Mali, l’ennemi était désigné comme étant la menace djihadiste, ce n’est pas le cas en Centrafrique où la France n’est en fait pas en guerre.

« D’un côté on est en guerre, en face d’un ennemi politique, ce qui est le cas au Mali. De l’autre, il n’y a pas d’ennemi, il y a une sécurité minimale à assurer », explique ainsi le colonel Michel Goya, directeur de recherche au Centre de Doctrine d’Emploi des Forces de l’Armée de Terre, interrogé mardi 10 décembre sur le plateau de l’émission 28 minutes, sur Arte.

« C’est une opération qui a toujours été présentée comme complexe, difficile », ajoute-t-il encore, car « nous ne sommes pas en guerre comme au Mali, nous sommes dans une opération de stabilisation ».

Guérilla du désert contre guérilla urbaine

Au nord du Mali, plus particulièrement dans le massif des Ifoghas, les Français ont été confrontés à des djihadistes rompus aux techniques de guérilla dans le désert. Dans une zone qui leur était plutôt hostile, dans la mesure où, en face, l’ennemi avait une parfaite connaissance du terrain, les Français ont dû appréhender leur environnement pour poursuivre les djihadistes. Dans cette mission, les Tchadiens ont été d’une grande aide pour les soldats français tant ces militaires sont à l’aise dans ce type de combats.<!–jolstore–>

En Centrafrique – les images qui nous parviennent en témoignent – c’est principalement dans les rues de la capitale, Bangui, que se sont déroulés les combats. Les forces françaises ont pour mission de patrouiller et de repérer les éventuels anciens rebelles ou nouveaux miliciens afin de les désarmer.

Un génocide en RCA ?

Depuis quelques semaines, le mot « génocide » semble être sur toutes les lèvres. En effet, s’opposent sur place deux groupes religieux et sociaux distincts, tel que l’explique Maria Malagardis, journaliste pour le quotidien Libération, sur le plateau de 28 Minutes.

A l’origine du conflit, une rébellion, la Séléka, majoritairement constituée de musulmans. Cette rébellion « prend le pouvoir en mars dernier, et devient vite impopulaire en raison de la violence et des exactions qu’une partie de ces troupes ont commis ».

« En réaction à ces exactions, se ressuscitent des milices d’auto-défense, […] – milices qui ont toujours existé selon les périodes de l’histoire […] – et on entre alors dans un cycle de violentes représailles », explique la journaliste.

De là à utiliser le terme « génocide », les mots sont un peu forts. « Génocide a une définition précise dans notre histoire », indique Maria Malagardis. « C’est une extermination orchestrée, planifiée, programmée contre des gens, pour ce qu’ils sont. En Centrafrique on est plus dans un schéma de guerre civile », explique-t-elle encore.

Plutôt une guerre civile

Or en République centrafricaine, analyse pour sa part l’anthropologue africaniste Jean-Loup Amselle, nous n’assistons pas à un « affrontement ethnique » mais bel et bien à « un affrontement religieux et social ». Sur place, note-t-il encore, les couches populaires chrétiennes s’opposent à la petite bourgeoisie musulmane.

Cependant, s’il n’est pas question de génocide pour le moment, le spectre du Rwanda est bien présent dans les pensées.

« On a reproché à la France d’avoir tardé à intervenir au Rwanda face au génocide », rappelle ainsi le colonel Michel Goya. « Qu’aurait-on dit si, alors qu’on a les moyens et la volonté d’intervenir, si nous avions laissé la situation ? », interroge-t-il encore.

Mêmes objectifs

Difficile alors de définir si l’opération centrafricaine sera plus dure à mener que l’opération malienne tant les conditions et les objectifs sont différents. Cependant, si un élément réunit ces deux interventions françaises, il s’agit bien de l’après-intervention.

Au Mali, la France a déclaré avoir rempli sa mission lorsque le président Ibrahim Boubacar Keita a été élu, en juillet dernier. Désormais c’est l’Assemblée nationale qui est en passe de prendre place au Parlement. Néanmoins, près d’un an plus tard, la situation sécuritaire au nord n’est toujours pas rétablie et les amis d’hier – les Touaregs – semblent être devenus encombrants pour les Français et les derniers événements ont prouvé que leurs revendications indépendantistes pouvaient également semer le chaos dans la région.

En République centrafricaine, la France compte aussi sur l’organisation – à court terme – d’élections libres et démocratiques. Or le conflit en RCA semble déjà s’enliser tant la France découvre sur place une population dont le désir de vengeance est grand face aux anciens rebelles pourchassés. Ce cycle infernal pourrait bien mettre à mal les ambitions françaises pour son ancienne colonie.

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