Mayam Mahmoud a créé la surprise lors de son passage à l’émission égyptienne d’Arabs Got Talent. Du haut de ses 18 ans, la rappeuse égyptienne interprète des chansons engagées contre le harcèlement sexuel, un fléau dans la société égyptienne.
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Sa prestation dans l’émission égyptienne d’Arabs Got Talent, en octobre dernier, a laissé les quatre membres du jury sans voix. Depuis son passage sur le plateau de l’émission, la jeune rappeuse de 18 ans est devenue un phénomène. « Vous flirtez, vous harcelez, et vous ne voyez rien de mal à cela. Mais même si ce ne sont que des mots, ce n’est pas du flirt, mais des pierres que vous jetez », lance Mayam Mahmoud dans l’une de ses chansons.
Chanteuse engagée
Artiste engagée, la jeune femme de 18 ans aborde dans ses chansons des sujets tabous dans la société égyptienne, tel que le harcèlement sexuel. Cette étudiante en économie à l’université du Caire écrit elle-même la musique et les textes de ses chansons: « Ici beaucoup de personnes sont surprises de voir une femme interpréter des chansons de rap. Ils se demandent comment cela est possible… Ici en Egypte, les gens pensent que, par le simple fait de porter le foulard, une femme ne peut pas être une chanteuse, danseuse ou actrice », déplore-t-elle dans une interview à la BBC.
Accusée de « salir l’islam »
Ses chansons lui ont également valu une pluie de critiques sur son compte Facebook: « Certains m’accusent de salir l’islam », explique-t-elle, ou l’a traitent « d’infidèle ». Mais la jeune fille peut compter sur le soutien de sa famille : sa mère l’aide depuis qu’elle est toute petite à écrire des textes inspirés de la poésie traditionnelle arabe, et son père, plus réticent au départ, lui a toujours conseillé de soulever des questions importantes dans ses chansons.
« Beaucoup de gens se demandent si c’est possible pour une fille voilée de rapper », explique Mayam à The Guardian. Dans la société égyptienne, « si une fille rêve de travailler dans un domaine exclusivement réservé aux hommes ou même de faire des études supérieures, ou encore d’avoir un poste plus élevé que celui de son mari – cela est difficilement réalisable dans la société egyptienne » poursuit-elle.
Pour Mayam Mahmoud, le problème ne peut être résolu que si les femmes se mobilisent pour dénoncer publiquement le harcèlement sexuel. Elle espère que, grâce à sa prestation, les langues se délient, même si un grand nombre de femmes craignent les représailles que cela implique: « Les femmes préfèrent garder le silence de peur qu’on leur dise que c’est de leur faute. Mais si nous nous taisons, le problème ne fera qu’empirer » prévient-elle.
Harcèlement sexuel, fléau en Egypte
Le harcèlement est un véritable fléau en Egypte: selon une enquête publiée par l’Onu au mois d’avril et rapportée par The Guardian, 99,3% des femmes égyptiennes ont déclaré avoir été victimes de harcèlement sexuel, et 91% disent se sentir en insécurité dans la rue.
Ce thème a déjà été évoqué dans le film Les femmes du bus 678, premier film égyptien a avoir levé le tabou du harcèlement sexuel dans la société égyptienne. L’action se déroule un an et demi après la chute de Hosni Moubarak. Le réalisateur Mohamed Diab s’est ici inspiré d’une histoire vraie pour raconter les destins croisés de trois femmes : Fayza, Seba et Nelly, qui s’unissent pour lutter contre les agressions sexuelles dont les femmes sont victimes. Le cinéaste égyptien, connu pour son militantisme, se base sur l’affaire Noha Rushdi, agressée par un inconnu en 2008. Elle fut la première femme a oser porter plainte contre son agresseur et à le faire condamner à trois ans de prison.