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Du traitement médiatique des opérations extérieures françaises

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Il aura fallu cinq jours. Cinq jours pour que les médias fassent appel à des experts militaires pour expliquer l’opération Sangaris en République Centrafricaine. 

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Dans les premiers jours de l’opération, ont été invités en plateau des humanitaires, des grands reporters, des spécialistes de l’Afrique, mais pas ou peu d’experts capables de traiter de l’opération elle-même sur un plan stratégique et tactique. Les réseaux sociaux ont joué leur rôle, des blogs ont impulsé un mouvement et le lundi 5 décembre, les rédactions se sont souvenu qu’existent aussi des spécialistes des opérations militaires.

Pourtant, comme le fait remarquer le colonel Michel Goya sur son blog aucune rédaction ne traite d’une crise sanitaire sans intégrer dans son dispositif d’information au moins un médecin. Qui donc pourraient inviter les médias ? Il ne s’agit pas ici de traiter du fonctionnement de la communication de l’Etat-major et de la DICOD (Délégation à l’information et à la communication de la Défense), qui mériterait à lui seul un article entier. En revanche, il existe, en dehors de ce système de communication, des experts de la Défense, souvent officiers ou anciens officiers reconvertis, qui, du fait de leur expérience et de leurs parcours professionnel, contribuent à éclairer leurs concitoyens.

Si on ne les voit que peu dans les premiers jours des opérations, c’est sans doute d’abord à cause d’une méfiance latente, chez certains responsables médiatiques, à l’égard de toute source d’information qui ressemble de près ou de loin à une source en uniforme. Cette méfiance est salutaire : elle existe vis-à-vis  toute institution faisant sa propre communication, et c’est heureux. Mais elle est plus tenace dans le cas qui nous intéresse parce que demeure le soupçon de propagande, venu de l’histoire des conflits du XXe siècle, lourds en blessures mémorielles.

Les expressions de cette méfiance sont récurrentes, parfois légitimes mais souvent excessives. Lorsqu’un documentaire sur Serval, l’opération en cours au Mali, a été diffusé le 17 octobre dernier dans « Envoyé spécial » (France 2), entièrement fabriqué à partir d’images de l’ECPAD (Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense),  certains journalistes se sont insurgés: ils ne voulaient pas « être informés par l’armée ». Pourtant, dans un paysage médiatique pluraliste, le risque de n’entendre que la voix de l’institution de Défense n’existe pas. Il existe d’autant moins que les experts militaires dont nous parlons ici ne portent pas la parole du Ministère et ne font pas bloc : ils sont divers, porteurs de messages variés, capables de distance critique vis-à-vis de l’institution dans laquelle certains ont servi ou servent encore. C’est un tort de faire la confusion entre ces spécialistes et la communication institutionnelle de la Défense. Ils sont pourtant victimes de la même méfiance consciente ou inconsciente.

La seconde explication réside dans une indifférence à la chose militaire malgré ce chiffre impressionnant de 75% de Français qui ont confiance en l’institution de Défense. Lorsqu’une opération comme Sangaris est lancée, il y a un inévitable délais de latence pour que ces experts finissent par être sollicités parce que, tout simplement, dans les rédactions, certains journalistes le reconnaissent, on n’a pas pensé à eux.

Pour que l’information sur les opérations extérieures de la France soit de qualité, il faudrait que ces experts soient des interlocuteurs admis, non pas à une place supérieure, mais à une place équivalente à celle accordée aux autres spécialistes sollicités. Cela permettrait aux citoyens de mieux comprendre le sens de l’action de ceux qui consentent au sacrifice éventuel de leur vie mais aussi de se forger une opinion sur les opérations extérieures, quitte à en contester finalement le bien fondé et la légitimité.

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